Le Devoir

Une pluie d’amour pour un chanteur mythique

Le premier ministre François Legault a offert à la famille d’organiser des funéraille­s d’État

- MARC-ANTOINE FRANCO REY

« Immortel », « immense », mais aussi « authentiqu­e » et « humble » : les hommages n’ont cessé de pleuvoir sur Jean-Pierre Ferland, qui s’est éteint samedi à l’âge de 89 ans. Alors que le Québec pleure son petit roi, le premier ministre François Legault a offert dimanche des funéraille­s d’État à la famille du défunt.

« Tous les Québécois ont le goût de lui dire “une chance qu’on t’a” », a lancé le chef du gouverneme­nt en conférence de presse.

« On va entrer en contact avec la famille et, si elle le souhaite, on va organiser des funéraille­s nationales », a-t-il poursuivi, offrant du même coup ses condoléanc­es à l’entourage de M. Ferland.

Du mythique album Jaune, qu’il a « écouté en boucle », au concert sur le mont Royal en 1976 auquel il a luimême assisté, M. Legault a souligné le legs de ce « grand bâtisseur de la chanson québécoise ».

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a raconté dimanche que Jean-Pierre Ferland avait chanté Une chance qu’on s’a à ses noces, et ce, « sans rien demander en retour ».

« C’était un homme absolument authentiqu­e et généreux », a partagé le ministre Drainville.

Le ministre de la Culture et des Communicat­ions, Mathieu Lacombe, a pour sa part évoqué un « coup de barre à l’estomac » à l’annonce de cette disparitio­n.

« Jean-Pierre Ferland, c’est un géant, c’est un monument, non seulement de la chanson québécoise, mais plus largement, de la francophon­ie », a-t-il affirmé.

« Monsieur Ferland, au nom de la nation québécoise, adieu, et merci pour tout », a conclu le premier ministre.

« Quelqu’un de bien »

Près et loin de lui, Jean-Pierre Ferland laisse dans son sillage des coeurs brisés.

« C’était quelqu’un de bien », décrit en toute simplicité l’animatrice Monique Giroux, venue se recueillir à la place des Fleurs-de-Macadam, à Montréal, baptisée en l’honneur d’une des chansons de l’artiste né sur le Plateau.

Monique Giroux avait invité, sur les réseaux sociaux, les admirateur­s de

Ferland à couvrir la place de fleurs jaunes au lendemain de la mort du chanteur.

Au-delà de l’artiste, celle qui a très bien connu Jean-Pierre Ferland garde le souvenir de quelqu’un « de très loyal, de très fidèle ».

« Il avait quelque chose d’un grand petit garçon. Un petit garçon devenu grand, mais qui restait terribleme­nt attachant, sensible », évoque-t-elle. « On ne lui résistait pas. »

« On a de la peine », exprime quant à elle Micheline Meese, une passante croisée à la petite place du Plateau Mont-Royal, venue comme d’autres dire au revoir à l’artiste.

Mme Meese se souvient avoir rencontré Jean-Pierre Ferland une fois, dans un centre d’achat, quand elle était plus jeune. « J’étais tellement impression­née, je lui ai demandé un autographe et je suis partie, racontet-elle en riant. J’étais incapable de lui parler. »

Ce qui lui reste de cette interactio­n éphémère, des années plus tard, c’est « ce sourire qu’il avait, tellement empathique ». Le sourire d’un homme humble.

« Tous nos grands s’en vont, tous nos géants s’en vont, un après l’autre, déplore Mme Meese. C’est ça qui est bien triste. »

« Il y a des vies qui ont plus d’incidence sur celles des autres, énonce Monique Giroux. Jean-Pierre est de celles-là. »

Une place à son image

Ginette Ferland, la nièce du poète, était à la place des Fleurs-de-Macadam, dimanche, pour déposer un bouquet de tulipes jaunes et allumer un lampion à la mémoire de son oncle.

« En dehors de toute son oeuvre, il reste pour moi le père de mon cousin et de ma cousine », partage-t-elle, rappelant qu’il a aussi eu des enfants et des petits-enfants.

Mme Ferland s’est énormément investie pour que l’espace de l’avenue du Mont-Royal fasse référence à JeanPierre Ferland. Avant de connaître sa vocation actuelle, le site abritait la station-service opérée par le père du chanteur, et donc le grand-père de Ginette Ferland.

Lorsqu’elle a vu l’appel à soumettre un nom pour la place, Mme Ferland s’est dit que « c’était impossible que ce soit autre chose » que Fleurs-deMacadam.

L’endroit est maintenant son refuge. Des fleurs de macadam sont même imprimées dans le béton. « La place est à son image », croit Ginette Ferland.

« Jean-Pierre était extrêmemen­t touché, je pense que c’est ce qui m’a le plus touché, confie-t-elle. Il était comme un petit garçon, il n’en revenait pas de cet hommage-là. »

Elle se rappelle, en 2022, l’inaugurati­on de la place en présence de son oncle. « Il faisait chaud et il avait son chandail de laine jaune », dit-elle en riant.

« Il était surpris par rapport à la place. Il doutait quand même, malgré sa grandeur. »

Gourmand de la vie et des mots

Rejointe par Le Devoir dimanche, la chroniqueu­se Sophie Durocher, proche de Jean-Pierre Ferland, s’est dite « encore abasourdie par la nouvelle ».

« On s’y attendait, bien sûr, parce que son état de santé s’était détérioré au cours des dernières semaines, des derniers mois, mais c’est toujours un choc », a-t-elle témoigné.

Approchée par les Éditions Libre Expression pour rédiger la biographie de M. Ferland, Mme Durocher s’est liée d’amitié avec l’artiste au fil de leurs nombreuses rencontres, où elle lui soutirait des confidence­s et des anecdotes sur sa vie. Un « privilège », selon elle.

« Pour moi, c’était monsieur Ferland, après c’est devenu Jean-Pierre, et après, c’est devenu mon ami J.P., comme dans [sa] chanson, “un Pepsi pour mon ami J.C.” », raconte-t-elle.

Il y a trois semaines, Sophie Durocher a vu Jean-Pierre Ferland pour la dernière fois, au CHSLD où il était soigné. Une ultime occasion de se prendre dans leurs bras et de se donner « des petits bisous d’amitié ».

« Il était aussi souriant que le JeanPierre qu’on a connu dans ses belles années, même si la fin était plus crépuscula­ire, disons ça comme ça. »

La chroniqueu­se du Journal de Montréal reste marquée par le profond amour de Jean-Pierre Ferland pour la langue française, son souci du mot juste.

« Quand je parlais avec Jean-Pierre, je faisais bien attention à la façon dont je m’exprimais, évoque-t-elle. Il était très gourmand de la vie et très gourmand des mots. »

« Ça a été un legs, je pense, qu’il nous laisse à nous tous, les Québécois, cet amour et ce respect pour cette langue qui permet d’exprimer tellement de choses et que lui a été capable d’exprimer de façon tellement intelligen­te et sensible », poursuit-elle.

« C’est vraiment une présence qui va beaucoup me manquer. »

Il avait quelque chose d’un grand petit garçon. Un petit garçon devenu grand, mais qui restait terribleme­nt attachant, sensible. »

MONIQUE GIROUX

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Ginette Ferland, la nièce du musicien, a déposé des fleurs en mémoire de son oncle, tout comme plusieurs amateurs de Jean-Pierre Ferland, à la place des Fleurs-deMacadam, sur le Plateau Mont-Royal, dimanche.

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