Information, une belle réussite de Tim Brady
Le 2e volet de la tétralogie du guitariste compositeur se passe à Montréal en 1970
Bradyworks et Tim Brady présentaient samedi et dimanche, en codiffusion avec Chants libres et Le Vivier, le second volet d’une tétralogie lyrique intitulée Hope (and the Dark Matter of History). Le cadre de l’opéra de chambre Information est Montréal en octobre 1970 et le résultat est bien plus convaincant que pour le premier volet, Backstage at Carnegie Hall.
Pour comprendre à quel point Information, de Tim Brady, fonctionne bien, il est intéressant de partir de l’expérience précédente, Backstage at Carnegie Hall, et d’opérer quelques comparaisons.
Premièrement, le lieu où se monte le projet s’avère fondamental pour un opéra de chambre. Au lieu d’être enchâssé et confiné au théâtre Centaur, Information était proposé dans un espace ouvert à l’Espace orange de l’édifice Wilder — Espace danse. Par conséquent, le dispositif rappelait fortement celui d’une grande réussite de Ballet-Opéra-Pantomime, Nero and the Fall of Lehmann Brothers, opéra de Jonathan Dawe (2016) sur la débâcle à Wall Street présenté à la salle Guillet de l’église Notre-Dame-duSaint-Rosaire en 2018. Le travail réalisé sur Information par Anne-Marie Donovan et Nalo Soyini Bruce pour passer de manière fluide d’une scène à l’autre est vraiment impeccable, créant un « vrai terrain de jeu », pour laisser les histoires se déployer.
Luxe vocal
Un autre enseignement est que la portée de toute création est tributaire de la qualité musicale. Le problème du premier volet de la tétralogie de Tim Brady, sur le racisme, était que le rôle du guitariste Charlie Christian ne pouvait être tenu que par un ténor noir. Or, les organisateurs du spectacle n’avaient trouvé qu’un choriste promu à un premier rôle dans une création. Nous avions noté sa « si frêle voix », qui nous faisait croire à « un spectacle de premier cycle estudiantin ». Tout au contraire, dans la distribution montée cette fois par Marie-Annick Béliveau, directrice artistique de Chants libres, nous étions gâtés. Quand le rôle majeur du journaliste francophone est magnifié par la projection et l’ambitus vocal de Pierre Rancourt, l’ensemble acquiert une assise et prend une aura particulière. Tout le monde était excellent d’ailleurs, même si on avait l’impression que Marie-Annick Béliveau se remettait d’un refroidissement ou en couvait un (comment a-t-elle fini la troisième représentation ?).
Par contre, même en français et en anglais, les surtitres ne sont pas un luxe mais une nécessité. On ne peut pas faire confiance aux chanteurs pour nous faire comprendre tous les ressorts d’un texte nouveau. Certes, Rancourt et Béliveau cherchent à prononcer au mieux, mais Jacqueline Woodley, en voyageuse intemporelle, est plus compréhensible en français (où elle cherche à se faire comprendre) qu’en anglais (où elle cherche à sortir le meilleur de sa voix). C’est gênant pour suivre précisément une trame qui repose sur ses prémonitions.
Les trois histoires en une — La crise d’Octobre, l’avortement, la défection d’une ballerine russe — ne sont pas source de chaos mais de variété et de respiration dans une oeuvre dont un sujet important est : « Que ferionsnous si nous avions le pouvoir de changer le cours des choses ? » Cette question-là va forcément devenir existentielle dans les deux derniers opéras qui se situent dans le futur.
Dernier point important : le raffinement supplémentaire de la trame instrumentale de Tim Brady. Les sonorités de la guitare électrique et du clavier sont souvent très astucieusement et finement employées dans Information pour créer des atmosphères tendues ou mystérieuses, et le violoncelle, aussi, a un rôle important. Peut-être dans les représentations 2 et 3 l’amplification des voix aurat-elle été légèrement baissée pour en goûter davantage les subtilités.
Cycle magnifiquement relancé avec une époque et des sujets bien brossés et bien traités.