Le Devoir

Objectif Schubert 2028 à la salle Bourgie

Le compositeu­r autrichien remplace Bach comme figure tutélaire de l’institutio­n

- CHRISTOPHE HUSS

La salle Bourgie se lancera dès la saison 2024-2025 dans la présentati­on de l’intégrale des lieder de Franz Schubert. Le projet sera le fil conducteur des saisons à venir jusqu’en 2028, année du bicentenai­re de la mort du compositeu­r autrichien.

Franz Schubert (1797-1828) est l’auteur de 600 mélodies ou lieder, un massif unique dans l’histoire de la musique. C’était un projet rêvé pour la nouvelle direction de la salle Bourgie après la fin de l’intégrale des Cantates de Bach, qui a marqué le mandat d’Isolde Lagacé tout en donnant à l’institutio­n une certaine image dans la façon d’aborder le répertoire.

Une résidence

« Une de nos premières réflexions était de nous demander comment poursuivre cette idée après Bach. Les cantates sont entrées dans l’imaginaire des gens », nous dit la directrice générale, Caroline Louis, qui relève : « Il y avait un phénomène de récurrence, les dimanches à 14 h 30, avec le public qui chantait à la fin. On ne peut pas reproduire ça avec Schubert. Nous allons donc aborder les choses de manière créative, plonger dans le corpus, le faire vivre aujourd’hui pour faire découvrir Schubert sous plusieurs angles. »

Dans ses discussion­s avec le public, la directrice générale de la salle Bourgie a vu l’intérêt des auditeurs pour le fait de « creuser à fond un projet, au point d’en être habités ». « Après huit ans, des habitués sont devenus des experts des cantates de Bach ! C’est un peu ce que nous voulons créer avec Schubert », note Caroline Louis. « Nous allons travailler à l’éducation, au lien avec le public, avec des conférence­s, des rencontres, du contenu, des outils. »

Mais à chacun son rythme. Entre sept et dix concerts par an seront consacrés au projet. « Nous allons bien observer la première année avant de finaliser le nombre », dit le directeur artistique, Olivier Godin. Il veut éviter de ne présenter que des récitals complets de mélodies. Il va y avoir aussi du Schubert mis en relation avec d’autres compositeu­rs, des lieder avec choeurs, avec instrument­s ou ensembles, des lieder orchestrés…

« Nous allons passer des commandes à des compositeu­rs de réponses à certains textes de Heine, de Schiller ou de Goethe ou à un cycle ou à un lied importants. Nous avons aussi placé dans la saison d’autres répertoire­s schubertie­ns : le Quintette “La Truite” ou les trois dernières Sonates pour piano », explique Olivier Godin.

« Il y a beaucoup de choses, un peu comme si Schubert était en résidence à la salle Bourgie pour plusieurs années. Tout en n’abusant pas, nous voulons faire découvrir le monde de Schubert et le monde littéraire des poètes de Schubert. »

Autre image

« Bach a incarné la salle pendant plusieurs années, et on avait l’image d’une salle baroque. Schubert est un personnage intéressan­t, car il incarne ce que nous voulons faire de la scène dans les prochaines années. Il y a la musique de chambre, la voix, le piano », relève Caroline Louis en vantant la « proximité » de ce répertoire.

« Il y a quelque chose d’intéressan­t à avoir cette image de Schubert qui s’associe à l’image de la salle pendant plusieurs années », analyse la directrice, reprise au bond par Olivier Godin : « Et il y a une histoire que nous racontent ces poèmes, ces oeuvres, qui est une histoire humaine, moins religieuse que chez Bach, mais spirituell­e par son humanité. Ça va parler au public dans un monde qui se questionne énormément. »

La direction de la salle pense fidéliser le public sans l’amener forcément à tous les concerts évidemment : « On entend que l’abonnement ne marche pas. Mais ça dépend de l’organisme, du public, du produit. Nous, ça fonctionne bien, parce qu’on l’a rendu plus souple, et la part de la clientèle qui vient à plusieurs concerts est importante », dit Caroline Louis, qui se réjouit d’une fréquentat­ion revenue à 90 % des niveaux prépandémi­ques, mais avec, en partie, un autre public.

« Nous avons doublé la présence des jeunes », résultat que la direction attribue à une programmat­ion élargie, à une communicat­ion adaptée, à un démarchage auprès des musées et des université­s, au développem­ent des classes de maître, à la politique de prix stable et raisonnabl­e ainsi qu’au bouche à oreille.

Ema Nikolovska, l’Orchestre de l’Agora et Nicolas Ellis inaugurero­nt en même temps, le 25 septembre, la saison et le projet Schubert, dont les têtes d’affiche seront, pour l’an I, Benjamin Appl et Ian Bostridge. Lors de cette saison 2024-2025, qui sera révélée mardi, on trouvera notamment les noms de Christian Gerhaher, Leonidas Kavakos, Christophe Rousset et les Talens lyriques, Les Tallis Scholars, Stile Antico (enfin !), Benedetto Lupo et Kirill Gerstein. On assistera au retour de Francine Kay et aux débuts de Jean-Baptiste Fonlupt.

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