Le Devoir

Pas de stratégie nationale pour la protection du caribou

Québec annonce une « consultati­on » et dit vouloir maintenir des activités industriel­les dans les habitats de ce cervidé menacé

- ALEXANDRE SHIELDS PÔLE ENVIRONNEM­ENT

À défaut de la stratégie attendue depuis cinq ans qui doit freiner le déclin du caribou forestier, le gouverneme­nt Legault annonce une « consultati­on » sur des mesures censées mieux protéger 3 des 13 population­s qui vivent sur le territoire. Et Québec laisse la porte ouverte à la poursuite d’activités industriel­les dans des habitats propices aux caribous, notamment en Gaspésie.

« Si on avait uniquement le caribou en tête, on viendrait sacrifier des villes et des villages », a souligné mardi le ministre québécois de l’Environnem­ent, Benoit Charette. « Il faut considérer les impacts de ces mesures », a-t-il ajouté au moment d’annoncer les consultati­ons à venir. Il s’est du même souffle porté à la défense de l’industrie forestière.

Après avoir repoussé à quelques reprises le dévoilemen­t d’un plan de sauvetage de l’espèce réclamé par les scientifiq­ues, plusieurs Premières Nations et le gouverneme­nt fédéral, Québec souhaite ainsi mettre en place des mesures de protection pour les caribous de la Gaspésie, pour ceux actuelleme­nt en captivité dans Charlevoix ainsi que pour une population de la Côte-Nord.

Mais le gouverneme­nt caquiste ne souhaite pas mettre de « cloche de verre » sur les derniers habitats propices aux cervidés menacés, a souligné le ministre Charette. Il estime qu’il ne faut pas « interdire » formelleme­nt des activités comme les coupes forestière­s ou l’exploitati­on minière, mais plutôt voir « ce qui peut être fait ou non », et ce, « en respect avec l’habitat et la bête ».

En ce qui concerne la Gaspésie, où les caribous se concentren­t dans le parc national de la Gaspésie et ses zones limitrophe­s, le document de consultati­on indique que le gouverneme­nt pourrait autoriser la poursuite d’activités minières liées à l’exploratio­n et à l’exploitati­on dans des « massifs de conservati­on» ou dans une « zone d’habitat en restaurati­on ». Il faut savoir que la hausse du nombre de permis d’exploratio­n minière au cours des dernières années signifie que le parc national créé par le gouverneme­nt du Québec est bordé de zones visées par des permis au sud, au nord et à l’est. Celles-ci chevauchen­t d’ailleurs l’habitat connu du caribou.

Des activités de coupes forestière­s ou la constructi­on d’un nouveau chemin pourront aussi avoir lieu dans certains habitats, mais elles seront soumises à des « conditions » ou à une « autorisati­on ».

« Mesures administra­tives »

En matière de protection, il serait question de « favoriser une restaurati­on active de l’habitat pour tendre vers un taux de perturbati­on de moins de 35% et le retour à un habitat de qualité », précise le document de consultati­on. Selon un autre document publié mardi par le gouverneme­nt, « une population de caribous a seulement 60 % de probabilit­é d’être autosuffis­ante » avec un tel taux de perturbati­on.

La population de caribous de la Gaspésie se résume aujourd’hui à 25 bêtes. La situation de cette harde est si dramatique que le gouverneme­nt a tenté, l’hiver dernier et le précédent, des opérations de capture de femelles gestantes afin de faire naître les faons en captivité.

Québec prévoit par ailleurs des mesures visant à restaurer l’habitat des caribous de Charlevoix, qui sont actuelleme­nt tous en captivité et dont la population n’atteint qu’une trentaine de bêtes. Le gouverneme­nt veut

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ÉRIC DESCHAMPS La population de caribous de la Gaspésie se résume à une trentaine de bêtes et son déclin risque de la condamner à la disparitio­n.

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