Le Devoir

Le Canada mal parti pour éliminer les déchets de plastique, selon un rapport

Le commissair­e à l’environnem­ent dit douter de la stratégie fédérale, en pleines négociatio­ns internatio­nales sur le plastique

- BORIS PROULX

Malgré ses efforts, le gouverneme­nt du Canada ne sait pas s’il parviendra vraiment à éliminer comme promis d’ici à 2030 l’envoi au dépotoir, ou l’abandon dans la nature, des quatre millions de tonnes de déchets de plastique produits au pays chaque année.

Le commissair­e à l’environnem­ent du Canada, Jerry V. DeMarco, a publié mardi un rapport critiquant la stratégie du Canada intitulée « Programme zéro déchet de plastique d’ici 2030 ». Malgré son nom, l’initiative ne mesure pas le chemin parcouru vers sa cible à long terme, soit l’éliminatio­n de ces déchets, alors qu’il ne reste en théorie que six ans au compte à rebours.

La publicatio­n du rapport survient, par hasard, au dernier jour de négociatio­ns à Ottawa d’un traité mondial sur la pollution plastique, pour lequel les pays ne sont pas parvenus à s’entendre sur un plafond de production des matières plastiques.

Le ministère chargé en 2019 de coordonner l’ambitieuse tâche de régler le problème de la pollution plastique au Canada est Environnem­ent et Changement climatique Canada (ECCC). Or, ses rapports se contentent d’un suivi de ses modestes objectifs de réduction d’une année à l’autre.

En 2022, ses efforts auraient réussi à détourner des sites d’enfouissem­ent ou de l’environnem­ent 325 tonnes de matières plastiques, plus que son objectif de 300 tonnes. Ces centaines de tonnes ne représente­nt toutefois que moins de 0,01 % du poids total des plastiques que les Canadiens jettent dans les ordures, ou laissent dans l’environnem­ent, chaque année.

« Même si le nom de l’initiative horizontal­e précisait “zéro” déchet de plastique […], les cibles de l’initiative faisaient mention seulement d’une “réduction” et d’une “tendance à la baisse”, n’étaient pas évaluées en fonction de l’objectif final de zéro déchet de plastique et ne définissai­ent aucune voie à suivre pour atteindre cet objectif », écrit le commissair­e DeMarco, un employé du Bureau de la vérificatr­ice générale du Canada.

Environ 70 % des plastiques en circulatio­n terminent leur vie aux ordures, et il est estimé que le Canada a augmenté le volume de ces déchets de 15 % entre 2012 et 2018, passant de 3,5 à 4 millions de tonnes annuelleme­nt.

Objectif nécessaire

Le plan du gouverneme­nt est, à terme, de réparer, réutiliser, reconditio­nner ou recycler tout le plastique déjà en circulatio­n. Il s’agit d’un objectif « ambitieux », convient le commissair­e, mais le suivi de cet objectif à long terme est important puisque la pollution par le plastique a des effets néfastes bien documentés sur la faune et sur les habitats, tant sur terre qu’en mer. Puisque le plastique contamine également la chaîne alimentair­e, cette forme de pollution suscite aussi de plus en plus de préoccupat­ions pour la santé humaine.

Malheureus­ement, le gouverneme­nt du Canada ne dispose que d’estimation­s incomplète­s sur l’ampleur du problème, qui sont de surcroît diffusées avec des années de retard. Résultat : les décideurs ignorent s’ils sont vraiment sur la bonne voie pour mettre véritablem­ent fin au plastique dans les dépotoirs, incinérate­urs, forêts et océans.

Par exemple, dans le plus récent rapport de Statistiqu­e Canada sur le plastique, publié en mars 2024, les données s’arrêtent en 2020. À ce rythme, il faudrait attendre 2034 pour savoir si l’objectif de réduction de 2030 est atteint ou raté. De plus, ECCC doit encore créer un registre fédéral des plastiques en vue d’uniformise­r les données.

Le portrait que dépeint le commissair­e à l’environnem­ent de l’objectif « zéro déchet de plastique d’ici 2030 », une stratégie mixte impliquant tant le fédéral que les provinces, n’est pas entièremen­t négatif. Il cite plusieurs bons coups et certains progrès réalisés par le gouverneme­nt. Par exemple, Pêches et Océans Canada a réussi à retirer des eaux assez d’engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés (« fantômes ») pour atteindre ses objectifs.

Jerry V. DeMarco a aussi publié mardi quatre autres rapports, dans lesquels il peint notamment un sombre portrait de la gestion des sites miniers contaminés abandonnés dans le Nord, ainsi qu’un constat d’échec de l’initiative Accélérate­ur net zéro, qui ne parvient pas à inciter les industries manufactur­ières à fortes émissions à décarboner leurs activités.

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