Le Devoir

Mon cascadeur bien-aimé

Dans la satire The Fall Guy, Ryan Gosling est un cascadeur embringué dans une histoire de meurtre sur le plateau de son ex, jouée par Emily Blunt

- FRANÇOIS LÉVESQUE

Cascadeur émérite, Colt Seavers sert de doublure à Tom Ryder, immense vedette de films d’action et narcissiqu­e consommé. Après un grave accident profession­nel, Colt accepte de reprendre du service sur le premier film réalisé par son ex, Jody Moreno, qu’il espère reconquéri­r. Or, à peine Colt a-t-il mis les pieds sur le plateau qu’il se retrouve plongé dans une sombre affaire de meurtre liée à l’alarmante disparitio­n de Tom Ryder. Hommage au métier le plus risqué du cinéma, The Fall Guy (Le cascadeur) fait beaucoup de millage sur le charisme de Ryan Gosling, encore auréolé de sa nomination aux Oscar pour Barbie.

Comédie à la fois satirique et d’action, cette cinquième réalisatio­n solo de David Leitch, derrière notamment Atomic Blonde (Blonde atomique), Deadpool 2 et Bullet Train (Train à grande vitesse), se veut aussi romantique, avec accents de film noir d’antan. Le résultat est sympathiqu­e, mais pas toujours concluant. (Pour un contre-exemple brillant, voir le culte The Stunt Man [Le diable en boîte], de Richard Rush, sur un évadé de prison qui devient prisonnier d’un tournage après s’être fait passer pour un cascadeur.)

Librement inspiré d’une série des années 1980, le scénario de Drew Pearce, qui a écrit celui de Fast and Furious : Hobbs and Shaw (Rapides et dangereux présentent Hobbs et Shaw),

également réalisé par David Leitch, a tendance à étirer la sauce rayon humour, diluant ses meilleures trouvaille­s comiques (cette licorne hallucinée, ce café que Colt ne parvient jamais à boire). L’identité des « méchants » est en outre trop facile à deviner.

Rayon romance, le personnage de Jody est sous-écrit et tourne exclusivem­ent autour de Colt : Jody est furieuse contre Colt, Jody retombe sous le charme de Colt, Jody aide Colt à s’en sortir… Pour une actrice de la trempe d’Emily Blunt, c’est bien peu. Qu’à cela ne tienne, la vedette de The Devil Wears Prada (Le diable s’habille en Prada), Sicario et Jungle Cruise (Croisière dans la jungle) livre chaque réplique avec son zeste coutumier, rehaussant plusieurs dialogues par la même occasion.

D’ailleurs, parlant de répliques, Pearce s’écoute dialoguer — d’où la demi-heure en trop — et se trouve à l’évidence très drôle. En toute honnêteté, il l’est parfois, mais la verve méta, reposant sur une profusion de références cinématogr­aphiques, s’apparente trop souvent à du sous-Tarantino.

Style et panache

Là où le film marque de gros points, c’est dans ses très nombreuses et très impression­nantes séquences d’action, qu’il s’agisse d’une fusillade savamment chorégraph­iée dans une villa, d’une traque nautique explosive ou d’une poursuite automobile mouvementé­e (le film détient un record Guinness du plus grand nombre de tonneaux).

Rompu aux impératifs de tels morceaux de bravoure, Leitch met le tout en scène avec style et panache, quoiqu’en la matière, Atomic Blonde demeure sa meilleure réalisatio­n. Il est quelques passages particuliè­rement ingénieux, comme cet échange téléphoniq­ue entre Jody et Colt où la première s’interroge sur la pertinence d’utiliser la technique de l’écran partagé (split screen) dans son film. Et l’écran de se partager sous nos yeux entre les anciens amants, alors que leur discussion concernant les personnage­s du film dans le film fait écho à leur propre situation…

À cet égard, Gosling et Blunt partagent une complicité certaine, et The Fall Guy fait beaucoup de millage làdessus aussi. Entre deux tonneaux.

Le cascadeur (V.F. de The Fall Guy)

1/2

Comédie satirique de David Leitch. Scénario de Drew Pearce.

Avec Ryan Gosling, Emily Blunt, Hannah Waddingham, Aaron Taylor-Johnson. États-Unis, 2024, 126 minutes.

En salle le 3 mai.

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