Le Devoir

Drainville interdit les toilettes mixtes dans les écoles

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC LE DEVOIR

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a formelleme­nt interdit mercredi les nouvelles toilettes mixtes dans les écoles du Québec.

L’élu n’a pas attendu l’avis du comité de sages sur l’identité de genre sur cette question, pas plus qu’il n’a consulté d’experts avant de prendre cette décision, s’est inquiété le directeur général du Conseil québécois LGBT, James Galantino.

M. Drainville a, de toute façon, dit avoir « confiance que [les membres du comité des sages] n’arriveront pas à la conclusion inverse » de la sienne.

En entrevue, M. Galantino a rappelé que le comité de sages, qu’il rencontre tous les mois, se penche actuelleme­nt sur des questions comme « les espaces inclusifs » ou « l’inclusion des jeunes non binaires dans les écoles ». La décision de M. Drainville n’a « aucun sens », selon lui. « C’est basé sur rien. M. Drainville n’a pas consulté les experts. [La décision] est basée sur une méconnaiss­ance de ce que sont les toilettes mixtes : des toilettes avec de vrais murs, de vraies portes », au bénéfice de plusieurs jeunes, et non pas uniquement des personnes trans, a-t-il précisé.

Un « recul »

À son avis, l’interdicti­on du ministre est loin d’être un « excellent compromis », comme l’a avancé M. Drainville. « C’est plutôt un recul », a fait valoir James Galantino.

La directive du ministre M. Drainville est en droite ligne avec son opposition aux toilettes mixtes, exprimée dès septembre sur la base de sa propre « expertise en intimité ». Elle contraste cependant avec les recommanda­tions de son propre ministère. En 2021, celui-ci a décrit comme « une mesure administra­tive appropriée » le fait de « prévoir des lieux d’intimité neutres permettant le libre choix des élèves et du personnel ».

Dans la directive publiée mercredi dans la Gazette officielle, le ministre de l’Éducation demande aux centres de services scolaires de construire des vestiaires et des toilettes « genrés (garçons/filles) ». À l’avenir, et dans tous les projets « dont l’avancement de la conception est inférieur à 30 % », les toilettes mixtes seront proscrites.

Les centres de services scolaires devront néanmoins s’assurer de « prévoir des toilettes individuel­les, universell­es et accessible­s sans restrictio­n pour les élèves qui en ont besoin ou qui souhaitent les utiliser ». Le ministre Drainville exige que ces installati­ons soient « appropriée­s, sécuritair­es et situées à des endroits stratégiqu­es permettant une surveillan­ce adéquate, comme dans une aire de circulatio­n commune ».

Devant les journalist­es, M. Drainville s’est félicité d’une décision « pragmatiqu­e ». « Ça respecte les droits de tout un chacun. C’est une solution qui est très respectueu­se et qui est très équilibrée. Et on est très fiers de cette décision-là », a-t-il déclaré.

Dans la foulée de l’annonce de M. Drainville, les élus se sont fait interroger sur le mandat du comité de sages. L’étude des crédits a permis d’apprendre que sa présidente, Diane Lavallée, recevra 119 600 $ pour son mandat. Ses collaborat­eurs Jean-Bernard Trudeau et Patrick Taillon toucheront quant à eux 114 200 $ chacun.

« Ne vous en faites pas, il ne manque pas de travaux. Ils rencontren­t actuelleme­nt plus de 70 organismes, des groupes. Donc, ils font leur travail », a affirmé la ministre Suzanne Roy, de qui relève le comité. Elle a assuré que le rapport des « sages » ne finirait pas sur une tablette.

Il y a « des questions beaucoup plus pointues » que celles des toilettes qui sont étudiées par le comité, a aussi expliqué Martine Biron, en ses qualités de ministre chargée de la lutte contre l’homophobie et la transphobi­e. Ces questions « demandent qu’on regarde un peu plus ou qu’on fasse une recension internatio­nale pour voir exactement ce qui se fait ailleurs, voir les meilleures pratiques, prendre un petit moment d’arrêt parce qu’on est questionné­s à la petite semaine sur des dossiers qui sont complexes, qui mettent en jeu l’équilibre de certains individus, a-t-elle ajouté. Je pense qu’il faut prendre soin des gens et ne pas dire n’importe quoi ».

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