Les multiples identités asiatiques à l’affiche tout le mois de mai
Le festival Accès Asie revient avec une programmation fidèle à notre époque et à l’image métissée de ce continent
C’est immense, l’Asie. Colossal, même. On a tendance à oublier que le plus grand continent du monde s’étend des rives du détroit de Béring, à l’extrême est de la Russie, jusqu’aux plages méditerranéennes du Liban. Un festival montréalais qui célèbre le patrimoine asiatique doit forcément offrir des spectacles aux identités multiples, encore plus en cette ère de métissage qui fait tomber les frontières.
La 29e édition du festival Accès Asie, qui s’ouvre jeudi à Montréal, propose une série de concerts et d’événements unis par le fil conducteur de « l’innovation, l’expérimentation et le décloisonnement ». Concerts mariant musiques anciennes et électroniques, arts visuels et chants folkloriques, artistes originaires de la Chine et de la Syrie : ce festival qui s’étire durant tout le mois de mai offre une variété typiquement montréalaise.
« Les oeuvres au programme célèbrent la joie d’être soi et font place à différentes manières de voir le monde », dit Nayla Naoufal, directrice de ce festival lancé en 1995 pour célébrer le Mois du patrimoine asiatique.
La plupart des artistes à l’affiche de l’édition 2024 sont des Montréalais ayant des origines asiatiques, précise la directrice, née à Beyrouth d’un père libanais et d’une mère française. Nayla Naoufal se souvient d’avoir appris à l’école que le Liban fait partie de l’Asie, mais elle convient que ce vaste continent d’une cinquantaine de pays peut difficilement être résumé dans un festival d’un mois.
La soirée d’ouverture, prévue jeudi dans l’atrium du Conseil des arts de Montréal, donne le ton au reste de la programmation : l’artiste non binaire Komodo agira comme « maître·sse de cérémonie ». Une chorégraphie alliera l’art mohawk et les danses du sud de l’Inde. Le DJ et promoteur musical
Ziad Nawfal fera ensuite danser le public sur des rythmes moyen-orientaux.
« On a une posture intersectionnelle avec une programmation d’artistes et d’oeuvres au croisement de plusieurs identités souvent minoritaires. On veut montrer que la réalité est complexe », explique Nayla Naoufal.
Nouveauté et tradition
Des artistes queers ou non binaires aux origines culturelles hybrides sont à l’affiche. Fili Gibbons, violoncelliste et « ingénieur·e du son » d’ascendance mixte chinoise et canadienne, présentera Les pas de Yu, une installation doublée d’une mosaïque sonore basées sur le récit du Grand Déluge en Chine ancienne. L’artiste entremêle violoncelle, voix et mouvement dans une installation quadriphonique.
Léuli Eshrāghi, qui est aussi responsable des arts autochtones au Musée des beaux-arts de Montréal, dévoilera ses récentes vidéos issues de son regard unique : l’artiste queer a des racines persanes, chinoises, européennes et autochtones de Samoa.
La programmation entraîne une réflexion sur l’art « traditionnel » et « contemporain ». « Ce n’est pas parce qu’on vient d’ailleurs que ce qu’on fait est traditionnel », souligne Nayla Naoufal. « On travaille à la fois avec des artistes qui vont se distancier des traditions et ne pas du tout revendiquer leurs identités culturelles, et d’autres dont le travail est ancré dans leur histoire », précise-t-elle.
Le collectif Amwaj, qui combine musique traditionnelle syrienne, musique électronique et arts visuels, prendra l’affiche à deux reprises. Des images de paysages de la Syrie et de l’Égypte, créées par l’artiste montréalais Jonathan Hardy, défilent au rythme de sonorités pop et traditionnelles d’Orient. En première partie d’une des performances, Anqi Sun lancera son album Jiā, qui mélange des mélodies électro-hip-hop et des touches de folk chinois, toujours sur fond d’images numériques.
Guiterne, oud et chifonie
La plupart des artistes à l’affiche de l’édition 2024 sont des Montréalais ayant des origines asiatiques
Le concert de musique ancienne Carmina Nisibena, de son côté, s’inscrit résolument dans la « tradition » : à la croisée des chants sacrés de l’Assyrie (l’actuelle Syrie) et des pièces médiévales de la péninsule ibérique du IIIe siècle, il réunira la chanteuse et oudiste Lamia Yared ; Efrén López, venu d’Espagne pour l’occasion (guiterne, oud et chifonie) ; Ziya Tabassian (percussions) ; Marie-Laurence Primeau (viole de gambe) ; et Nizar Tabcharani (qanun).
Dans la même veine, le groupe de folk fusion bengali Surojit O Bondhura offrira un concert en hommage au « pays de Tagore ». Le cinéaste d’origine iranienne Allen Forouhar suit cinq nouveaux arrivants à Montréal dans son documentaire Je suis ici. La chorégraphe d’origine syrienne Hoor Malas se racontera dans le solo immersif If My Body Had a Name.
Deux cabarets, des conférences, des discussions avec les artistes, une activité de création pour les enfants et même un atelier sur la cérémonie du thé chinois sont aussi au menu. Les concerts et autres événements ont lieu dans plusieurs arrondissements de Montréal.
Festival Accès Asie
Du 2 mai au 2 juin dans une série de lieux culturels à Montréal. Tous les détails à www.accesasie.com.