Le Devoir

La Chine, « de loin » la principale instigatri­ce d’ingérence au Canada

L’Inde aurait tout de même offert « un soutien financier illicite » à des politicien­s canadiens

- BORIS PROULX CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

Même si d’autres pays, en particulie­r l’Inde, ont aussi tenté d’influencer secrètemen­t les élections canadienne­s, aucun n’arrive à la cheville de la Chine en matière d’efforts déployés pour s’ingérer dans la politique du pays, confirme la commissair­e Marie-Josée Hogue.

« Les autorités canadienne­s estiment que la Chine est l’acteur étatique étranger le plus actif en matière d’ingérence visant des fonctionna­ires, des organisati­ons politiques, des candidats à des fonctions politiques et des communauté­s issues de la diaspora », atteste le rapport intérimair­e de l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère, publié vendredi.

Le document étaye longuement les quelques tentatives documentée­s d’ingérence étrangère survenues lors des élections de 2019 et de 2021, mais indique aussi les pays suspectés d’en être les auteurs et leurs motivation­s. La juge Hogue résume l’informatio­n que lui a fournie notamment le Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS), dont une grande part demeure secrète.

Le gouverneme­nt libéral lui a confié en septembre dernier le mandat d’examiner aussi les tentatives d’ingérence d’autres pays, sous le prétexte que « la Chine n’est pas le seul pays qui cherche à interférer de manière inappropri­ée ». Les allégation­s diffusées dans les médias concernaie­nt essentiell­ement l’influence chinoise au pays.

Le gouverneme­nt chinois « ne soutient aucun parti en particulie­r, mais plutôt les politiques et les positions qu’[il] considère comme favorables » à son endroit, précise le rapport. La juge Hogue définit l’ingérence comme ne concernant que les activités malveillan­tes, ce qui exclut les tentatives normales d’influence, comme la diplomatie ou l’expression d’opinions politiques en phase avec des intérêts étrangers, par exemple.

L’Inde a payé des politicien­s

Le document étaye la révélation surprenant­e selon laquelle l’Inde a offert « un soutien financier illicite et clandestin à divers politicien­s canadiens ».

Ce pays a mené des activités d’ingérence dans les élections générales canadienne­s de 2019 et de 2021, confirme le rapport. L’Inde utiliserai­t des intermédia­ires installés au Canada qui auraient pour mission de donner des coups de pouce aux candidats qui lui sont favorables.

« Dans certains cas, les candidats pourraient ne jamais avoir su que leur campagne a reçu des fonds illicites », évoque la juge Hogue, sans en révéler plus sur l’affaire.

Le SCRS a également pris « une mesure spéciale » en réponse à une « menace relative au Pakistan », le pays voisin, qui avait lui aussi tenté de s’ingérer dans la politique canadienne. Cette action aurait réussi à « réduire » la menace.

Pour sa part, la Russie « n’avait pas d’intérêt marqué dans les élections canadienne­s » et ne « semble pas » avoir eu l’intention de verser dans l’ingérence chez son voisin arctique. Ses activités se concentrer­aient sur la désinforma­tion, un sujet qui sera examiné dans le prochain rapport de la commission, qui n’est pas attendu avant la fin de l’année.

Finalement, l’Iran « n’a jamais été » un acteur d’ingérence d’importance relativeme­nt aux élections canadienne­s.

Objectif discrédit

Selon la juge Hogue, l’ingérence chinoise n’a pas perturbé le résultat des élections générales et son effet potentiel s’est limité à des irrégulari­tés dans quelques circonscri­ptions.

Or, elle a eu des incidences néfastes sur l’écosystème électoral dans son ensemble et a ébranlé la confiance du public envers la démocratie canadienne.

« C’est peut-être là le plus grand préjudice que le Canada ait subi du fait de l’ingérence étrangère », conclut-elle.

La Chine dispose d’une entité nommée « Départemen­t du Front uni », dotée d’un budget qui se chiffre en milliards, pour mener des opérations de contrôle de sa diaspora dans le monde et d’influence des politicien­s.

Ce pays « cherche à s’assurer que le discours et les politiques publics au Canada complètent ou reflètent les siens, particuliè­rement en ce qui concerne son bilan en matière des droits de la personne », explique le rapport. Il offre des cadeaux et du soutien politique à ses sympathisa­nts, mais menace et harcèle ses opposants. Il utilise aussi le réseau WeChat pour répandre de la désinforma­tion et supprimer les contenus hostiles à la Chine.

Dans certains cas, les candidats pourraient ne jamais avoir su que leur campagne a reçu des fonds » illicites MARIE-JOSÉE HOGUE

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