Le Devoir

Pour que Ferland demeure à jamais dans la postérité

- Marc Tremblay L’auteur habite Lanaudière.

Chaque fois que je vais à Montréal, et j’y vais souvent, je passe par le patelin de Jean-Pierre Ferland, Saint-Norbert, dans Lanaudière. En empruntant la route 347, je croise la vieille et noble église du petit village d’environ 1000 habitants qui abrite l’Espace Jean-Pierre Ferland. Mais comme rien n’indique l’existence de ce lieu aux abords de l’église, il m’a fallu attendre la mort de l’auteurcomp­ositeur-interprète pour savoir qu’il habitait ce patelin. Rien de très surprenant quand on considère que rendre hommage à nos grands artistes n’est pas une pratique bien établie dans l’espace public au Québec.

Bien sûr, que je sois passé sans le savoir à côté du royaume de Ferland n’est qu’anecdotiqu­e. Ce qui me gêne davantage, c’est d’imaginer tous les Québécois qui passeront à côté de ce grand génie de la chanson. Je pense à tous ces jeunes qui n’ont jamais entendu l’émouvante Je reviens chez nous, la désarçonna­nte Quand on aime on a toujours 20 ans ni l’envoûtante Sur la route 11. Je pense aussi à tous ceux qui n’en ont que pour Taylor Swift, Beyoncé et compagnie et qui ne connaîtron­t jamais la poésie de Ferland. Tiens, à eux, je dédie l’un de mes airs préférés de Ferland : God Is An American, une chanson qui, ma foi, n’a rien perdu de sa pertinence…

Ce qui m’amène à ce constat : au moment où l’on déplore chaque jour le déclin du français et de notre culture, il faut donner à Jean-Pierre Ferland, Montréalai­s de naissance, plus qu’un morceau de macadam au milieu du Plateau-Mont-Royal, tout aussi belle cette place puisse-t-elle être. Il faut que Ferland soit aussi visible que Leonard Cohen, dont le portrait peint sur un gratte-ciel du centre-ville domine le panorama montréalai­s et s’offre à la vue de tous les visiteurs du belvédère du mont Royal.

Justement, la montagne, n’est-ce pas ce lieu mythique où Ferland chanta un 24 juin, jour de son anniversai­re et de la fête de tous les Québécois, il y a près d’un demisiècle ? Et pourquoi ne pas rendre hommage à tous ces immortels Montréalai­s en même temps ? Le mont Royal chargé de symboles pourrait très bien abriter un petit Rushmore québécois où seraient peints (ou sculptés ?) tous les immortels de notre chanson. Je pense en outre à tous ces Montréalai­s de naissance, aux Robert Charlebois, Claude Dubois, Ginette Reno et bien d’autres, qui pourraient prendre place aux côtés de Jean-Pierre sur un flanc de la montagne.

Dans les années 1970, Camille Laurin avait compris que l’avenir du français reposait sur sa présence dans le paysage montréalai­s. La culture demande la même interventi­on. Sa promotion exige que nos artistes soient présents et visibles dans ce même paysage. Donnons aux plus grands comme Ferland cette reconnaiss­ance visuelle. Pour qu’on ne puisse plus jamais passer à côté d’elle sans les connaître. Sans les « reconnaîtr­e »…

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