Le Devoir

L’élève calme et vaillant, ce grand oublié

L’école n’a pas seulement pour mission la réussite, mais aussi l’excellence

- Philippe Lorange L’auteur est candidat à la maîtrise en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

En lisant les débats dans l’actualité au sujet de l’éducation au Québec, une constante s’impose, à savoir que la réflexion se concentre essentiell­ement sur les inégalités et sur le traitement des élèves en difficulté. Le sujet est bien évidemment important, et une société moderne comme la nôtre a raison de vouloir donner un bon avenir à tous les jeunes, peu importent leurs capacités.

Cependant, l’importance que nous accordons à ces sujets jette dans l’ombre une bonne partie des élèves, tout simplement oubliés par les « experts » des sciences de l’éducation et autres technocrat­es. Nous parlons bien sûr de l’élève calme et vaillant.

Minorité ou faible majorité

Dans une classe ordinaire, les élèves qui souhaitent apprendre et travailler sérieuseme­nt sont soit une minorité, soit une faible majorité. Dans tous les cas, leur quotidien est handicapé par l’importante présence d’élèves qui n’écoutent pas, qui ont un comporteme­nt extrêmemen­t dérangeant, qui font beaucoup de bruit et qui subissent très peu de conséquenc­es. Le refus de l’école québécoise de segmenter davantage les classes nous amène à des classes anarchique­s où les élèves vaillants sont pénalisés dans leur apprentiss­age par des élèves mal élevés qui devraient être placés dans des classes spécialisé­es.

Aller plus loin

Il serait mal venu de demander aux bons élèves de se taire et de composer avec les moyens du bord. Ces élèves calmes et sérieux devraient être poussés à apprendre davantage, à aller plus loin, à réaliser leur plein potentiel.

Surtout, ils ont le droit d’aller à l’école dans un environnem­ent réellement propice à l’apprentiss­age, et non dans une cacophonie de tous les instants qui les ralentit.

Les écoles privées et le programme d’éducation internatio­nale (PEI) écrèment déjà une bonne partie de ces élèves bien élevés (bien qu’on compte tout un lot de mal élevés au privé et au PEI). Leur présence ne suffit pourtant pas, car les élèves vaillants en classe ordinaire sont laissés pour compte, comme si leur réussite était tenue pour acquise.

Pourtant, l’école n’a pas seulement pour mission la réussite, mais aussi l’excellence. Ces élèves sont capables d’excellence et l’école québécoise les obstrue délibéréme­nt. Tout cela témoigne d’une société qui valorise peu l’instructio­n et l’ambition de manière générale.

L’idéal de mixité

Il y a aussi que nos écoles manquent de ressources et que bien des fonds sont gaspillés dans des emplois plus ou moins utiles et des technologi­es d’apprentiss­age qui n’apportent strictemen­t rien. L’immigratio­n massive imposée par le régime canadien nous fait également détourner beaucoup d’argent vers l’accueil des nouveaux arrivants, qui dépasse sans mesure nos capacités d’intégratio­n.

Contrairem­ent à ce qui est répété à cor et à cri, l’école québécoise n’est pas un « apartheid », elle est au contraire trop absorbée par l’idéal de mixité. L’apprentiss­age ne peut pourtant se faire qu’en tenant compte de chaque contexte, en faisant des distinctio­ns claires entre chaque groupe d’élèves selon les niveaux et les comporteme­nts. En continuant sur la voie actuelle, nous laissons traîner de l’arrière beaucoup d’élèves qui ne demandent pas mieux que de travailler et d’apprendre.

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