Un terreau fertile de médiation culturelle
Créer un pont entre les arts et les citoyens, démocratiser la culture, favoriser les rencontres humaines : voilà l’essence de la médiation culturelle, qui permet à tout le monde d’être partie prenante de l’art, et non pas que spectateur. Le Saguenay– Lac-Saint-Jean, qui a sa propre Cellule régionale d’innovation en médiation culturelle, fait belle figure en la matière par la multiplicité des pratiques à l’oeuvre sur son territoire.
« On prêche beaucoup pour de saines habitudes avec le sport, mais être actif — ce qui est bon pour la santé mentale —, ça peut aussi se réaliser à travers l’art », affirme Vicky Tremblay, coordonnatrice à l’organisme culturel communautaire Mosaïque sociale, à Roberval.
Les activités de médiation culturelle, qui se veulent des expériences aussi enrichissantes sur le plan humain que sur le plan créatif, se destinent à l’ensemble de la population, répondant ainsi à des défis de cohésion et d’inclusion sociales.
« La médiation culturelle, ça permet l’égalité des chances, d’ouvrir des horizons, des esprits, un univers de possibles pour bien des gens, même de rêver grand », expose Camille Brisson, coordonnatrice à la médiation culturelle au centre d’art actuel Langage Plus, à Alma.
« C’est du liant social. Des citoyens m’ont souvent dit : “Ça nous aide à comprendre le monde” », indique la professeure et chercheuse à l’UQAC et membre de l’Observatoire des médiations culturelles Marcelle Dubé, qui a analysé les pratiques au Saguenay– Lac-Saint-Jean.
Une constellation de pratiques
« J’ai étudié en arts, mais de plus en plus, mon média, c’est l’humain, illustre joliment Mme Tremblay. J’aime créer des mécanismes qui permettent aux gens de rencontrer les réalités de l’autre. »
Faisant appel aux arts tous azimuts, les pratiques de médiation culturelle revêtent une multitude de formes : visites guidées, ateliers dans des lieux extérieurs ouverts à tous, projets de création à long terme, résidences d’artistes, etc. « La médiation culturelle, c’est protéiforme, “constellaire” », image Mme Dubé.
Chez Mosaïque sociale, la parole de citoyens créateurs investit l’espace public par l’entremise d’oeuvres collectives exposées dans les écoles, les bibliothèques, les centres commerciaux ou encore les locaux d’organismes communautaires. « On doit avoir plusieurs centaines d’oeuvres un peu partout dans le Saguenay–Lac-SaintJean », se réjouit Vicky Tremblay. Accessibles à tous, ces créations aux multiples points de vue peuvent susciter des conversations, fait-elle observer. « Elles ont de la portée, elles permettent d’amener des débats sociaux dans l’espace public à travers les sujets qu’elles abordent. »
Le milieu scolaire, avec lequel collabore énormément Langage Plus, constitue un environnement des plus fertiles pour la médiation culturelle. Le centre d’art fait se rencontrer élèves et artistes en organisant notamment des sorties scolaires et des résidences d’artistes de quelques mois dans les écoles, desquelles naissent oeuvres collectives, expositions et livres.
Camille Brisson souligne l’importance pour les élèves de vivre un projet qui s’étale dans le temps. « Ça permet de persister dans l’exploration, mais aussi dans les questionnements, de l’aborder sous divers angles, d’explorer différents médias, relève-t-elle. On est très heureux quand les écoles nous ouvrent leurs portes. »
Derrière celles de Langage Plus, les visiteurs peuvent compter sur l’accompagnement d’une médiatrice, le centre d’art préférant les échanges humains et l’interaction aux panneaux explicatifs. « Ça permet de légitimer les expériences des visiteurs, puisque chaque personne a ses propres référents, sa propre lecture de l’art », explique Mme Brisson, qui y voit une façon pour les gens de gagner en assurance face à l’art actuel.
De plus, en collaborant avec divers organismes communautaires, Mosaïque sociale et Langage Plus vont à la rencontre des clientèles plus marginalisées ou ayant moins accès à la culture. « On profite de cette proximité pour s’inscrire sur notre territoire et rappeler que la culture est présente pour tous », souligne la coordonnatrice à la médiation culturelle.
Citoyens marqués pour toujours
La participation à des projets artistiques collectifs s’est révélée salutaire pour beaucoup. « Il y en a qui sont allés chercher leur cinquième secondaire, qui ont accompli des étapes de vie importantes, qui avaient besoin de vivre des réussites, de socialiser ; ils le partagent avec moi lorsque je les croise dans la rue », confie Vicky Tremblay, de Mosaïque sociale.
Si les organismes se sont longtemps battus pour faire valoir la médiation culturelle, la coordinatrice assure qu’ils ont fait des gains — Mosaïque sociale a même obtenu son premier financement à la mission. « Quand on frappait aux portes des ministères il y a 15 ans, on se faisait dire qu’on ne faisait pas de l’art, mais de la réinsertion ou de la santé mentale, se souvient-elle. Aujourd’hui, les politiciens se rendent compte que l’art, c’est bien plus que des artistes qui présentent des projets. »