L’été s’annonce « catastrophique » dans les labos d’OPTILAB
Si rien n’est fait, l’été sera « catastrophique » dans les laboratoires d’OPTILAB, selon l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec (OPTMQ). Sa présidente, Loan Luu, estime qu’« il est urgent d’agir » afin de mettre en place les solutions que son organisation propose depuis un an pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre et éviter que des patients n’en fassent les frais. La question préoccupe aussi l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) qui organise lundi à Québec une journée de réflexion réunissant des syndicats de médecins, des regroupements de patients et des établissements d’enseignement collégiaux.
« Les directions d’OPTILAB nous appellent pour nous dire que, vraiment, ça va être un été très difficile, affirme la présidente de l’OPTMQ. Ça va être généralisé. » Toutes les régions devront composer avec un manque de technologistes médicaux durant les vacances estivales. L’OPTMQ s’inquiète des impacts sur les patients, notamment des délais plus longs dans la production des résultats. Il craint aussi que des échantillons ne soient perdus et que la « qualité » de prélèvements ne soit « pas optimale » en raison de la « centralisation » des analyses dans les 12 grappes de laboratoires OPTILAB. Depuis la réforme OPTILAB en 2017, plusieurs types de prélèvements sont envoyés et traités dans les grands centres, et non plus dans les laboratoires des plus petits hôpitaux.
« Et 85 % des diagnostics sont basés sur les résultats d’analyses de laboratoire, dit Loan Luu. Les erreurs dans les analyses ou les délais dans les analyses ont quand même des répercussions importantes pour le patient et le réseau de la santé : un mauvais diagnostic, un mauvais traitement, un diagnostic tardif, des délais de traitement pour le patient. »
L’OPTMQ affirme avoir proposé à « plusieurs reprises » depuis un an des solutions au gouvernement pour remédier à la pénurie de main-d’oeuvre. Le 28 avril 2023, il a participé à une consultation organisée par Québec au sujet de l’organisation des laboratoires OPTILAB, en compagnie d’autres partenaires du réseau public de santé. Pour le moment, aucune mesure prônée par l’OPTMQ n’a été appliquée. Une rencontre de suivi est toutefois prévue, selon sa présidente, qui dit « travailler en étroite collaboration avec les instances gouvernementales ».
« La priorité [selon nous], c’est de rendre l’adhésion à notre ordre obligatoire », juge Loan Luu. Elle explique que, pour travailler dans les banques de sang et en pathologie, il faut faire partie de l’OPTMQ et détenir le titre de technologiste médical. Un tel permis n’est pas nécessaire dans les autres secteurs de laboratoire, car les actes n’y sont pas réservés. Ceux qui y travaillent ont des postes de « technicien de laboratoire médical diplômé » et ont le même salaire que les technologistes médicaux.
Selon elle, des diplômés en technologie d’analyses biomédicales choisissent cette dernière option, car ils n’auront pas à payer la cotisation professionnelle de 400 $ — ils s’épargnent aussi 20 heures de formation continue tous les deux ans. « Mais ces gens [pourraient] aller travailler partout parce qu’ils ont eu la formation pour le faire », souligne-t-elle. Si tous avaient le titre de technologiste médical, il manquerait moins de travailleurs dans les banques de sang, ce qui réglerait en bonne partie la pénurie, dit Loan Luu.
Journée de réflexion à Québec
En « mode solution », l’APTS organise lundi à Québec une journée de réflexion sur l’avenir des laboratoires de biologie médicale. La Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, des regroupements de patients et des établissements d’enseignement collégiaux y participent. L’OPTMQ et le ministère, qui ont été invités, seront absents, indique l’APTS.
Le président du syndicat, Robert Comeau, partage les préoccupations de l’OPTMQ concernant la pénurie, mais croit que l’adhésion obligatoire à l’OPTMQ ne réglera pas le problème. « Ça n’ajoute pas du monde en tant que tel, observe-t-il. Ça peut aider un peu, mais ce n’est pas une solution très révolutionnaire. » Avec la nouvelle convention collective, les technologistes médicaux verront leur cotisation professionnelle de 400 $ remboursée à moitié. À condition, précise Robert Comeau, qu’ils travaillent à temps complet, ce qui n’est pas le cas de tous les employés.
Selon le président de l’APTS, le manque de personnel tient davantage au trop faible nombre d’étudiants dans les programmes de technologies biomédicales. « La pénurie qu’on vit, elle est là pour au minimum trois ans parce qu’on n’est pas capables de remplir les collèges, dit-il. Pourquoi on n’est pas capables d’attirer le monde, de réorganiser le travail ? »
Le président de l’Association des médecins hématologues et oncologues du Québec presse le gouvernement d’agir dans ce dossier. Le Dr Normand Blais a cosigné une lettre dans Le Journal de Montréal dénonçant notamment les délais engendrés par OPTILAB. Selon lui, des patients pâtissent déjà de la pénurie de personnel. Des chirurgies cardiaques, qui nécessitent des transfusions sanguines, doivent être annulées lorsqu’il manque de technologistes médicaux dans les banques de sang. « Ça arrive de façon répétitive, signale le Dr Blais. Ça n’arrivait jamais avant. »