Diriger sans nuances
Un touriste féru d’éducation de passage au Québec pourrait se demander pourquoi les toilettes occupent un tel espace dans le débat scolaire. On ne pourrait pas le blâmer : depuis septembre dernier, nous en sommes à notre deuxième « chapitre » de la saga des toilettes mixtes à l’école. La semaine dernière, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a interdit les toilettes mixtes à l’école. La déclaration suivait la publication dans la Gazette officielle d’une Directive interdisant toilettes et vestiaires mixtes dans des projets de construction ou de rénovation scolaires. L’arrêt gouvernemental prévoit toutefois que les centres de services scolaires doivent installer des toilettes individuelles et universelles pour qui en aurait besoin.
Lors de la dernière rentrée scolaire, une décision de l’école secondaire d’Iberville, située à Rouyn-Noranda, avait chauffé les esprits à l’Assemblée nationale et forcé M. Drainville à dévoiler sa préférence pour des toilettes non mixtes. Il avait invoqué le besoin vital d’un espace d’intimité pour les filles et pour les garçons. En toile de fond, les détracteurs des déclarations intempestives du ministre de l’Éducation avaient fait valoir que mieux valait ne pas nourrir les préjugés et les stigmates à l’endroit des personnes trans et non binaires, visées indirectement dans ce débat.
Que nous enseigne ce nouvel épisode de l’épopée des toilettes ? D’abord, que les appels à la nuance et aux décisions basées sur les faits lancés cet automne n’ont pas été le moins du monde entendus. Il a été souligné que le ministre de l’Éducation n’a tenu compte ni d’un guide conçu en 2021 à l’intention des milieux scolaires sur la prise en compte de la diversité de genre et sexuelle ni de la recommandation que doit lui formuler sur la question un Comité de sages sur l’identité de genre. Cet automne, M. Drainville avait affirmé baser son opinion sur son « expertise d’intimité ». Cette fois, il espère que, lorsque le Comité de sages rendra son avis, ils « n’arriveront pas à la conclusion inverse ». Ça n’a aucun sens.
Ce type de gouvernance ultra-centralisatrice et nourrie par les convictions et les croyances détonne avec l’esprit de ce que le ministre Drainville affirme vouloir mettre en place. Son idée d’un Institut national d’excellence en éducation basant les orientations et les prises de décision sur les données probantes et les meilleures pratiques n’est-elle pas en totale contradiction avec les démonstrations de direction impulsive qu’il donne dans certains dossiers ? Non, ce n’est pas rassurant.