Le Devoir

Diriger sans nuances

- MARIE-ANDRÉE CHOUINARD

Un touriste féru d’éducation de passage au Québec pourrait se demander pourquoi les toilettes occupent un tel espace dans le débat scolaire. On ne pourrait pas le blâmer : depuis septembre dernier, nous en sommes à notre deuxième « chapitre » de la saga des toilettes mixtes à l’école. La semaine dernière, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a interdit les toilettes mixtes à l’école. La déclaratio­n suivait la publicatio­n dans la Gazette officielle d’une Directive interdisan­t toilettes et vestiaires mixtes dans des projets de constructi­on ou de rénovation scolaires. L’arrêt gouverneme­ntal prévoit toutefois que les centres de services scolaires doivent installer des toilettes individuel­les et universell­es pour qui en aurait besoin.

Lors de la dernière rentrée scolaire, une décision de l’école secondaire d’Iberville, située à Rouyn-Noranda, avait chauffé les esprits à l’Assemblée nationale et forcé M. Drainville à dévoiler sa préférence pour des toilettes non mixtes. Il avait invoqué le besoin vital d’un espace d’intimité pour les filles et pour les garçons. En toile de fond, les détracteur­s des déclaratio­ns intempesti­ves du ministre de l’Éducation avaient fait valoir que mieux valait ne pas nourrir les préjugés et les stigmates à l’endroit des personnes trans et non binaires, visées indirectem­ent dans ce débat.

Que nous enseigne ce nouvel épisode de l’épopée des toilettes ? D’abord, que les appels à la nuance et aux décisions basées sur les faits lancés cet automne n’ont pas été le moins du monde entendus. Il a été souligné que le ministre de l’Éducation n’a tenu compte ni d’un guide conçu en 2021 à l’intention des milieux scolaires sur la prise en compte de la diversité de genre et sexuelle ni de la recommanda­tion que doit lui formuler sur la question un Comité de sages sur l’identité de genre. Cet automne, M. Drainville avait affirmé baser son opinion sur son « expertise d’intimité ». Cette fois, il espère que, lorsque le Comité de sages rendra son avis, ils « n’arriveront pas à la conclusion inverse ». Ça n’a aucun sens.

Ce type de gouvernanc­e ultra-centralisa­trice et nourrie par les conviction­s et les croyances détonne avec l’esprit de ce que le ministre Drainville affirme vouloir mettre en place. Son idée d’un Institut national d’excellence en éducation basant les orientatio­ns et les prises de décision sur les données probantes et les meilleures pratiques n’est-elle pas en totale contradict­ion avec les démonstrat­ions de direction impulsive qu’il donne dans certains dossiers ? Non, ce n’est pas rassurant.

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