Une diversité microbienne dans l’Arctique modifiée par le climat
Comment mesurer les répercussions des changements climatiques sur la biodiversité marine ? En se concentrant sur la population microbienne, entre autres. Une nouvelle étude dirigée par l’Université Concordia démontre un changement dans la diversité des bactéries présentes dans l’océan Arctique vraisemblablement lié au réchauffement des eaux.
Coécrite par David Walsh et Arthi Ramachandran, de l’Université Concordia, et publiée en janvier dans le journal ISME Communications, l’étude se penche sur la composition génétique des bactéries et autres micro-organismes présents dans cet océan, et les changements qu’elle a subis sur une période de neuf ans.
« Les bactéries sont un élément abondant des écosystèmes marins », explique M. Walsh, professeur de biologie. « Ces bactéries jouent des rôles essentiels dans la chaîne alimentaire marine », notamment en ce qui a trait à la transformation de la matière organique, un peu comme le compost sur terre, illustre-t-il.
L’avènement des changements climatiques, en particulier le réchauffement des océans, a une incidence directe sur ces populations bactériennes. L’étude, en particulier, se concentre sur l’océan Arctique, qui se réchauffe plus rapidement que n’importe quel autre océan sur Terre, ce qui mène à des changements profonds dans les écosystèmes de la région.
Les chercheurs ont prélevé des échantillons provenant de différents niveaux de profondeur de la mer de Beaufort, au nord-ouest du Canada et au nord de l’Alaska, entre 2004 et 2012. Un endroit qui subit d’ailleurs une augmentation accrue de son apport en eau douce, ce qui bouleverse les courants océaniques et la biodiversité locale.
« C’est assez unique comme projet, car c’est l’une des premières études de séries temporelles qui se concentrent sur la diversité microbienne » dans l’océan, souligne M. Walsh. Cette période se démarque notamment parce qu’elle contient deux années, 2007 et 2012, où des records ont été battus en ce qui a trait à la surface glaciale dans l’Arctique — c’est-à-dire deux années où la banquise a atteint des niveaux minimums records.
Des résultats « subtils, mais significatifs »
« Ce qu’on a observé, c’est une perte subtile, mais significative de la biodique versité bactérienne dans l’océan Arctique », note David Walsh. Rien de draconien, nuance-t-il, mais ce sont des changements qui méritent d’être soulignés et, surtout, étudiés. D’autant plus c’est l’une des premières études où ces fluctuations dans le temps sont attribuées et liées directement aux changements climatiques, rappelle le chercheur.
À ce stade, il est difficile de déterminer les implications à long terme d’une telle découverte, mais quelques pistes existent. « La prochaine chose à faire, c’est comprendre comment ces changements vont affecter la structure et la fonction de la chaîne alimentaire marine », explique M. Walsh.
À mesure que le réchauffement et l’adoucissement des océans se poursuivront, on remarquera des conséquences de plus en plus concrètes — et néfastes — sur les écosystèmes. L’adoucissement, entre autres, provoque une stratification de l’océan, ce qui pousse des nutriments nécessaires à la photosynthèse dans des couches plus profondes et les rend donc moins accessibles à la surface, où ce processus a lieu.
« À partir de ce moment-là, on peut apercevoir une diminution de la matière organique et de la production d’énergie dans tous les systèmes. Et c’est considérable, parce que c’est cette énergie qui alimente les niveaux supérieurs de la chaîne alimentaire » marine, résume le professeur.
Ce qui se passe dans l’océan Arctique pourrait donc se profiler dans les autres océans de la planète. Pour rappel, le mois de mars dernier a enregistré une moyenne de température de surface des océans record, établie à 21,07 °C. Selon les dernières données de l’observatoire européen pour le climat Copernicus, le mois d’avril semble poursuivre cette tendance, avec des températures marines bien au-delà des derniers records établis dans les vingt dernières années.