Le Devoir

De l’amiante potentiell­ement enfoui derrière un écocentre à Mirabel

La municipali­té vient d’octroyer un important contrat au gestionnai­re du centre, qui fait actuelleme­nt l’objet d’enquêtes environnem­entales

- ULYSSE BERGERON

Mirabel a octroyé un contrat de plus de 332 000 $ au gestionnai­re d’un écocentre pour traiter les résidus de constructi­on. Or, l’entreprise fait actuelleme­nt l’objet d’enquêtes pour avoir enfoui des résidus en terre agricole, dont potentiell­ement des matières avec de l’amiante, a appris Le Devoir.

Service de recyclage Sterling (SRS) est dans la mire des autorités québécoise­s depuis que Le Devoir a révélé, en juin dernier, que ce gestionnai­re d’un écocentre dans le secteur Saint-Canut, à Mirabel, utilisait des matériaux non conformes pour remblayer une terre agricole à l’arrière de son centre de tri : débris de démolition, résidus de constructi­on et morceaux de plastique et de verre.

Des inspecteur­s du ministère de l’Environnem­ent ont confirmé cet été la présence d’un remblai « constitué de matières résiduelle­s » et le rejet de contaminan­ts « au-delà de la quantité ou de la concentrat­ion déterminée ».

Or, le ministère de l’Environnem­ent a depuis été informé qu’il « aurait pu y avoir enfouissem­ent de matières résiduelle­s contenant potentiell­ement de l’amiante », a confirmé la semaine dernière au Devoir son porte-parole, Frédéric Fournier. La potentiell­e présence de cette substance cancérigèn­e se retrouvera­it dans une partie circonscri­te du terrain en zone agricole.

« Si le ministère doit intervenir dans ce secteur dans le cadre de son enquête pénale, les risques à la santé seront évalués, les équipement­s de protection individuel­le seront identifiés et les employés du ministère devront porter ces équipement­s », écrit M. Fournier par courriel.

La Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) a elle aussi ouvert une enquête. Elle a d’ailleurs contraint l’entreprise à creuser à ses frais — le 24 avril dernier — des tranchées d’une profondeur de quatre mètres à l’arrière de l’écocentre pour connaître ce qui aurait été enfoui sans autorisati­on.

Ces travaux font suite à un préavis d’ordonnance délivré par la CPTAQ, il y a quelques mois, dans lequel le gardien des terres cultivable­s reproche à l’entreprise des travaux effectués sans autorisati­on : remblai, enfouissem­ent de matières résiduelle­s, coupe d’érables, entreposag­e de débris et de béton sans autorisati­on.

L’entreprise Service de recyclage Sterling n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

Contrat de 332 000 $

Bien que l’entreprise fasse l’objet d’enquêtes, Mirabel vient de lui octroyer, en avril, un contrat de cinq ans — d’une valeur de plus de 332 000 $ — pour valoriser les matériaux secs, soit les résidus de constructi­on, de rénovation et de démolition.

« On est tenus de donner le contrat au plus bas soumission­naire conforme. Et Sterling est conforme », dit Jérôme Duguay, directeur du Service de l’environnem­ent à la Ville de Mirabel. Tant que l’entreprise est titulaire de permis d’opération, « nous ne pouvons pas décider en libre arbitre de lui refuser un contrat ». Il indique que la municipali­té n’a pas été informée par le ministère de la présence potentiell­e d’amiante.

M. Duguay dit par ailleurs avoir constaté la présence de remblais constitués « de béton, de brique, de porcelaine et de bouts de plastique », lors d’une visite du site, en juin 2023 : « C’est sûr que, idéalement, il faudrait éliminer tout le plastique, mais je suis conscient aussi que ça coûterait une fortune pour être capable de trier cela. Ce ne serait pratiqueme­nt pas faisable ou ça coûterait excessivem­ent cher. »

« S’il y avait uniquement de la porcelaine, de la brique et du béton, ce serait idéal. Là, il reste un peu de plastique. C’est peut-être un moindre mal de mettre ça là comme terre d’assise pour un site qui veut devenir industriel plutôt que d’aller remplir les sites d’enfouissem­ent » de la région de Montréal dont les capacités autorisées sont presque atteintes, dit M. Duguay, affirmant ne pas se porter à la défense de l’entreprise.

L’octroi du contrat et les explicatio­ns du directeur de l’Environnem­ent de Mirabel font réagir Kevin Morin, directeur général du Conseil des entreprise­s en technologi­es environnem­entales du Québec : « Clairement, il y a des entreprise­s qui ont les technologi­es pour procéder au tri. Sinon, il y a des sites d’éliminatio­n qui peuvent les recevoir et s’en débarrasse­r de façon sécuritair­e. Rien ne nous dit qu’il n’y a pas de contaminan­ts dans ces résidus. »

Selon lui, les municipali­tés devraient « intégrer des conditions environnem­entales, des critères qualitatif­s, dans les appels d’offres. L’idée n’est pas d’écarter un joueur en particulie­r, mais de s’assurer que la valorisati­on sera réellement faite dans les règles de l’art. »

Son de cloche similaire de la part de Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets : « En environnem­ent, la loi du plus bas soumission­naire ne devrait pas être appliquée, parce que le plus bas soumission­naire, ça veut dire qu’on peut payer moins cher et recevoir un service en conséquenc­e. »

On est tenus de donner le contrat au plus bas soumission­naire conforme. Et Sterling est conforme.

JÉRÔME DUGUAY »

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