Le Devoir

L’expert qualifié de « plein de marde » tenait des propos simplistes, justifie Francis Drouin

- BORIS PROULX CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À OTTAWA Avec Alexandre Robillard

Le député fédéral Francis Drouin n’a rien à faire que Québec lui demande de s’excuser pour avoir traité d’« extrémiste­s » et de « pleins de marde » des invités à un comité parlementa­ire. Il en a rajouté en qualifiant de « simpliste » le lien qu’ils ont dressé entre l’éducation postsecond­aire en anglais et la baisse du français au Québec.

« Moi, je suis allé à l’école en anglais. Est-ce que je suis un anglophone ? » a lancé l’élu libéral franco-ontarien devant les journalist­es mercredi.

Il convient qu’il s’est « laissé emporter » lors d’une réunion du Comité parlementa­ire sur les langues officielle­s, lundi, dans laquelle il a qualifié d’« extrémiste­s » des intervenan­ts dont il contestait les propos sur la défense du français au Québec. « Excusemoi, mais vous êtes plein de marde », a-t-il aussi envoyé à l’un d’eux, le chercheur indépendan­t Frédéric Lacroix, avant de retirer ses propos.

« Si les deux témoins se sentent vexés, bien sûr, je m’excuse. Je ne veux pas qu’ils se sentent blessés làdedans. [Mais] on extrapole ça en disant que j’insulte les gens qui défendent la langue française… écoutez, j’ai fait ça toute ma vie [défendre le français] », s’est justifié Francis Drouin mercredi.

Joint par Le Devoir, l’autre intervenan­t visé par M. Drouin, le professeur Nicolas Bourdon, du Regroupeme­nt pour le cégep français, a confirmé avoir été offensé par la remarque. « Je pense qu’il faut avoir un débat sur le fond, sur les faits et que la question d’excuses est une distractio­n, même si ce serait une bonne chose », a pour sa part réagi Frédéric Lacroix.

Excuses demandées à Québec

L’insulte formulée par M. Drouin a fait réagir jusqu’à l’Assemblée nationale du Québec. Commentant le sujet, mercredi, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a exigé de plus amples excuses, mais aussi des actions de la part du gouverneme­nt fédéral.

« Retirer ses propos avec un petit sourire, ce n’était pas suffisant. Et moi, j’attends un geste concret, mais aussi un geste légal », a-t-il demandé à l’attention du gouverneme­nt Trudeau.

Il déplore en particulie­r qu’Ottawa n’ait toujours pas publié certains décrets attendus depuis l’adoption de la nouvelle Loi sur les langues officielle­s, l’an dernier. Le commissair­e aux langues officielle­s attend par exemple que le fédéral lui donne le droit de remettre des amendes, dans un contexte où il déplore que des institutio­ns fédérales ne prennent pas leurs obligation­s envers le français au sérieux.

Francis Drouin n’a pas voulu commenter la demande d’excuse en provenance de Québec. À Ottawa, le Bloc québécois exige désormais de lui qu’il quitte son siège de président de l’Assemblée parlementa­ire de la Francophon­ie. Le chef bloquiste, Yves-François Blachet, a qualifié l’élu libéral d’« à la fois impoli et incompéten­t », et a soutenu que M. Drouin a insulté « tous les Québécois », puisque la cause de la baisse du français « tient à coeur à peu près tous les francophon­es du Québec ».

Lors de la période des questions à Chambre des communes, mercredi, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a indiqué qu’il considérai­t que les excuses de son député sont suffisante­s. « La réalité est que le mot de Cambronne est connu depuis très longtemps, partout à travers le monde, ce n’est pas notre député qui l’a utilisé pour la première fois. »

Le chef libéral a terminé son interventi­on en accusant le Bloc québécois de s’en prendre à un député francoonta­rien, preuve « qu’ils n’aiment pas les francophon­es qui parlent français hors Québec ». Il a plus tard analysé que la vigueur du français au pays vient contrecarr­er les arguments des indépendan­tistes québécois.

Message simpliste

Sur le fond de l’affaire, M. Drouin estime surtout que les conclusion­s de M. Lacroix et de M. Bourdon sur le péril du français au Québec « ne font pas l’unanimité au sein de la communauté de chercheurs ». À son avis, ces intervenan­ts ont colporté un « message simpliste » en disant que l’attrait pour les études supérieure­s en anglais contribue à la baisse du français au Québec.

Le ministre fédéral des Langues officielle­s, Randy Boissonnau­lt, s’est porté à la défense de cette critique de son collègue, mercredi. Il a offert lui aussi son parcours de vie en exemple.

« Je ne pense pas que quand on a des francophon­es qui étudient en Alberta, comme moi, au campus SaintJean [en français], ça peut franciser la province de l’Alberta », a-t-il répondu aux questions des journalist­es, peu avant une réunion du caucus national du Parti libéral.

Le ministre a tenu à ajouter que « si on regarde le nombre d’étudiants qu’on a au Québec, ça ne s’anglicise pas. La province non plus ».

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