Le Devoir

La crise agricole nous donne l’occasion de semer l’avenir

Une action rapide et durable est possible pour assurer la viabilité d’une agricultur­e écologique et équitable

- Maxime Dion L’auteur est président de la Coopérativ­e pour l’agricultur­e de proximité et écologique (CAPE).

La crise actuelle est foncièreme­nt structurel­le et ne peut être résolue seulement par des mesures d’urgence isolées

À la suite d’un article récemment publié dans Le Devoir concernant les craintes soulevées par la commissair­e du développem­ent durable quant à la pérennité du territoire agricole, et face aux défis que nous, fermiers et fermières du Québec, rencontron­s, il est impératif de prendre des mesures décisives dès maintenant pour assurer la pérennité de nos activités. Nous sommes convaincus qu’une action rapide et durable est possible, et qu’il s’agit d’une occasion que nous devons saisir en tant que société afin d’assurer la viabilité d’une agricultur­e écologique, équitable et axée sur les besoins de la population.

Bien que nous soyons ambitieux, passionnés et fiers de notre métier, nous ne pouvons agir seuls. Nous avons besoin d’alliés, dont la population et les instances gouverneme­ntales, pour faire croître une agricultur­e plurielle, pérenne et nourricièr­e. C’est tout le système agroalimen­taire, y compris les gestes du quotidien et les habitudes citoyennes, qui doivent changer.

C’est pourquoi nous invitons les Québécois à s’engager dès aujourd’hui auprès des fermiers de leur région en achetant directemen­t auprès d’eux grâce à diverses options, telles que les paniers de légumes biologique­s, les marchés publics, les kiosques à la ferme, les marchés virtuels régionaux et les boutiques fermières en ligne.

Plusieurs idées préconçues sur les paniers de légumes biologique­s persistent alors qu’ils offrent une multitude d’avantages. Ils permettent la réduction des pertes et du gaspillage alimentair­e grâce au modèle d’abonnement préalable et ils assurent une stabilité financière aux producteur­s, notamment. Les avantages pour les particulie­rs, qui s’ajoutent aux bénéfices pour la communauté, sont énormes. Il s’agit d’une équation essentiell­e pour l’avenir, dont nous n’avons pas le luxe de nous passer.

Bien que ces initiative­s soient soutenues depuis leurs débuts par les plus convaincus, elles ont le potentiel de profiter à une proportion beaucoup plus grande de la population.

Tout en reconnaiss­ant que les grandes chaînes d’alimentati­on demeurent souvent la source la plus accessible de nourriture, il est essentiel de comprendre que leurs politiques axées sur le profit ne favorisent ni la durabilité des fermes québécoise­s ni la santé des communauté­s. Pour façonner la société de demain, nous devons privilégie­r des pratiques alimentair­es plus responsabl­es et locales, et opérer ensemble un changement d’habitudes de consommati­on.

Si les actions citoyennes sont cruciales et nécessaire­s, nous voulons surtout nous adresser aux autorités gouverneme­ntales, particuliè­rement au ministre Lamontagne, dont le rôle et les actions en faveur du monde agricole en contexte de crise sont essentiels. Nous attendons des mesures significat­ives à la hauteur de notre engagement et de notre dévouement à contribuer à un changement positif et durable pour la société. La crise actuelle est foncièreme­nt structurel­le et ne peut être résolue seulement par des mesures d’urgence isolées.

Pour ce faire, il est nécessaire de déployer des efforts conjoints pour soutenir des solutions concrètes : nous souhaitons un investisse­ment massif de la part du gouverneme­nt en visibilité et en développem­ent des circuits courts afin que l’agricultur­e locale fasse partie de la liste d’épicerie de tous les Québécois. Nous souhaitons la mise en place de systèmes facilitant l’approvisio­nnement de nos institutio­ns publiques de produits biologique­s provenant directemen­t des fermes du Québec.

Enfin, nous souhaitons un réinvestis­sement gouverneme­ntal important dans des programmes de soutien et en conseils en faveur des fermes, pour assurer le maintien du savoir-faire des fermiers et fermières. Ce sont quelques solutions parmi tant d’autres qui peuvent réellement améliorer les choses.

Alors, en tant que société, prenons ensemble ce chemin vers une agricultur­e viable et durable. Saisissons cette occasion pour aujourd’hui et demain.

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