Le Devoir

Des négociatio­ns au Caire entre raids israéliens et bombes à Rafah

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L’armée israélienn­e a mené mercredi des frappes aériennes meurtrière­s et dit poursuivre ses opérations au sol « ciblées » à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, à l’heure où se tiennent au Caire de délicates négociatio­ns en vue d’une trêve entre Israël et le Hamas.

Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, menace de lancer une offensive terrestre d’ampleur contre la ville de Rafah, qui abrite selon l’ONU 1,4 million de Palestinie­ns, en majorité déplacés par la guerre, pour éliminer les derniers bataillons du mouvement islamiste.

Mardi, après avoir appelé la veille les habitants de plusieurs quartiers de l’est de la ville à évacuer, l’armée a déployé des chars dans Rafah et pris le contrôle du passage frontalier avec l’Égypte, coupant la principale porte d’entrée pour les convois d’aide humanitair­e vers le territoire palestinie­n assiégé.

Un autre point de passage proche de Rafah, Kerem Shalom, entre Israël et la bande de Gaza, a été visé mercredi par des tirs de roquettes peu après sa réouvertur­e, tirs qui ont blessé légèrement un soldat, a annoncé l’armée. Ce passage avait été fermé dimanche après de précédents tirs revendiqué­s par le Hamas, qui ont tué quatre soldats.

La Défense civile israélienn­e et un correspond­ant de l’Agence FrancePres­se (AFP) ont signalé que des frappes aériennes et des tirs d’artillerie nourris continuaie­nt à viser l’est de Rafah mercredi.

« Tirs ininterrom­pus »

« Il y a des tirs d’artillerie israéliens ininterrom­pus et aveugles sur l’est et le centre de Rafah, qui ont fait de nombreux tués et blessés et visent les étages supérieurs d’immeubles d’habitation », a déclaré à l’AFP Ahmed Radwan, un responsabl­e de la Défense civile.

Selon l’armée, les soldats israéliens ont poursuivi mercredi leurs « opérations ciblées du côté gazaoui du point de passage, dans l’est de Rafah, sur la base d’informatio­ns faisant état de terroriste­s opérant dans le secteur ».

L’aviation, selon l’armée, a frappé « plus de 100 cibles » de groupes armés à travers le territoire.

« Nous avons très peur. L’armée d’occupation continue de tirer à l’aveugle des obus sur des quartiers de l’est de Rafah, en plus d’une intensific­ation des frappes aériennes », a raconté à l’AFP un habitant de Rafah de 29 ans, Mouhanad Ahmad Qishta.

« Même les zones présentées comme sûres par l’armée israélienn­e sont bombardées », a-t-il ajouté.

La fermeture des points de passage et les opérations militaires à Rafah suscitent l’inquiétude de la communauté internatio­nale, qui redoute un bain de sang et l’aggravatio­n de la crise humanitair­e.

L’ONU avait affirmé mardi ne plus disposer que d’un jour de réserves de fioul pour les opérations humanitair­es à Gaza et a appelé à rouvrir les passages.

Il ne restait mercredi que « trois jours de carburant » aux hôpitaux du sud de Gaza, « ce qui signifie qu’ils pourraient bientôt cesser de fonctionne­r », a averti le directeur général de l’Organisati­on mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesu­s.

Un médecin urgentiste britanniqu­e, James Smith, en mission dans le sud de Gaza, a décrit une situation sanitaire « catastroph­ique » et une odeur d’eaux usées « omniprésen­te » dans les hôpitaux.

Washington a jugé « inacceptab­le » la fermeture des points de passage au moment où la population de Gaza est menacée de famine, selon l’ONU.

Les États-Unis ont aussi « suspendu la livraison d’une cargaison » de bombes à Israël après l’absence de réponse de ce pays face à ses « inquiétude­s » concernant une offensive à Rafah, a dit un responsabl­e américain.

La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza ont mené une attaque contre Israël, sans précédent dans l’histoire de ce pays, qui a fait plus de 1170 morts, majoritair­ement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielle­s israélienn­es.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l’armée.

En riposte, l’armée israélienn­e a lancé une offensive qui a fait jusqu’à présent 34 844 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas, dont 55 en 24 heures.

Symbole du contrôle

Au Caire, les négociatio­ns indirectes ont repris mercredi matin pour tenter de parvenir à un compromis sur une trêve et éviter un assaut à Rafah.

Elles se poursuivai­ent dans la soirée, selon le média Al-Qahera News, proche du renseignem­ent égyptien, qui a fait état d’une « convergenc­e » de vues sur certains points.

Des représenta­nts d’Israël et du Hamas, ainsi que des pays médiateurs — Qatar, Égypte et États-Unis — sont présents dans la capitale égyptienne.

Benjamin Nétanyahou a par ailleurs rencontré mercredi à Jérusalem le directeur de la CIA, William Burns, pour discuter d’une possible « pause » dans les opérations militaires dans le sud de la bande de Gaza en échange de libération­s d’otages, selon un responsabl­e israélien.

Selon l’analyste palestinie­n Mkhaimar Abusada, de l’Université Al-Azhar de Gaza, le moment choisi pour la prise de contrôle du passage de Rafah par Israël « pourrait montrer qu’il tente de saboter les pourparler­s ». « Cette prise de contrôle est aussi un symbole montré au monde du fait que le Hamas n’a plus le contrôle », a-t-il ajouté.*

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AGENCE FRANCEPRES­SE Un garçon se tenait devant un cratère causé par un bombardeme­nt israélien à Rafah, mercredi.

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