Le Devoir

La ministre Guilbault dépose le projet de loi créant Mobilité Infra Québec

- ISABELLE PORTER

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a déposé jeudi le projet de loi 61 créant Mobilité Infra Québec afin que les grands projets de transport en commun atterrisse­nt plus vite et à moindre coût.

La future agence aura pour mission « l’analyse d’opportunit­é, la planificat­ion et la réalisatio­n de projets complexes de transport ». Mais seulement lorsque le gouverneme­nt lui en confiera la responsabi­lité. Mobilité Infra Québec, que Mme Guilbault surnomme « MIQ », n’aura donc pas de pouvoir d’initiative et ce n’est pas elle qui choisira quels projets prioriser.

La ministre Guilbault veut notamment faire en sorte que le gouverneme­nt ne soit plus « tributaire » de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour la réalisatio­n de grands projets comme le Réseau express métropolit­ain (REM).

La nouvelle agence devrait compter entre 30 et 50 employés et doit être dotée d’un budget de 6 millions de dollars la première année et d’un peu plus de 9 millions par la suite. Mme Guilbault souhaite qu’elle soit opérationn­elle en 2025. Les trois premiers chantiers réalisés par MIQ doivent être le projet qui sera proposé par la CDPQ dans la capitale, le Projet structuran­t de l’est de Montréal, ainsi que le projet de transport structuran­t de la Rive-Sud devant passer par l’axe du boulevard Taschereau.

À ses débuts, l’agence se consacrera exclusivem­ent aux projets de transport en commun, mais la ministre ne ferme pas la porte à ce qu’elle ait éventuelle­ment la responsabi­lité de projets de routes ou de ponts, entre autres.

Filiales et expropriat­ions

Le projet de loi octroie en outre à MIQ le pouvoir d’acquérir des immeubles par expropriat­ion.

Les dirigeants de Mobilité Infra Québec pourront aussi offrir aux employés des conditions de travail distinctes de celles du gouverneme­nt, à l’extérieur des convention­s collective­s de l’État.

Le gouverneme­nt Legault donne également à la future agence le pouvoir de se doter de filiales. Questionné­e sur le sujet, la ministre Guilbault a dit ne pas avoir de projet précis de filiale à court terme, mais elle souhaite qu’il soit possible de le faire, comme c’est le cas en Colombie-Britanniqu­e.

Comme annoncé, un autre projet de loi, cette fois sur les contrats publics, a été déposé tout juste après, jeudi, par le ministre Jonatan Julien. Le projet de loi 62 introduit un « nouveau type de contrat » de « partenaria­t » pour la constructi­on d’infrastruc­tures publiques.

Le ministre Julien affirme que cette nouvelle approche pourra réduire de 25 % le temps de réalisatio­n des projets et de 15 % leur coût.

Le président du CA de la Société de transport de Montréal (STM), Éric Allan Caldwell, ne cache pas sa déception à l’égard du projet de loi 62 visant à accélérer la réalisatio­n de projets d’infrastruc­tures. « Le problème, c’est que ça ne s’applique pas à nous. On a des projets de développem­ent avec le prolongeme­nt de la ligne bleue, mais on a surtout des projets de maintien d’actifs. On a un portefeuil­le d’investisse­ments de 20 milliards de dollars sur un horizon de dix ans », souligne-t-il.

« Si les nouvelles méthodes permettent, comme le dit le ministre Julien, de générer des économies de 15 %, […] on ne comprend absolument pas qu’on nous prive de ces moyens », ajoute-t-il.

Même s’il est lié au destin de Mobilité Infra Québec, le projet de loi 62 a une portée beaucoup plus large et il s’appliquera à l’ensemble des infrastruc­tures publiques, des écoles aux installati­ons de santé, en passant par les ponts et les maisons des aînés.

L’intention du gouverneme­nt ici est que les entreprise­s qui prennent part aux appels d’offres puissent intervenir plus tôt dans la conception des projets grâce à une « approche collaborat­ive ». Cela passerait par « la tenue d’ateliers bilatéraux, une mise en commun des ressources et des informatio­ns liées au projet d’infrastruc­ture, ainsi qu’un partage consensuel des risques ».

Les deux ministres plaident que cela pourra convaincre davantage de consortium­s de participer aux appels d’offres. Les entreprise­s auraient dès lors à assumer un moins grand risque financier, ce qui réduirait les réserves pour coûts imprévus. M. Julien a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que cette approche « révolution­naire » était « très appréciée par l’industrie ».

Questionné sur le risque d’ouvrir la porte à de nouvelles formes de collusion, le ministre Julien s’en est presque offusqué. « Les pratiques collusoire­s, je ne vois pas en quoi elles sont accentuées, bien au contraire », a-t-il dit. « Ça n’amène pas plus de risques. »

Pour assouplir les façons de faire, le gouverneme­nt Legault devra modifier la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastruc­ture publique, qui avait été créée dans la foulée de la commission Charbonnea­u. Le gouverneme­nt compte en outre regrouper des projets pour en réduire les coûts de conception, nommant l’initiative « gestion par programmes ». Cette approche a été testée dans le réseau scolaire, où les chantiers de 17 écoles ont été coordonnés. Elle a notamment permis de réduire de 60 % le coût des honoraires profession­nels.

Selon le ministre Julien, le « mode collaborat­if » ne sera pas requis pour tous les projets. Le « surfaçage de l’autoroute 20 », par exemple, se fera toujours en « mode traditionn­el », puisqu’il s’agit d’un type de chantier simple pour lequel les prix sont connus.

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