La ministre Guilbault dépose le projet de loi créant Mobilité Infra Québec
La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a déposé jeudi le projet de loi 61 créant Mobilité Infra Québec afin que les grands projets de transport en commun atterrissent plus vite et à moindre coût.
La future agence aura pour mission « l’analyse d’opportunité, la planification et la réalisation de projets complexes de transport ». Mais seulement lorsque le gouvernement lui en confiera la responsabilité. Mobilité Infra Québec, que Mme Guilbault surnomme « MIQ », n’aura donc pas de pouvoir d’initiative et ce n’est pas elle qui choisira quels projets prioriser.
La ministre Guilbault veut notamment faire en sorte que le gouvernement ne soit plus « tributaire » de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour la réalisation de grands projets comme le Réseau express métropolitain (REM).
La nouvelle agence devrait compter entre 30 et 50 employés et doit être dotée d’un budget de 6 millions de dollars la première année et d’un peu plus de 9 millions par la suite. Mme Guilbault souhaite qu’elle soit opérationnelle en 2025. Les trois premiers chantiers réalisés par MIQ doivent être le projet qui sera proposé par la CDPQ dans la capitale, le Projet structurant de l’est de Montréal, ainsi que le projet de transport structurant de la Rive-Sud devant passer par l’axe du boulevard Taschereau.
À ses débuts, l’agence se consacrera exclusivement aux projets de transport en commun, mais la ministre ne ferme pas la porte à ce qu’elle ait éventuellement la responsabilité de projets de routes ou de ponts, entre autres.
Filiales et expropriations
Le projet de loi octroie en outre à MIQ le pouvoir d’acquérir des immeubles par expropriation.
Les dirigeants de Mobilité Infra Québec pourront aussi offrir aux employés des conditions de travail distinctes de celles du gouvernement, à l’extérieur des conventions collectives de l’État.
Le gouvernement Legault donne également à la future agence le pouvoir de se doter de filiales. Questionnée sur le sujet, la ministre Guilbault a dit ne pas avoir de projet précis de filiale à court terme, mais elle souhaite qu’il soit possible de le faire, comme c’est le cas en Colombie-Britannique.
Comme annoncé, un autre projet de loi, cette fois sur les contrats publics, a été déposé tout juste après, jeudi, par le ministre Jonatan Julien. Le projet de loi 62 introduit un « nouveau type de contrat » de « partenariat » pour la construction d’infrastructures publiques.
Le ministre Julien affirme que cette nouvelle approche pourra réduire de 25 % le temps de réalisation des projets et de 15 % leur coût.
Le président du CA de la Société de transport de Montréal (STM), Éric Allan Caldwell, ne cache pas sa déception à l’égard du projet de loi 62 visant à accélérer la réalisation de projets d’infrastructures. « Le problème, c’est que ça ne s’applique pas à nous. On a des projets de développement avec le prolongement de la ligne bleue, mais on a surtout des projets de maintien d’actifs. On a un portefeuille d’investissements de 20 milliards de dollars sur un horizon de dix ans », souligne-t-il.
« Si les nouvelles méthodes permettent, comme le dit le ministre Julien, de générer des économies de 15 %, […] on ne comprend absolument pas qu’on nous prive de ces moyens », ajoute-t-il.
Même s’il est lié au destin de Mobilité Infra Québec, le projet de loi 62 a une portée beaucoup plus large et il s’appliquera à l’ensemble des infrastructures publiques, des écoles aux installations de santé, en passant par les ponts et les maisons des aînés.
L’intention du gouvernement ici est que les entreprises qui prennent part aux appels d’offres puissent intervenir plus tôt dans la conception des projets grâce à une « approche collaborative ». Cela passerait par « la tenue d’ateliers bilatéraux, une mise en commun des ressources et des informations liées au projet d’infrastructure, ainsi qu’un partage consensuel des risques ».
Les deux ministres plaident que cela pourra convaincre davantage de consortiums de participer aux appels d’offres. Les entreprises auraient dès lors à assumer un moins grand risque financier, ce qui réduirait les réserves pour coûts imprévus. M. Julien a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que cette approche « révolutionnaire » était « très appréciée par l’industrie ».
Questionné sur le risque d’ouvrir la porte à de nouvelles formes de collusion, le ministre Julien s’en est presque offusqué. « Les pratiques collusoires, je ne vois pas en quoi elles sont accentuées, bien au contraire », a-t-il dit. « Ça n’amène pas plus de risques. »
Pour assouplir les façons de faire, le gouvernement Legault devra modifier la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructure publique, qui avait été créée dans la foulée de la commission Charbonneau. Le gouvernement compte en outre regrouper des projets pour en réduire les coûts de conception, nommant l’initiative « gestion par programmes ». Cette approche a été testée dans le réseau scolaire, où les chantiers de 17 écoles ont été coordonnés. Elle a notamment permis de réduire de 60 % le coût des honoraires professionnels.
Selon le ministre Julien, le « mode collaboratif » ne sera pas requis pour tous les projets. Le « surfaçage de l’autoroute 20 », par exemple, se fera toujours en « mode traditionnel », puisqu’il s’agit d’un type de chantier simple pour lequel les prix sont connus.