Silence, on gentrifie !
Jamais nos élus n’ont été aussi peu actifs, dépourvus de leadership et peu revendicateurs dans le dossier du logement
Réal Ménard, Guillaume Dostaler, Jonathan Alarie et Michelle Patenaude Les auteurs sont respectivement ex-maire et député d’Hochelaga-Maisonneuve ; coordonnateur à Entraide logement Hochelaga-Maisonneuve ; directeur général de la Table de quartier HochelagaMaisonneuve ; directrice générale du CAP St-Barnabé. Le 7 mai 2017 se tenaient les assises sur la gentrification dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, tous les signataires de la présente lettre y étaient représentés. Organisées par la Table de quartier Hochelaga-Maisonneuve et la mairie de l’arrondissement Mercier– Hochelaga-Maisonneuve, ces assises devaient documenter le phénomène de la gentrification et proposer des pistes de solution afin d’améliorer l’abordabilité des logements, d’augmenter le nombre de logements sociaux et de réussir l’expérience de la mixité sociale.
Sur la base d’études réalisées par l’Institut national de la recherche scientifique, quatre constats se dégageaient : les condominiums représentaient 15 % du parc immobilier, le coût moyen des loyers entre 2003 et 2017 avait augmenté de 26 %, sur un peu plus d’une décennie, on était passé de 500 condominiums à 4000, et 852 logements avaient été soustraits au marché locatif privé pour la même période.
Le coût des loyers
Nous publions aujourd’hui cette lettre parce que la situation des personnes locataires nous préoccupe au plus haut point. Nous sommes également d’avis que dans le dossier du logement social en général, et de la réalité des rénovictions en particulier, le maire Pierre Lessard-Blais et les conseillers Éric Alan Caldwell et Alia Hassan-Cournol ont manqué à leurs obligations d’élus.
Jamais, à notre connaissance, nos élus n’ont été aussi peu actifs, dépourvus de leadership et peu revendicateurs dans le dossier du logement. Pourtant, il y a crise et la situation s’est considérablement détériorée depuis mai 2017.
Quelques faits à l’appui de cette affirmation. D’abord, le suivi des résolutions adoptées par les personnes participantes aux assises devait se faire par un comité. Non seulement ce comité n’a jamais vu le jour, mais l’instance de concertation logement en arrondissement a été abolie par M. Lessard-Blais peu de temps après son élection en 2017.
Le coût des loyers a continué à augmenter, tant et si bien qu’en 2023, selon l’enquête effectuée par le Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec, un studio se détaillait à 1019 $, un trois et demi à 1276 $ et un cinq et demi à 2022 $. L’inabordabilité des loyers dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve continue d’être le principal problème des personnes locataires ainsi que celui des rénovictions.
Peu d’égard pour les locataires
Nous avons constaté au cours des dernières années que des compagnies à numéro acquéraient des immeubles passablement détériorés, et sous prétexte de rénovations, évinçaient les occupants par une hausse abusive des loyers. L’organisme Entraide logement Hochelaga-Maisonneuve a accompagné quelque 200 personnes aux prises avec une menace de rénovictions en 2023. Lors de la campagne électorale de 2017, Pierre Lessard-Blais déclarait à un journal local que son parti souhaitait que l’arrondissement finance le registre des baux et engage plus d’inspecteurs.
À la lumière de cette déclaration, nous avons été consternés par le peu d’égard avec lequel l’administration du maire Pierre Lessard-Blais, à plusieurs occasions, a traité les locataires. Nous avons encore présent à l’esprit le sort réservé par l’arrondissement aux locataires du 4790, Sainte-Catherine Est, en les maintenant dans des conditions d’insalubrité terribles même si le Service de sécurité incendie de Montréal avait évacué à plus d’une reprise cet immeuble qui, selon ce service, présentait un danger imminent pour la sécurité des locataires.
S’ajoute la manière laxiste avec laquelle le Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements est utilisé. Dans un environnement où des pans entiers du parc locatif sont vétustes ou mal entretenus, l’arrondissement tergiverse honteusement sur la remise des constats d’infraction, avec comme résultat que seuls 16 constats ont été remis en 2020. L’arrondissement refuse de rendre public le nombre de constats remis pour les années subséquentes.
Les résolutions adoptées par les personnes participantes aux assises proposaient l’adoption d’une Charte des locataires et la mise sur pied d’un organisme paritaire communautaires institutions publiques avec dotation financière de l’ arrondissement. Cet organisme devait surveiller l’ évolution du marché immobilier et venir en aide aux locataires victimes des distorsions de ce marché. Les organismes Comité BAILS (Base pour l’action et l’information sur le logement social) et Entraide logement Hochelaga-Maisonneuve ont fait parvenir une missive au maire lui rappelant cette proposition le 31 mai 2023. À ce jour, aucun accusé de réception ne leur a été acheminé.
S’il nous faut une autre preuve de l’incurie de nos élus dans le dossier du logement, elle se trouve dans l’évolution de notre parc de logements sociaux. Entre la fin des assises, en mai 2017, et avril 2024, soit une période de 7 ans, il s’est construit dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, un total de 35 logements sociaux, selon les données du groupe de ressources techniques Bâtir son quartier. On cherche en vain sur les plateformes de l’actualité les traces des interventions de Pierre Lessard-Blais, d’Éric Alen Caldwell ou d’Alia Hassan-Cournol qui démontreraient une volonté d’interpeller les instances concernées par le logement social.
Pour reprendre l’image d’une réclame publicitaire de la compagnie Speedy Muffler, nos élus sont silencieux…