Le Devoir

La tension financière est surtout forte pour les locataires

Le renouvelle­ment des prêts hypothécai­res fera de plus en plus mal, dit la Banque du Canada

- ÉRIC DESROSIERS

Ce sont les locataires qui font actuelleme­nt face à la plus forte tension financière. La situation va toutefois se corser pour les propriétai­res qui n’ont pas encore renouvelé leur prêt hypothécai­re.

On s’est beaucoup inquiété, depuis deux ans, des dommages que risquait d’infliger la hausse des taux d’intérêt sur les finances des détenteurs d’un prêt hypothécai­re. Or leurs indicateur­s de tensions financière­s sont restés « pratiqueme­nt inchangés et demeurent à des niveaux inférieurs à leur moyenne historique », a rapporté jeudi la Banque du Canada dans l’édition 2024 de son Rapport

sur la stabilité financière.

On ne peut pas en dire autant des autres Canadiens, particuliè­rement des locataires, poursuit la banque centrale. Non seulement ont-ils de plus en plus recours à leurs cartes de crédit depuis les derniers mois, mais leurs taux de défaut sur ces cartes ainsi que sur leurs prêts automobile­s sont aussi à la hausse. En forte baisse durant la pandémie de COVID-19, ces taux de défaut dépassent désormais leurs niveaux prépandémi­ques.

Cela tient notamment au fait que les locataires disposent généraleme­nt de revenus et d’actifs moins élevés que les propriétai­res, a expliqué en conférence de presse le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem. Bien que de nombreux ménages se soient constitué un coussin financier durant la pandémie et aient, ensuite, réduit leur train de vie pour s’ajuster à l’envolée de l’inflation et au ralentisse­ment économique, une plus grande part du budget des ménages aux revenus plus modestes est accaparée par des dépenses essentiell­es, comme le logement, l’épicerie et le transport, où la hausse du coût de la vie a été particuliè­rement marquée.

Les hausses hypothécai­res à venir

Et puis, tous les propriétai­res d’un logement ne sont pas hors de danger. Environ 40 % sont détenteurs d’une hypothèque. Parmi ceux-ci, la moitié n’ont pas encore fait face à une hausse de leur taux d’intérêt, du fait que le montant de leurs versements avait été établi pour cinq ans avant que la Banque du Canada ne commence à relever son taux directeur pour freiner l’inflation, de 0,25 % en mars 2022 à 5 % en juillet 2023.

Or, ces propriétai­res « verront généraleme­nt une augmentati­on de leurs versements plus importante que ceux qui ont déjà renouvelé leur prêt », prévient la banque centrale. On estime, par exemple, que ceux qui ont eu à renouveler un prêt hypothécai­re à taux fixe de 5 ans ou plus l’an dernier ont essuyé une hausse médiane de leurs versements de 15,3 %, mais que l’augmentati­on sera de 18,4 % cette année, de 22,6 % l’an prochain et de 25,8 % en 2026, et ce, même en tenant compte de la baisse des taux d’intérêt anticipée par les marchés financiers. La marche sera beaucoup plus haute encore pour ceux qui renouvelle­ront un prêt hypothécai­re à taux variable et à versements fixes, la hausse des versements de 34,4 % l’an dernier n’ayant rien à voir avec celle de 61,9 % attendue en 2026.

« La pression financière s’accentuera le plus parmi les ménages qui ont contracté un prêt hypothécai­re en 2021 et au début de 2022, lorsque les prix des logements étaient proches de leur sommet et que les taux hypothécai­res étaient très bas », dit la banque centrale. Heureuseme­nt, les revenus de plusieurs d’entre eux se seront aussi accrus.

Petites entreprise­s en difficulté

Si la santé financière des grandes compagnies « semble bonne », les petites, par contre, « montrent davantage de signes de tensions financière­s », a expliqué la première sous-gouverneur­e de la Banque du Canada, Carolyn Rogers. En « forte hausse » depuis un an, le nombre d’entreprise­s qui ont déposé un dossier d’insolvabil­ité est aujourd’hui le double de la moyenne d’avant la pandémie.

Cette forte hausse du nombre des faillites découle probableme­nt de la hausse des coûts d’emprunt et du ralentisse­ment de l’activité économique, mais aussi de l’éliminatio­n des programmes de soutien gouverneme­ntaux déployés durant la pandémie, explique la Banque. Une analyse des données laisse penser que ces programmes ont artificiel­lement maintenu en vie des entreprise­s et qu’on assiste maintenant à un retour du balancier.

Du côté des banques, « la qualité du crédit demeure solide dans l’ensemble », a poursuivi Carolyn Rogers. Elle lance toutefois un avertissem­ent aux fonds de couverture (hedge funds), dont les investisse­ments reposent beaucoup actuelleme­nt sur du crédit garanti par des actifs peut-être surévalués.

En conclusion, « le système financier canadien demeure résilient », a dit Tiff Macklem, notamment parce que les ménages, les entreprise­s, les banques et les autres institutio­ns financière­s se sont adaptés à la situation. Mais « cette adaptation prendra encore du temps ».

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