La tension financière est surtout forte pour les locataires
Le renouvellement des prêts hypothécaires fera de plus en plus mal, dit la Banque du Canada
Ce sont les locataires qui font actuellement face à la plus forte tension financière. La situation va toutefois se corser pour les propriétaires qui n’ont pas encore renouvelé leur prêt hypothécaire.
On s’est beaucoup inquiété, depuis deux ans, des dommages que risquait d’infliger la hausse des taux d’intérêt sur les finances des détenteurs d’un prêt hypothécaire. Or leurs indicateurs de tensions financières sont restés « pratiquement inchangés et demeurent à des niveaux inférieurs à leur moyenne historique », a rapporté jeudi la Banque du Canada dans l’édition 2024 de son Rapport
sur la stabilité financière.
On ne peut pas en dire autant des autres Canadiens, particulièrement des locataires, poursuit la banque centrale. Non seulement ont-ils de plus en plus recours à leurs cartes de crédit depuis les derniers mois, mais leurs taux de défaut sur ces cartes ainsi que sur leurs prêts automobiles sont aussi à la hausse. En forte baisse durant la pandémie de COVID-19, ces taux de défaut dépassent désormais leurs niveaux prépandémiques.
Cela tient notamment au fait que les locataires disposent généralement de revenus et d’actifs moins élevés que les propriétaires, a expliqué en conférence de presse le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem. Bien que de nombreux ménages se soient constitué un coussin financier durant la pandémie et aient, ensuite, réduit leur train de vie pour s’ajuster à l’envolée de l’inflation et au ralentissement économique, une plus grande part du budget des ménages aux revenus plus modestes est accaparée par des dépenses essentielles, comme le logement, l’épicerie et le transport, où la hausse du coût de la vie a été particulièrement marquée.
Les hausses hypothécaires à venir
Et puis, tous les propriétaires d’un logement ne sont pas hors de danger. Environ 40 % sont détenteurs d’une hypothèque. Parmi ceux-ci, la moitié n’ont pas encore fait face à une hausse de leur taux d’intérêt, du fait que le montant de leurs versements avait été établi pour cinq ans avant que la Banque du Canada ne commence à relever son taux directeur pour freiner l’inflation, de 0,25 % en mars 2022 à 5 % en juillet 2023.
Or, ces propriétaires « verront généralement une augmentation de leurs versements plus importante que ceux qui ont déjà renouvelé leur prêt », prévient la banque centrale. On estime, par exemple, que ceux qui ont eu à renouveler un prêt hypothécaire à taux fixe de 5 ans ou plus l’an dernier ont essuyé une hausse médiane de leurs versements de 15,3 %, mais que l’augmentation sera de 18,4 % cette année, de 22,6 % l’an prochain et de 25,8 % en 2026, et ce, même en tenant compte de la baisse des taux d’intérêt anticipée par les marchés financiers. La marche sera beaucoup plus haute encore pour ceux qui renouvelleront un prêt hypothécaire à taux variable et à versements fixes, la hausse des versements de 34,4 % l’an dernier n’ayant rien à voir avec celle de 61,9 % attendue en 2026.
« La pression financière s’accentuera le plus parmi les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire en 2021 et au début de 2022, lorsque les prix des logements étaient proches de leur sommet et que les taux hypothécaires étaient très bas », dit la banque centrale. Heureusement, les revenus de plusieurs d’entre eux se seront aussi accrus.
Petites entreprises en difficulté
Si la santé financière des grandes compagnies « semble bonne », les petites, par contre, « montrent davantage de signes de tensions financières », a expliqué la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers. En « forte hausse » depuis un an, le nombre d’entreprises qui ont déposé un dossier d’insolvabilité est aujourd’hui le double de la moyenne d’avant la pandémie.
Cette forte hausse du nombre des faillites découle probablement de la hausse des coûts d’emprunt et du ralentissement de l’activité économique, mais aussi de l’élimination des programmes de soutien gouvernementaux déployés durant la pandémie, explique la Banque. Une analyse des données laisse penser que ces programmes ont artificiellement maintenu en vie des entreprises et qu’on assiste maintenant à un retour du balancier.
Du côté des banques, « la qualité du crédit demeure solide dans l’ensemble », a poursuivi Carolyn Rogers. Elle lance toutefois un avertissement aux fonds de couverture (hedge funds), dont les investissements reposent beaucoup actuellement sur du crédit garanti par des actifs peut-être surévalués.
En conclusion, « le système financier canadien demeure résilient », a dit Tiff Macklem, notamment parce que les ménages, les entreprises, les banques et les autres institutions financières se sont adaptés à la situation. Mais « cette adaptation prendra encore du temps ».