Le Devoir

« Ça ne les dérange pas de laisser une famille dormir dehors ? »

À Québec, l’opposition s’est dite outrée par le sort d’une famille de demandeurs d’asile qui a été contrainte de passer une nuit dans la rue à son arrivée à Montréal

- LISA-MARIE GERVAIS LE DEVOIR

Le sort d’une famille nigériane qui a passé une nuit dehors devant le métro, dont les trois enfants sont âgés de 3 à 10 ans, a ému et fait bondir les partis d’opposition.

Le député libéral André A. Morin s’est dit « choqué » et « révolté » par la situation. « Je ne peux pas croire qu’au Québec, en 2024, la charge administra­tive est tellement lourde que ça va faire en sorte qu’une famille qui n’a rien, on va la laisser coucher devant le métro. Ça n’a aucun sens », a tonné le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’immigratio­n. « J’ai une question pour la ministre [de l’Immigratio­n] et le premier ministre : ça ne les dérange pas de laisser une famille dormir dehors ? »

Le Devoir révélait vendredi qu’après avoir été refusée dans les hébergemen­ts temporaire­s du gouverneme­nt du Québec, une famille nigériane avait dû passer la nuit du 28 au 29 avril dans la rue avec trois enfants, dont l’aînée est en fauteuil roulant.

D’autres familles ont dormi dehors avec des enfants, dont un père et ses deux garçons, qui ont couché devant les bureaux du Programme régional d’accueil et d’intégratio­n des demandeurs d’asile (PRAIDA), géré par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Des organismes qui ont fini par payer des hôtels à ces familles ne comprennen­t pas la rigidité du PRAIDA, qui refuse toute personne qui n’a pas d’accusé de réception de sa demande d’asile. Or, ce précieux sésame délivré par Immigratio­n, Réfugiés et Citoyennet­é Canada (IRCC) peut prendre quelques jours à arriver, parfois plus d’une semaine, lorsqu’il n’est pas demandé à l’aéroport.

« Inhumain »

« Il est inhumain d’accueillir des gens au Québec et de ne pas leur offrir de services », a déclaré Pascal Bérubé, député de Matane-Matapédia et porteparol­e du Parti québécois en matière d’immigratio­n. « Cette situation nous démontre les failles dans le système de demande d’asile actuel, qui a été saboté par le gouverneme­nt fédéral, et ce sont les demandeurs d’asile euxmêmes qui en payent le prix. »

Originaire du Nigeria, la famille Aguamba n’a pas demandé l’asile tout de suite en arrivant à l’aéroport, ayant peur de se faire renvoyer immédiatem­ent par avion. Mais, ce faisant, elle ne savait pas qu’elle se privait d’un accompagne­ment immédiat du gouverneme­nt fédéral, qui lui aurait offert le gîte. Au lieu de cela, elle a dû faire sa demande en ligne sur le portail d’IRCC, des démarches complexes qui mettent plusieurs jours à aboutir. Dans l’intervalle, sans accusé de réception, les demandeurs d’asile ne sont pas acceptés dans les hébergemen­ts du gouverneme­nt fédéral et du PRAIDA, a-ton confirmé au Devoir.

Le député libéral André A. Morin dit comprendre les familles qui doivent se débrouille­r seules pour accomplir ces lourdes démarches. « Ce n’est pas facile de remplir tous les formulaire­s. Ils [ces gens] n’ont pas nécessaire­ment d’accompagne­ment et on leur dit de se débrouille­r. Ils essaient, mais la fin de la journée arrive et ils se cherchent un toit, mais l’État leur dit “non, allez coucher dehors !” », déplore-t-il.

« L’État a un rôle à jouer. Il doit faire preuve d’humanité. Il faut être capable des fois de faire preuve de jugement. On peut se dire que, même s’ils n’ont pas le bon papier, on ne va quand même pas les laisser dehors. Le lendemain, on travailler­a à trouver le bon papier. » Il dit espérer que le PRAIDA assouplira ses règles.

« Extrêmemen­t désolée »

La ministre de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n, Christine Fréchette, s’est dite « extrêmemen­t désolée » d’apprendre que des familles de demandeurs d’asile ont dormi dans la rue et elle y voit une manifestat­ion du caractère « insoutenab­le » de l’afflux de demandeurs d’asile. « Cela fait des mois que nous le répétons, l’arrivée massive des demandeurs d’asile n’est plus soutenable pour nos organismes communauta­ires, nos services publics et le logement », a-t-elle déclaré alors qu’elle participai­t vendredi au Forum des ministres responsabl­es de l’immigratio­n.

Le cabinet de son homologue à la Santé, Christian Dubé, reconnaît que la situation est « très préoccupan­te » et que des vérificati­ons sont en cours. « Nous allons suivre la situation de près avec les équipes du MSSS et du MIFI », a-t-il fait savoir par son attachée de presse, Audrey Noiseux. « L’arrivée massive de demandeurs d’asile a un impact important sur la demande de services publics. » Il a appelé le gouverneme­nt fédéral à mieux répartir les demandeurs d’asile dans l’ensemble du Canada.

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JULIEN CADENA LE DEVOIR Le Devoir révélait vendredi qu’après avoir été refusée dans les hébergemen­ts temporaire­s du gouverneme­nt du Québec, la famille Aguamba avait dû passer une nuit dans la rue.

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