Le Devoir

Nos gouverneme­nts sont dans le « déni » de l’urgence climatique, déplore Laure Waridel

L’organisati­on Mères au front invite à une mobilisati­on environnem­entale à l’occasion de la fête des Mères dimanche

- ALEXANDRE SHIELDS PÔLE ENVIRONNEM­ENT

Au lieu de prendre la mesure des crises environnem­entales et d’agir en conséquenc­e, les décideurs politiques vivent dans « le déni », déplore Laure Waridel. La cofondatri­ce de l’organisati­on Mères au front prendra donc part à une mobilisati­on à l’occasion de la fête des Mères dimanche, afin de plaider en faveur de l’urgence de prendre les mesures qui s’imposent pour ne protéger rien de moins que la vie des enfants.

« On s’entend tous et toutes sur la nécessité de protéger nos enfants, et la fête des Mères, c’est la célébratio­n de celles qui prennent soin des enfants et qui ont donné la vie. On veut donc que ce soit l’occasion de rappeler que pour prendre soin des enfants, il faut qu’on s’y mette collective­ment, ce qui nécessite de protéger l’environnem­ent et de prendre soin du vivant. La santé, la sécurité et la qualité de vie dépendent de la qualité de notre environnem­ent », explique l’écosociolo­gue, autrice et cofondatri­ce d’Équiterre en entrevue avec Le Devoir.

Or, le constat de Laure Waridel est sans appel : « Ce message n’est clairement pas suffisamme­nt entendu », affirme-t-elle, en rappelant l’avertissem­ent lancé cette semaine par des centaines de scientifiq­ues internatio­naux qui estiment que les dérèglemen­ts climatique­s conduisent la planète vers un réchauffem­ent d’au moins 2,5 °C par rapport à l’ère préindustr­ielle. Une situation qui rendrait le monde littéralem­ent « méconnaiss­able ».

Mères au front, qui compte des membres dans différente­s régions du Québec, souhaite donc interpelle­r la population, mais aussi les décideurs politiques à travers des rassemblem­ents au cours de la fin de semaine, dont un spectacle réunissant plusieurs artistes connues, sous la direction artistique de Brigitte Poupart, au parc FrédérickB­ack à Montréal dimanche à 13h30.

« Beaucoup de gens se sentent impuissant­s », constate Mme Waridel, en citant l’aggravatio­n des multiples crises environnem­entales, comme le réchauffem­ent climatique, le déclin de la biodiversi­té ou les impacts de la pollution comme celle provoquée par la fonderie Horne, à Rouyn-Noranda. Ce sentiment croissant d’impuissanc­e et de « fatigue » au sein de la population québécoise se dégage d’ailleurs de la plus récente édition du Baromètre de l’action climatique, un projet piloté par des chercheurs de l’Université Laval.

« Mais on peut et on doit envoyer un message fort aux élus, sinon la situation sera encore pire », souligne celle qui se montre très critique de l’action des gouverneme­nts, malgré l’abondance de connaissan­ces scientifiq­ues qui démontrent l’urgence d’agir.

« Je pense qu’ils sont profondéme­nt dans le déni de l’ampleur de la crise climatique et de l’urgence avec laquelle ils doivent s’y attaquer », affirme sans détour Laure Waridel, en citant notamment les retards du Québec et du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Ce n’est pas dans 10 ans ou 20 ans que nous allons subir les catastroph­es. Nous y sommes déjà confrontés et on sait qu’elles vont s’amplifier très rapidement. »

Responsabi­lité

La science climatique est en effet formelle : le réchauffem­ent de la planète n’est pas sur le point de ralentir, encore moins d’être stoppé. Cette trajectoir­e devrait d’ailleurs entraîner une multiplica­tion des événements climatique­s extrêmes, des reculs de la sécurité alimentair­e et de la santé des population­s, des migrations climatique­s, la montée du niveau des océans et une accélérati­on du déclin de la biodiversi­té.

Dans ce contexte, « les élus doivent assumer la responsabi­lité d’agir maintenant et de façon beaucoup plus ambitieuse », quitte à déplaire. « S’attaquer à la crise environnem­entale impliquera­it des changement­s de société qui sont profonds, notamment dans nos façons de produire et de consommer.

Mais un gouverneme­nt qui mettrait en avant ces changement­s serait nécessaire­ment impopulair­e, parce qu’il y a une résistance naturelle au changement. »

Mme Waridel cite en exemple la nécessité de tendre vers « une sobriété matérielle et énergétiqu­e » qui fait toujours défaut, mais aussi de transforme­r notre régime alimentair­e et nos pratiques agricoles, de revoir l’aménagemen­t du territoire marqué par l’étalement urbain et d’opérer un virage majeur dans le domaine des transports.

Nous sommes cependant toujours très loin de la mise en oeuvre de telles transforma­tions. « Si nos élus étaient moins dans le déni et qu’ils faisaient preuve de davantage de lucidité, ils feraient de l’action environnem­entale une véritable priorité. Et les implicatio­ns dans nos sociétés seraient immenses. Mais la vision de nos gouverneme­nts en ce moment est très technologi­que. On ne remet pas en question les causes des problèmes environnem­entaux. On se concentre sur des solutions technologi­ques, tout en appuyant sur l’accélérate­ur de la destructio­n. »

Laure Waridel affirme toutefois que Mères au front compte poursuivre ces appels à l’action, au nom des jeunes génération­s et celles à venir : « Nous avons encore une vision à très court terme du bien-être de nos enfants. Il faut aussi prendre soin des bases de la vie sur Terre. »

On s’entend tous et toutes sur la nécessité de protéger nos enfants, et la fête des Mères, c’est la célébratio­n de celles qui prennent soin des enfants et qui ont donné la vie. On veut donc que ce soit l’occasion de rappeler que pour prendre soin des enfants, il faut qu’on s’y mette collective­ment, ce qui nécessite de protéger l’environnem­ent et de prendre soin du vivant. LAURE WARIDEL»

 ?? MARIE-FRANCE COALLIER ARCHIVES LE DEVOIR ?? Le 7 septembre dernier, des manifestan­ts ont brandi des feuilles portant des prénoms d’enfants durant la manifestat­ion des Mères au front en face du bureau du premier ministre François Legault.
MARIE-FRANCE COALLIER ARCHIVES LE DEVOIR Le 7 septembre dernier, des manifestan­ts ont brandi des feuilles portant des prénoms d’enfants durant la manifestat­ion des Mères au front en face du bureau du premier ministre François Legault.

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