Nos gouvernements sont dans le « déni » de l’urgence climatique, déplore Laure Waridel
L’organisation Mères au front invite à une mobilisation environnementale à l’occasion de la fête des Mères dimanche
Au lieu de prendre la mesure des crises environnementales et d’agir en conséquence, les décideurs politiques vivent dans « le déni », déplore Laure Waridel. La cofondatrice de l’organisation Mères au front prendra donc part à une mobilisation à l’occasion de la fête des Mères dimanche, afin de plaider en faveur de l’urgence de prendre les mesures qui s’imposent pour ne protéger rien de moins que la vie des enfants.
« On s’entend tous et toutes sur la nécessité de protéger nos enfants, et la fête des Mères, c’est la célébration de celles qui prennent soin des enfants et qui ont donné la vie. On veut donc que ce soit l’occasion de rappeler que pour prendre soin des enfants, il faut qu’on s’y mette collectivement, ce qui nécessite de protéger l’environnement et de prendre soin du vivant. La santé, la sécurité et la qualité de vie dépendent de la qualité de notre environnement », explique l’écosociologue, autrice et cofondatrice d’Équiterre en entrevue avec Le Devoir.
Or, le constat de Laure Waridel est sans appel : « Ce message n’est clairement pas suffisamment entendu », affirme-t-elle, en rappelant l’avertissement lancé cette semaine par des centaines de scientifiques internationaux qui estiment que les dérèglements climatiques conduisent la planète vers un réchauffement d’au moins 2,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Une situation qui rendrait le monde littéralement « méconnaissable ».
Mères au front, qui compte des membres dans différentes régions du Québec, souhaite donc interpeller la population, mais aussi les décideurs politiques à travers des rassemblements au cours de la fin de semaine, dont un spectacle réunissant plusieurs artistes connues, sous la direction artistique de Brigitte Poupart, au parc FrédérickBack à Montréal dimanche à 13h30.
« Beaucoup de gens se sentent impuissants », constate Mme Waridel, en citant l’aggravation des multiples crises environnementales, comme le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité ou les impacts de la pollution comme celle provoquée par la fonderie Horne, à Rouyn-Noranda. Ce sentiment croissant d’impuissance et de « fatigue » au sein de la population québécoise se dégage d’ailleurs de la plus récente édition du Baromètre de l’action climatique, un projet piloté par des chercheurs de l’Université Laval.
« Mais on peut et on doit envoyer un message fort aux élus, sinon la situation sera encore pire », souligne celle qui se montre très critique de l’action des gouvernements, malgré l’abondance de connaissances scientifiques qui démontrent l’urgence d’agir.
« Je pense qu’ils sont profondément dans le déni de l’ampleur de la crise climatique et de l’urgence avec laquelle ils doivent s’y attaquer », affirme sans détour Laure Waridel, en citant notamment les retards du Québec et du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Ce n’est pas dans 10 ans ou 20 ans que nous allons subir les catastrophes. Nous y sommes déjà confrontés et on sait qu’elles vont s’amplifier très rapidement. »
Responsabilité
La science climatique est en effet formelle : le réchauffement de la planète n’est pas sur le point de ralentir, encore moins d’être stoppé. Cette trajectoire devrait d’ailleurs entraîner une multiplication des événements climatiques extrêmes, des reculs de la sécurité alimentaire et de la santé des populations, des migrations climatiques, la montée du niveau des océans et une accélération du déclin de la biodiversité.
Dans ce contexte, « les élus doivent assumer la responsabilité d’agir maintenant et de façon beaucoup plus ambitieuse », quitte à déplaire. « S’attaquer à la crise environnementale impliquerait des changements de société qui sont profonds, notamment dans nos façons de produire et de consommer.
Mais un gouvernement qui mettrait en avant ces changements serait nécessairement impopulaire, parce qu’il y a une résistance naturelle au changement. »
Mme Waridel cite en exemple la nécessité de tendre vers « une sobriété matérielle et énergétique » qui fait toujours défaut, mais aussi de transformer notre régime alimentaire et nos pratiques agricoles, de revoir l’aménagement du territoire marqué par l’étalement urbain et d’opérer un virage majeur dans le domaine des transports.
Nous sommes cependant toujours très loin de la mise en oeuvre de telles transformations. « Si nos élus étaient moins dans le déni et qu’ils faisaient preuve de davantage de lucidité, ils feraient de l’action environnementale une véritable priorité. Et les implications dans nos sociétés seraient immenses. Mais la vision de nos gouvernements en ce moment est très technologique. On ne remet pas en question les causes des problèmes environnementaux. On se concentre sur des solutions technologiques, tout en appuyant sur l’accélérateur de la destruction. »
Laure Waridel affirme toutefois que Mères au front compte poursuivre ces appels à l’action, au nom des jeunes générations et celles à venir : « Nous avons encore une vision à très court terme du bien-être de nos enfants. Il faut aussi prendre soin des bases de la vie sur Terre. »
On s’entend tous et toutes sur la nécessité de protéger nos enfants, et la fête des Mères, c’est la célébration de celles qui prennent soin des enfants et qui ont donné la vie. On veut donc que ce soit l’occasion de rappeler que pour prendre soin des enfants, il faut qu’on s’y mette collectivement, ce qui nécessite de protéger l’environnement et de prendre soin du vivant. LAURE WARIDEL»