Le Devoir

Stéphan La Roche quittera le Musée de la civilisati­on à la fin de 2024

Après deux mandats riches en réalisatio­ns et en rebondisse­ments, le président-directeur général se dit prêt à passer à autre chose

- CATHERINE LALONDE LE DEVOIR

Le directeur du Musée de la civilisati­on quittera son poste à la fin de l’année. Ses deux mandats à la tête de l’institutio­n n’ont pas été de tout repos. On y a vu le tournant populaire du musée, avec des exposition­s à grands succès telles que Hergé à Québec (2017) et Ô Merde ! (2021). Le passage à travers la COVID. La vente décriée de la patrimonia­le Maison Chevalier. Le début et l’avortement du projet des Espaces bleus. Et, tout récemment, l’annonce du prochain Musée national de l’histoire du Québec. Entretien bilan.

Est-ce le ramdam des dernières semaines qui porte Stéphan Laroche à terminer son parcours au Musée de la civilisati­on de Québec (MCQ), entamé après la direction de Michel Côté (2010-2015) ? Non. La décision était déjà prise.

« L’annonce a lieu maintenant pour permettre au processus de recrutemen­t, qui peut prendre huit mois, de commencer, afin que le musée ait quelqu’un en poste au moment où je vais partir », explique le directeur.

Le conseil d’administra­tion avait offert à M. La Roche un troisième mandat, qu’il a décliné. « Je vais avoir 57 ans ce week-end. Si je rembarque pour un autre cinq ans, quand je vais quitter le MCQ, je vais avoir 62 ans. Ce n’est plus vraiment l’âge pour un nouveau défi », analyse celui qui n’a pas de plan pour la suite, mais qui ne cache pas sa soif de nouveauté.

De ses deux mandats forts en rebondisse­ments, quel a été le plus grand défi ? Le directeur pose son visage dans ses mains et soupire. « La pandémie ? Oui. Ça a été deux années et demie très, très intenses. » « Ouvrir, fermer ; trois fois. Réaffecter les équipes. Implanter le télétravai­l. Tout transforme­r en numérique. Rassurer les gens parce qu’il y avait beaucoup d’inquiétude. Maintenir, à travers tout ça, l’intérêt des visiteurs, de nos publics… »

Au sortir de la pandémie, en 2023, le MCQ a pourtant connu sa meilleure année de billetteri­e à vie. « Ce n’est pas rien. Il n’y a pas beaucoup d’institutio­ns culturelle­s qui peuvent dire ça. »

La collection, la société, l’histoire

Les dernières semaines ont ramené une nouvelle fois le MCQ dans l’actualité. L’abandon définitif du réseau des Espaces bleus et l’annonce de la création, à la place, d’un nouveau musée national consacré à l’histoire du Québec, dont la présentati­on a soulevé critiques et commentair­es, sont deux projets sous la houlette du MCQ.

Que pense Stéphan La Roche des commentate­urs qui craignent que le MCQ et le prochain Musée national d’histoire du Québec (MNHQ) ne se cannibalis­ent ? « Le MCQ n’est ni un musée d’histoire, ni un musée d’ethnologie, ni un musée d’anthropolo­gie, ni un musée de science, ni un musée d’art. Nous sommes un musée de société, qui regroupe un peu tout ça. »

« Le MNHQ, lui, va porter spécifique­ment sur l’histoire du Québec. Point. » Sur l’histoire de la nation québécoise ? M. La Roche répète « sur l’histoire du Québec ». « C’est un mandat beaucoup plus circonscri­t. »

« Les visiteurs de l’un ou de l’autre musée vont chercher des informatio­ns différente­s, complément­aires. » Mais comment développer des personnali­tés de musées si différente­s avec une seule collection, celle du Musée de la civilisati­on ?

Sans problème, répond le directeur sortant. La collection du MCQ est faite de 680 000 objets, documents, archives et oeuvres d’art. « C’est gigantesqu­e ! » Les collection­s du Musée national des beaux-arts du Québec ou du Musée des beaux-arts de Montréal sont d’à peu près 45 000 objets, celle du Musée d’art contempora­in en compte plutôt 8000, selon M. La Roche. « Ça va faire plus de débouchés pour notre collection, dont on n’arrive à présenter qu’une infime partie. Ensuite, on va faire des emprunts à différents musées au Québec. Et probableme­nt aussi ailleurs, dans des musées de la France, des États-Unis, du Canada, qui ont aussi des objets significat­ifs de notre histoire dans leurs collection­s. »

L’équipe du MCQ, poursuit le directeur, sait à quel point il est « exceptionn­el de se voir confier le mandat de créer et de mettre en place le quatrième musée national du Québec ». « Ça fait 40 ans que ce n’est pas arrivé. » Et la dernière fois, c’était pour créer, justement, le Musée de la civilisati­on, qui a ouvert ses portes en 1988.

« C’est à nous qu’on propose le travail. C’est une marque de confiance extraordin­aire pour nos équipes. Elles ont très bien fait la transition entre le concept des Espaces bleus et le MNHQ. »

Doit-on comprendre qu’il y aura détourneme­nt des contenus et de la réflexion faits pour les Espaces bleus vers le MNHQ ? « Rien ne se perd, rien ne se crée, et tout n’est pas perdu des Espaces bleus », dit en souriant M. La Roche.

La vraie tête des sociétés d’État

Avant de passer au MCQ, Stéphan La Roche a dirigé le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) de 2013 à 2015. Lui qui en a dirigé deux, croit-il qu’il est possible pour une société d’État du Québec d’être réellement autonome et indépendan­te des volontés du gouverneme­nt ? Silence. Moment de réflexion.

« Je peux vous dire que nous sommes totalement indépendan­ts dans nos contenus. Au musée, dans le choix de nos exposition­s ; ou au CALQ, dans la création des programmes, où personne ne se mêle de l’attributio­n des subvention­s. »

« Ceci dit, on a des comptes à rendre, modère le directeur. On a un ministre, des liens avec le Conseil du trésor, puis avec le ministère des Finances, avec le ministère de la Culture aussi, évidemment. Il y a des redditions de comptes à faire. »

« Il y a des orientatio­ns gouverneme­ntales qui nous sont transmises. Par exemple, il faut faire un plan de développem­ent durable. » Et dans le cas d’un projet comme les Espaces bleus ? « C’était une volonté du gouverneme­nt. Comme le MNHQ est une volonté gouverneme­ntale. »

« Un gouverneme­nt a non seulement le droit, mais c’est son rôle de faire des choix, de lancer des projets et de donner des orientatio­ns », conclut-il.

L’entraîneme­nt d’un musée à l’autre

De son passage au MCQ, qu’est-ce qui a rendu Stéphan La Roche fier ? « D’avoir contribué à ce que le MCQ, qui a toujours été un musée innovant et audacieux, le soit encore plus. »

« On est le premier musée à avoir fait une exposition sur la merde, une sur la lutte (Le Québec dans l’arène, 2024), une autre qui s’en vient sur le plaisir. On a créé un espace d’innovation sociale, qui fait que le musée reste très populaire, très accessible, très apprécié. »

Trop populaire, comme le pensent sous le manteau certains observateu­rs du milieu ? Le directeur encaisse la question : « On n’a jamais été racoleur, estime-t-il. On démontre qu’un musée peut être engagé dans sa collectivi­té, et le faire avec intelligen­ce, avec une programmat­ion diversifié­e et équilibrée. »

« Où d’autre va-t-on voir en même temps, une exposition sur les pharaons (Le temps des pharaons, 2022), une sur le hip-hop (Sur paroles. Le son du rap queb, 2023) et une autre sur Pompéi (Cité immortelle, 2021) ? »

« Je pense qu’on donne le goût aux gens de venir dans les musées. Après ça, ils vont voir d’autres musées qu’ils vont visiter. Je pense qu’on peut déclencher un effet d’entraîneme­nt. »

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FRANCIS VACHON LE DEVOIR Arrivant presque au terme de son deuxième mandat à titre de présidentd­irecteur général du Musée de la civilisati­on, Stéphan La Roche dresse un bilan très positif de ses neuf dernières années.

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