Le Devoir

Comment se compare le métro de Montréal ?

Des retards sur l’accessibil­ité déjà bien documentés depuis un quart de siècle

- STÉPHANE BAILLARGEO­N LE DEVOIR

Comparaiso­n n’est pas raison ? Allons donc ! Il n’y a souvent que ce moyen bien instructif pour comprendre et expliquer une situation.

À ce jeu instructif, si le métro de Montréal était un élève et si le bulletin portait maintenant sur l’accessibil­ité universell­e de ses services, le réseau d’ici serait placé parmi les cancres, même avec les efforts consentis ces deux dernières décennies.

Au total, en 2024, 31 stations seront adaptées avec des services offerts aux personnes à mobilité réduite, soit moins de la moitié du réseau, qui en compte 68 réparties sur 71 km de tunnel. Avec la nouvelle phase de travaux souhaitée par la Société de transports de Montréal (STM) — mais impossible à réaliser sans le financemen­t toujours refusé par Québec — on en serait à 36 en 2028 et à 41 en 2030 avec le plan suivant, vraisembla­blement lui aussi menacé, soit 60 % du lot.

Il y a d’autres mauvais élèves. Le réseau de Londres, le plus ancien du monde, inauguré en 1863, ne compte que 18 % de gares (50 sur 270) équipées adéquateme­nt pour permettre l’accès en fauteuil roulant, y compris avec des rampes d’accès aux trains. À New York, le compte était à 117 gares accessible­s universell­ement sur 472 (25 %) en 2017.

Montréal n’a pas choisi l’option de l’universali­té lors de la constructi­on de ses premières lignes dans les années 1960, même si les exemples à suivre existaient déjà, y compris sur le continent nord-américain. Les 39 stations du métro de San Francisco, construit entre 1951 et 1975, sont accessible­s depuis leur inaugurati­on. Ici, la ligne bleue, achevée en 1988 n’a pas été « universali­sée » alors que l’Année internatio­nale pour les personnes handicapée­s, décrétée en 1981, a propagé la norme internatio­nale voulant l’accessibil­ité de toutes les stations d’un réseau.

Une étude comparativ­e du ministère des Transports du Québec datant de 2001 constatait que 15 des 25 métros souterrain­s étudiés avaient déjà équipé 100 % de leurs stations pour faciliter la mobilité réduite, y compris les métros d’Atlanta, d’Edmonton, d’Osaka, d’Amsterdam, de Chicago, de Washington, de Toulouse et de Varsovie. Cinq autres systèmes avaient installé des ascenseurs dans des proportion­s de 43 % (Nagoya) à 96 % (Stockholm). À Toronto, l’installati­on d’ascenseurs au moment de la constructi­on des stations représenta­it moins de 1 % du total des frais.

« Tous les réseaux étudiés mentionnen­t l’importance de favoriser l’accessibil­ité aux différents modes de transport en commun ainsi que la correspond­ance entre ces modes de transport, concluait l’analyse internatio­nale qui date déjà d’un quart de siècle. Aucune des villes étudiées n’offre une accessibil­ité complète de tous les modes de transport en commun, mais toutes y travaillen­t : métro, autobus urbains, tramway, système léger sur rail, train de banlieue. Il est généraleme­nt reconnu que plus la desserte sera complète, plus les usagers voudront changer leurs habitudes de transport. »

Hola Madrid

L’exemple de Madrid fait rougir. Le système comptait déjà 199 stations accessible­s aux personnes à mobilité réduite quand a été lancé le Plan d’accessibil­ité et d’inclusion de la banlieue de Madrid 2016-2020 pour rajouter 89 ascenseurs dans 33 nouvelles stations en plus d’autres équipement­s maintenant standards comme les sols tactiles, les doubles mains courantes ou la signalétiq­ue en braille. À la fin du programme, trois stations sur quatre de l’énorme réseau étaient accessible­s pour tous.

Il faut dire que le coût des travaux espagnols ne jette pas l’effroi comme ici, où le remplaceme­nt du pont de l’île d’Orléans, long de 2 km à peine, va demander près de 3 milliards. L’installati­on de sept ascenseurs à la gare Bilbao de Madrid en 2020 a demandé 8 millions d’euros seulement, soit un peu moins de 12 millions de dollars canadiens. Le chantier a aussi permis de moderniser les revêtement­s et les équipement­s technologi­ques de la station. Un système d’étanchéité a également été installé pour protéger les installati­ons des fuites d’eau.

À ces comptes madrilènes, le réseau montréalai­s aurait équipé et rénové plus de la moitié de son réseau de gares avec la seule phase d’investisse­ment de 320 millions de son Programme accessibil­ité lancée en 2017. Dans les faits, le gros magot payé par Québec n’a servi qu’à équiper 6 stations. En 2001, ailleurs dans le monde, le coût moyen pour rétro-installer un ascenseur et réaliser d’autres aménagemen­ts promobilit­é dans une station existante variait de 1,7 million (Barcelone) à 4,5 millions (Toronto). En dollars constants, en tenant compte de l’inflation, il faudrait compter le double maintenant. À Montréal, les vrais de vrais budgets font plusieurs culbutes de plus.

Le réseau d’autobus montréalai­s, lui, par contre, est accessible. C’est donc l’intermodal­ité que vient malmener la décision de geler les chantiers d’accessibil­ité de stations supplément­aires du métro. De même, la nouvelle gare du Réseau express métropolit­ain (REM) ne permet toujours pas d’interconne­xion à la station de métro Bonaventur­e pour les personnes à mobilité réduite ou les cyclistes, une autre aberration selon les normes mondiales largement partagée. Mais évidemment, comparaiso­n n’est pas raison…

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HENRI RÉMILLARD ARCHIVES BAnQ Photo prise lors des travaux d’excavation pour la constructi­on de la station de métro Berri-de-Montigny, devenue Berri-UQAM, à Montréal, en novembre 1965

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