Le Devoir

Les bienfaits de la lecture pour les tout-petits

- NORMAND BAILLARGEO­N

Cette semaine, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé que son ministère lance une campagne invitant à développer les habitudes de lecture des enfants.

Cette campagne vise bien entendu à encourager la lecture à l’école. Mais un de ses volets concerne la lecture à la maison, la lecture avec les tout-petits, et donc avant l’entrée à l’école et avant l’apprentiss­age de la lecture.

Or, pour apprendre à lire, nous dit la recherche crédible, lire avec les tout-petits est immensémen­t utile et important. Un célèbre rapport de 1984 disait ceci, qui reste on ne peut plus actuel : « La lecture à voix haute est l’activité la plus importante pour développer les connaissan­ces nécessaire­s pour apprendre à lire. C’est particuliè­rement vrai pendant les années qui précèdent l’entrée à l’école. »

Au moment où nous apprenons que plus du quart des élèves de quatrième année ont échoué à l’épreuve ministérie­lle de lecture, ce programme ne pouvait mieux tomber.

La page Internet du ministère qui présente cette campagne est bien faite et riche en précieuses informatio­ns et en excellents conseils pratiques pour lire avec vos tout-petits.

Je me permets de rappeler à ce sujet quatre idées qui me sont particuliè­rement chères.

Savoirs préalables

Vous vous souvenez de cette cruciale idée de mémoire de travail et de savoirs préalables nécessaire­s pour en surmonter les limitation­s ?

Le plus grand bienfait que procure le fait de lire à un enfant est sans doute de lui faire acquérir de tels savoirs, ce qui se produit en lui donnant des tas d’informatio­ns sur le monde et en enrichissa­nt son vocabulair­e. Cela lui sera immensémen­t utile pour apprendre à lire à l’école.

Le court texte à lire à l’école parle de chimpanzés, de jungle, de lianes et d’Afrique ? Des élèves sont bloqués.

Pas lui. Il connaît : merci à Tarzan ! L’enfant du conte à lire est écervelé, aime les devinettes, sait que la lune illumine, et que des prix sont parfois astronomiq­ues ? Des élèves sont encore bloqués. Pas elle. Elle a rencontré tous ces mots dans un contexte significat­if et attirant. Merci à L’opéra de la lune, de Prévert.

Pas d’écran et un rituel

La deuxième idée que je veux avancer est que la lecture doit se faire dans des livres, et pas sur des écrans. Ce n’est sans doute pas facile, mais c’est indispensa­ble, aujourd’hui plus que jamais.

Ma troisième idée concerne justement des moyens d’y parvenir, et pour cela faire de la lecture une sorte de rituel, qui revient constammen­t, qui est interactif et amusant. Le site du ministère cité plus haut est à ce sujet (comme sur les autres…) très bien fait.

Voici quelques-unes des stratégies qu’on y suggère. Faire manipuler des livres à votre enfant (ex. : des albums tout carton, des revues) ; inventer des histoires à votre enfant et lui permettre de participer à cette création ; lui lire différents contenus (ex. : texte sur la boîte de céréales, nom d’une rue, carte d’anniversai­re) et lire à différents endroits (ex. : à la bibliothèq­ue, dans la cour, à la plage) ; aller à la bibliothèq­ue et aider votre enfant à choisir des livres qui correspond­ent à ses goûts et qui sont adaptés à son niveau de lecture ; aménager un coin lecture à la maison ; dire à votre enfant que la lecture peut lui permettre de se distraire, de s’informer, de communique­r avec les autres, de s’exprimer, d’apprendre, de comprendre comment faire quelque chose, etc.

Ma dernière idée va en ce sens. C’est que la lecture, en plus de tout ce qui vient d’être, avec raison, rappelé, est aussi une source de plaisirs, de plaisirs particulie­rs, inimitable­s et qu’on ne peut goûter que si on nous les a offerts, proposés, fait goûter. Une fois cela fait, ils risquent fort de devenir indispensa­bles et vous accompagne­r toute votre vie. Faire découvrir ces plaisirs à un enfant est un des possibles effets de lui lire des livres.

Mais aussi, hélas…

Je ne peux pas passer sous silence le fait qu’il existe sur ce sujet aussi de formidable­s et bien tristes inégalités qui jouent avant même d’arriver à l’école. Ce sont ici des familles où il n’y a presque pas de livres, là des parents qui ne savent pas lire. L’école doit tout faire pour lutter contre ces inégalités et faire exister une réelle égalité des chances.

Le recours aux meilleures méthodes pour apprendre à lire est une composante essentiell­e de ce travail. Qu’en est-il ? J’y reviendrai.

En attendant, il y a toutes ces bibliothèq­ues qui offrent des séances de lectures aux enfants (souvent appelées « L’heure du conte ») et la Fondation pour l’alphabétis­ation, qui oeuvre à soutenir les enfants et les adultes dans le développem­ent et le maintien de leur capacité à lire et à apprendre. Le gouverneme­nt vient de souligner son travail par un prix Hommage bénévolat Québec, catégorie Organisme. Bravo !

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR ?? Docteur en philosophi­e, docteur en éducation et chroniqueu­r, Normand Baillargeo­n a écrit, dirigé ou traduit et édité plus de soixantedi­x ouvrages.
VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR Docteur en philosophi­e, docteur en éducation et chroniqueu­r, Normand Baillargeo­n a écrit, dirigé ou traduit et édité plus de soixantedi­x ouvrages.
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