Six mois chez les complotistes
Le journaliste Elliot Wax est allé jusqu’à infiltrer la mouvance conspirationniste afin de comprendre l’adhésion de son frère aux théories du complot
Alternant entre enquête et récit biographique, le livre nous offre les découvertes de l’auteur
Entre l’auteur Elliot Wax et son grand frère qui adhère aux idées complotistes, rien ne va plus. Les deux frangins s’obstinent régulièrement sur l’interprétation politique et sociale du monde qui les entoure.
Tout commence par l’adhésion du frère aux messages véhiculés dans le documentaire controversé La révélation des pyramides, qui postule que les célèbres constructions ne sont pas le fruit du labeur des Égyptiens, mais de l’intervention des extraterrestres. Puis, viennent les opinions fumeuses entourant le 11 Septembre et l’existence d’une planète cachée. Les thèses complotistes s’additionnent goutte à goutte jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID-19.
C’est pendant cette période marquée par le confinement que le frère d’Elliot commence à l’inonder de fausses nouvelles concernant les origines du virus. Constatant l’inutilité de la contre-argumentation, qui renforce au contraire les convictions complotistes, le journaliste est accablé par l’impuissance. Même s’il ne reconnaît plus ce frère, dont il a été très proche, Elliot Wax pense qu’il n’est pas trop tard pour recoller les morceaux. Mais comment alors renouer avec un proche conspirationniste ? L’auteur dans la trentaine décide de mener une enquête en intégrant pendant six mois deux organisations admirées par son frère : une rédaction d’un journal, « La vérité », et une formation politique, « Les éveillés ».
Dans son livre titré À la recherche de mon frère, Wax prend soin de dissimuler les identités des personnes et des organisations concernées, mais on devine qu’il s’agit du quotidien France
Soir, plusieurs fois épinglé pour ses fausses informations, et du parti ultrasouverainiste français Union populaire républicaine, dirigé par François Asselineau, un politicien baroque et peu connu du grand public flirtant avec les thèses conspirationnistes.
Dans ce travail d’infiltration, l’auteur veut surtout comprendre la fabrication de la pensée complotiste afin de convaincre son frère qu’il nage dans l’erreur. Le conspirationnisme est un phénomène complexe et protéiforme, rappelle-t-il, alors qu’il existe différents degrés, allant du mouvement radical reptilien (ceux qui croient que les puissants de ce monde viendraient d’une autre planète) à la croyance en l’énergie libre, une source d’énergie infinie et facile à produire, mais dissimulée par les lobbies pétroliers. Mais tous partagent un point commun : une profonde méfiance envers les institutions.
Alternant entre enquête et récit biographique, le livre nous offre les découvertes de l’auteur. Lui qui s’attendait à rencontrer des cyniques ou des manipulateurs, il fait plutôt la connaissance de gens bienveillants convaincus de détenir la vérité. Ses entrevues avec des experts ou d’anciens fervents complotistes, comme le youtubeur ZioClo ou le reporter Vincent Lapierre, lui font comprendre qu’on ne peut finalement pas forcer une personne à changer ses convictions. Le déclic doit venir du complotiste lui-même.