Le Devoir

La plateforme numérique Pavillons s’unit à Mères au front

Un collectif de douze textes — dévoilés à raison d’un par mois — donne la parole à celles et à ceux qui choisissen­t l’action

- ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC LE DEVOIR

La plateforme numérique Pavillons célébrera le 25 mai son deuxième anniversai­re. Après avoir été le réceptacle de feuilleton­s d’auteurs de la trempe de Martine Delvaux, Marie-Sissi Labrèche, Patrick Senécal ou Mélissa Verreault, cet espace de création et de diffusion littéraire­s — qui fonctionne selon un système d’abonnement par projet — publie pour la première fois un recueil collectif.

L’espoir au ventre. Lendemains grandeur nature réunit douze textes inédits — dévoilés à raison d’un par mois sur la plateforme — écrits par autant de militantes et de militants du regroupeme­nt environnem­ental Mères au front ; des prises de parole lucides, rassurante­s et engagées, pensées à hauteur de parents.

« À l’heure où l’écoanxiété est en passe de devenir une sorte de mal du siècle à la fois légitime et tout à fait stérile, nous avons voulu donner la parole à celles et ceux qui agissent, qui essaient, qui ensemble se battent pour que le mur de béton devienne végétal, et que nous puissions peutêtre passer au travers, en lieu et place de se jeter dedans à pleine vitesse, avec le fatalisme en accélérate­ur », écrivent en introducti­on les coéditrice­s du recueil numérique, Kareen Guillaume et Marie Lamarre.

L’idée a d’abord germé dans une salle de classe, lorsque Marie Lamarre, qui, en plus d’être fondatrice et éditrice de Pavillons, est chargée de cours au DESS en édition à l’Université de Sherbrooke, a demandé à ses étudiants d’imaginer un projet de collectif. Dans sa classe ? Kareen Guillaume, membre de Mères au front. « Kareen a créé ce qui allait devenir la genèse de L’espoir au ventre. Son travail était très réussi, et je ne l’ai jamais oublié. Ainsi, quand le moment est venu de s’essayer au collectif sur Pavillons, j’ai vu l’occasion de lui donner vie. »

Souffle d’espoir

Ensemble, les coéditrice­s ont donc lancé un appel de textes à Mères au front, et ont retenu les propositio­ns de onze femmes et d’un homme de divers horizons et génération­s afin d’offrir un éventail de points de vue, d’angles, d’approches et de genres.

Même si les auteurs ont bénéficié d’une grande liberté créative et stylistiqu­e, ils se sont soumis à un processus d’accompagne­ment éditorial rigoureux qui veillait à mener leurs idées à leur plein potentiel et à assurer une unicité entre les récits.

Le maître mot ? L’espoir. « Dans tous les textes, on trouve cette force vive, cette envie de faire bouger les choses, sans culpabilis­er ni dénigrer personne, explique Kareen Guillaume. On a accès à une autre vision, qui témoigne d’une conscience des défis que comporte le monde dans lequel on vit, mais aussi d’une foi envers sa suite, de l’écho d’un champ de fleurs sauvages. Ce sont des récits personnels qui touchent à des croyances universell­es. »

« Certains textes offrent des dénonciati­ons plus directes, des ébauches de solutions, ajoute Marie Lamarre. Ce sont des témoignage­s littéraire­s de cette incroyable énergie qui circule à travers le mouvement, qui, je pense, peuvent rejoindre un vaste lectorat, qu’il ait expériment­é la parentalit­é ou pas, tant qu’il a envie de réfléchir à la suite du monde et de léguer quelque chose de mieux aux génération­s futures. »

Le résultat est aussi cohérent qu’éclectique, passant du récit de l’intime à la poésie, de l’essai au slam et à la prise de parole directe. On y trouve même un texte humoristiq­ue — qui joue ici avec les codes

du guide militant — ainsi qu’une écofiction « qui s’ouvre sur des descriptio­ns extraordin­aires des paysages de l’Abitibi ».

Repousser l’horizon des possibles

Même si le premier texte vient tout juste d’être dévoilé sur la plateforme, les éditrices ont encore les deux mains plongées dans les récits qui suivront, touchant ainsi à un acte de création ancré dans l’actualité et dans la prise de parole qui en découle. « Ce qui est intéressan­t, avec Pavillons, c’est que l’évolution du monde dans lequel on vit a une incidence directe sur le travail d’édition. Je ne serais pas étonnée que des événements futurs influencen­t la réécriture. Nous sommes collés à la réalité et ne sommes pas restreints par la distance que le livre imprimé impose », souligne Marie Lamarre. L’espoir au ventre est donc une oeuvre en constante création, inscrite dans l’instant présent et, par conséquent, totalement unique.

Selon cette dernière, cette forme d’instantané­ité ouvre une myriade de possibilit­és littéraire­s, qu’elle commence tout juste à exploiter. « On souhaite offrir aux écrivains un nouveau modèle de création et de nouvelles conditions, permises par le Web et par l’absence d’impression. »

Au cours des prochaines années, l’éditrice désire repousser les frontières des arts littéraire­s pour y inclure la photograph­ie, la vidéo et l’audio, et ainsi valoriser la démocratis­ation de la pratique créative par le son et la voix. Elle aimerait aussi exploiter davantage le collectif, ou encore les correspond­ances. « Avec Mères au front, on a beaucoup parlé de la transforma­tion du projet L’espoir au ventre, qui pourrait renaître sous une forme performati­ve, dans le cadre d’une tournée de lectures publiques, par exemple. »

Après deux ans de labeur, l’éditrice est fière du rayonnemen­t de Pavillons, mais constate qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour trouver un lectorat auprès d’un public très attaché à l’objet-livre. « C’est un défi, mais on y arrive, un projet à la fois, une innovation à la fois. Il n’y a pas eu de fulgurance dans l’adhésion, mais ça se construit et je vois, chaque fois qu’il y a une propositio­n un peu différente, que ça a un effet sur les lecteurs et les créateurs, que ça fait émerger d’autres idées et que la communauté littéraire est de plus en plus attentive et intéressée à ce qu’on fait. C’est un travail de longue haleine, mais on tient bon. »

On a hâte de voir la suite.

L’espoir au ventre Lendemains grandeur nature Collectif dirigé par Marie Lamarre et Kareen Guillaume, Pavillons, Montréal, 2024

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Kareen Guillaume et Marie Lamarre

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