LA SÉLECTION POLAR DE MICHEL BÉLAIR ET DE SONIA SARFATI
Infiltrations en tous genres
Cette quatrième enquête de l’improbable duo formé par le lieutenant Bonneau et son assistant Lamouche commence abruptement, au moment où Bonneau est enlevé dans le stationnement de l’aéroport Charles-de-Gaulle. On retrouvera bientôt le policier aux abords du lac Léman, enfermé dans le donjon d’un château médiéval, rien de moins. La police française accepte difficilement l’arrivée de Lamouche, envoyé par la SQ pour retrouver son « patron », et le brillant détective se voit forcé de mener sa propre enquête. Il progresse rapidement grâce à des alliés insoupçonnés… et il trouve un véritable nid de vipères : une secte, en fait, qui infiltre les plus hauts niveaux de l’État français et du Parlement européen. On vous laisse le plaisir de découvrir pourquoi ses ravisseurs ont enlevé Bonneau (lui ?), mais l’auteur — tout autant que ses deux héros — parvient ici à un équilibre remarquable entre l’enquête serrée et l’humour habituellement trop lourd du lieutenant. Ce dosage réussi fait de La femme papillon le meilleur roman de la série. À suivre.
Michel Bélair
Mission (presque) impossible
À la frontière de l’Iran, du Pakistan et de l’Afghanistan s’étend ce que les spécialistes de l’Agence nomment une zone interdite d’accès (ZI). C’est dans ce pays de déserts et de montagnes arides défendu par une technologie dernier cri que des fondamentalistes islamiques s’entraînent à renverser l’ordre du monde. Il y a d’autres ZI situées en Russie, en Corée du Nord et ailleurs, mais c’est là que notre homme, nom de code Kane, est envoyé pour exfiltrer un informateur. C’est qu’un complot de l’envergure du 11 septembre 2001 se prépare et qu’il est urgent d’agir… sauf que la mission est un échec et que Kane parvient à peine à s’en sortir vivant. Mais comme il a identifié celui qui incarne la menace, le revoilà bientôt près du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, où il fait face à l’incroyable défi de préserver le futur de la race humaine. Un thriller palpitant et sans faille, qu’on lira sur le bout de son fauteuil, porté par une écriture nerveuse d’une précision chirurgicale. Prévoyez quelques jours de « présence moins intense à la réalité »…
Michel Bélair
Anatomie d’une chute
De directrice de la publicité chez Penguin Books Canada à autrice de best-seller, il n’y a eu qu’un pas et un roman pour la Torontoise Ashley Audrain, qui a fait une entrée fracassante en littérature avec le thriller psychologique Entre toutes les mères. Son nouveau « bébé », Des murmures, est un autre récit angoissant sur fond de maternité. Incursion, ici, dans un quartier qui n’est pas sans rappeler celui autrefois habité par des « beautés désespérées ». Y demeurent Whitney, gros emploi, trois enfants ; Blair, mère au foyer ; Rebecca, médecin qui n’arrive pas à mener ses grossesses à terme ; Mara, la voisine plus âgée en deuil de son fils. Ces dames ont des maris. Ils ne sont pas que dans le décor. Les « murmures » du titre commencent lors d’un barbecue où la parfaite Whitney se met à hurler contre son fils. Qui, peu après, se retrouve dans le coma après être tombé d’une fenêtre. Accident, suicide, meurtre ? La question est posée. Le vernis se craquelle. La laideur apparaît dans toute sa splendeur, grâce au talent de la romancière.
Sonia Sarfati
Mal de mère
Mère d’une famille nombreuse, très pratiquante, Marie-France Bellegarde a été tuée par un meurtrier en série qui sévit depuis 15 ans dans le sud de la France. Affaire close. Jusqu’à ce que le tueur soit retrouvé, mort. Son décès remonte à bien avant… qu’il ne fasse sa dernière victime ! L’enquête est donc rouverte et, ô grand plaisir pour les lecteurs de Céline Denjean, elle est confiée à la majore Louise Caumont (découverte dans Matrices, suivie dans Précipice), de la police de Toulouse. Dans Châtiment, la romancière toulousaine ne fait pas dans la dentelle. Ce n’est pas son habitude. Elle livre ici une intrigue machiavélique dans laquelle les revirements surviennent jusque dans les dernières pages, sans que cela ne sente jamais le « arrangé avec le gars des vues ». L’ensemble est porté par des personnages multicouches, auxquels on s’attache ou qui rebutent… jusqu’à ce que les masques tombent, révélant le pire ou le meilleur de chacun. Quant à la majore Caumont et à son équipe, dur de ne pas y être accro.
Sonia Sarfati