Que le meilleur marchand de fromage gagne !
Chaque année, on célèbre l’expertise et la créativité des artisans fromagers québécois à travers plusieurs compétitions. Mais qu’en est-il du dernier maillon de la chaîne, à savoir le détaillant qui sélectionne leurs produits, les met en avant et en parle avec les yeux brillants ? Moins valorisé que d’autres métiers de bouche, celui de marchand fromager mérite d’être mieux connu. Alors, saluons l’arrivée au Salon international de l’alimentation au Canada (SIAL) du premier concours canadien du genre ouvert au public, et arpentons-en les coulisses.
Il peut paraître étonnant que le Québec constitue aujourd’hui une référence en Amérique du Nord en matière fromagère. Mais le pan de cette industrie que nous côtoyons le plus n’a pas, jusqu’à présent, été davantage sous les projecteurs. « Producteurs, transformateurs, marchands… Ce sont des humains à toutes les étapes. Il ne faut pas l’oublier », souligne Yannick Achim, propriétaire de la bannière Yannick Fromagerie et initiateur du Concours biennal du meilleur marchand fromager canadien 2024, qui aura lieu le 15 mai prochain en direct du SIAL, à Montréal.
Les fromages, c’est toute la vie de ce marchand depuis de nombreuses années. Il en a reconnu la valeur dès son enfance, en allant aider un agriculteur voisin de chez ses parents. Puis, il en a fait sa profession et a même représenté le Canada plusieurs en tant qu’organisateur du méconnu volet canadien, au Mondial du fromage, dont la finale se tient annuellement à Tours ou à Paris, en France.
« On sous-estime souvent le marchand fromager, explique-t-il. Nous ne produisons pas de fromages, certes, mais nous amenons de la fierté à ces produits. Les marchands fromagers sont des personnes passionnées, investies et rigoureuses. Je suis donc ravi que le SIAL accueille ce concours et montre à tous le sérieux de ce métier. »
Parmi la crème de la crème
Derrière le comptoir de sa Fromagerie Anne et Frères, située dans le quartier montréalais Villeray, la copropriétaire Anne Gauvreau-Sybille est fébrile. Dans quelques jours, elle affrontera cinq candidats sélectionnés d’un bout à l’autre du Canada dans plusieurs épreuves relevées. « C’est déjà un honneur d’avoir été choisie parmi tant d’autres », avoue l’ancienne ingénieure électrique, qui a tourné le dos à cette première carrière pour réaliser son rêve fromager. « Ce métier me permet d’exploiter mon côté sensoriel, poétique et artisanal. Je me sens moimême entourée de fromages. » À quoi fera-t-elle face, au juste, lors du concours ? « À quatre solides épreuves, qui se passeront dans un quadrilatère du SIAL qui sera visible de tous les visiteurs et curieux », répond Yannick Hakim. La première étape, la plus spectaculaire pour le public, semble-t-il, est celle du plateau de fromages. En l’espace d’une heure, les compétiteurs devront découper, sculpter, identifier et mettre en scène sur un support spécial 20 fromages de chèvre, de brebis, de vache et de bufflonne, dont 10 fromages canadiens. « C’est une manière magistrale de montrer ses connaissances, son savoir-faire et son talent artistique sur un thème. Cette année, ce sera celui des villes du monde », indique M. Hakim.
Lors de la deuxième épreuve, les concurrents disposeront de trois minutes chacun pour convaincre le jury du concours que le fromage qu’ils leur donneront à déguster est le meilleur. « C’est ce que je fais tous les jours et j’adore ça ! lance Anne Gauvreau-Sybille. Raconter le fromage, le faire découvrir, être une ambassadrice d’un producteur et d’un terroir, c’est merveilleux. »
Sera-t-elle cependant aussi confiante lors de la troisième épreuve, constituée d’une dégustation à l’aveugle de cinq fromages qu’il faudra identifier ? Ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air, confirme M. Hakim, car ils sont présentés de manière à être méconnaissables. Quant à la quatrième et dernière étape, où les concurrents devront remplir un questionnaire théorique, le président du concours leur réserve quelques surprises.
« On sous-estime souvent le marchand fromager. Nous ne produisons pas de fromages, certes, mais nous amenons de la fierté à ces produits. » — Yannick Achim
Un tremplin pour le monde
En attendant le grand jour, Anne Gauvreau-Sybille s’affaire pour être prête à tout le moment venu. « Je lis et je teste à l’aveugle beaucoup de produits, je sélectionne mes fromages pour le plateau et m’exerce en conditions réelles à les découper et à les présenter, confie-t-elle. Bref, je fais de mon mieux, comme cela, je n’aurai aucun regret. »
Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle. Le lauréat du concours canadien bénéficiera, en plus d’un trophée et d’une belle visibilité, de la chance de représenter notre pays au Mondial du fromage à Tours en septembre 2025. Ce qui lui donnera une bonne année pour se préparer à cette prestigieuse compétition.
Mais gagner, ce n’est pas tout, soutient Yannick Achim. « On fait aussi et surtout des concours pour tisser des contacts et élargir ses horizons, dit-il. Et plus on apprend, plus on se rend compte qu’on ne connaît rien. Le savoir fromager, c’est à l’infini ! » Nous en aurons donc un petit, mais irrésistible aperçu le 15 mai au Palais des congrès de Montréal. C’est un rendez-vous.