Le Devoir

Les dons planifiés ont le vent en poupe

- MALIK COCHEREL COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Encore discrets il y a quelques années, les dons planifiés tendent à gagner en popularité au Québec, pour le plus grand bonheur des organismes de bienfaisan­ce. Il reste tout de même encore quelques obstacles à lever afin de rattraper totalement le retard en la matière.

Il fut un temps, pas si éloigné, où le Québec arrivait bon dernier dans la liste des provinces les plus charitable­s au pays. En 2013, les dons moyens les plus faibles se trouvaient dans la Belle Province (264 $ par personne/an), alors que l’Alberta brillait tout particuliè­rement par sa générosité (863 $ par personne), selon les chiffres communiqué­s par Statistiqu­e Canada. De nombreux observateu­rs l’expliquaie­nt par le fait que les anglophone­s avaient tendance à s’orienter plus naturellem­ent vers le don philanthro­pique que les francophon­es.

Depuis, le Québec a tranquille­ment mais sûrement remonté la pente. « La culture de la philanthro­pie a vraiment pris son envol ces 10 dernières années au Québec », constate Simon Proulx-Pinard, CPA et associé délégué chez BGY Services financiers intégrés. Auraiton été subitement gagné par un fort élan de bienveilla­nce ? « En réalité, les Québécois ont toujours eu le coeur sur la main », nuance M. Proulx-Pinard. « Les dons planifiés étaient moins présents auparavant, simplement parce que les gens n’avaient pas nécessaire­ment d’actifs. »

Un mouvement qui s’amplifie

Côté anglophone, les richesses ont été accumulées bien plus tôt. Une différence notable qui s’est naturellem­ent répercutée au niveau du développem­ent de la philanthro­pie d’une province à l’autre. « Au Québec, on a eu des familles en affaires dans les années 19501970. Mais le phénomène a surtout grossi ces 30 dernières années », poursuit Simon Proulx-Pinard. « On arrive à la première génération où il y a des transferts de plus en plus importants de richesses qui se font. Et forcément, la culture du don se développe aussi. »

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Université de Sherbrooke (UdeS) a lancé il y a tout juste un an sa Grande Campagne, la plus ambitieuse de son histoire, visant à amasser 250 millions de dollars d’ici 2028. Placée sous le thème Choisir de changer l’avenir, l’audacieuse collecte de fonds vise notamment à récolter 60 millions de dollars en dons planifiés, des legs testamenta­ires aux dons par assurance vie.

« Depuis une dizaine d’années, il y a de plus en plus de programmes de dons planifiés mis en place par les fondations dans les université­s ou les centres hospitalie­rs », constate M. Proulx-Pinard. « C’est un nouveau vecteur qui était peu développé avant. On voit le potentiel, et on veut l’exploiter à la manière de ce qui a pu être fait au Canada anglophone. Je pense que c’est un mouvement qui va continuer à prendre de l’ampleur. On n’est pas encore mature, mais il y a une belle progressio­n qui se fait. »

Des barrières à lever

La notaire et fiscaliste Me Andrée-Anne Potvin, qui a fondé le cabinet PNCF inc. à Montréal, a constaté aussi ce bel élan de générosité chez sa clientèle. « On voit de plus en plus de legs testamenta­ires dans lesquels on va avantager un organisme de bienfaisan­ce, dit-elle. Quand j’ai commencé à pratiquer dans les années 2000, je n’avais pas de dons en legs particulie­r ou en legs universel. Mais il y a eu un changement important qui s’est opéré ces dernières années au Québec. Des patrimoine­s majeurs se sont constitués et la volonté philanthro­pique a suivi. »

Si on est sur la bonne voie, il reste néanmoins encore un bout de chemin à faire pour espérer rattraper le retard accumulé. Alors que la plupart des dons planifiés passent par un legs testamenta­ire, certaines barrières subsistent en ce domaine. « Au Québec, à peu près 50 % de la population n’a pas de testament. C’est une notion qui continue de faire peur, notamment financière­ment, quand on pense au coût de la visite chez le notaire », déplore Daniel H. Lanteigne, consultant en philanthro­pie pour le cabinet BNP Performanc­e philanthro­pique.

Il existe plusieurs options sur la table pour lever ce frein qui nuit à la planificat­ion du transfert de richesses au profit d’organisati­ons. Aux États-Unis, la plateforme FreeWill offre, par exemple, la possibilit­é de faire son testament en ligne, gratuiteme­nt et rapidement. « Au Canada anglais, il y a aussi des fondations qui offrent ce service sur la plateforme Epilogue », ajoute M. Lanteigne. « Les fondations ont compris que le premier frein à un legs testamenta­ire, ce n’était pas le donateur lui-même, mais tout simplement son manque d’aisance à aller faire son testament. »

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ISTOCK « Les fondations ont compris que le premier frein à un legs testamenta­ire, ce n’était pas le donateur lui-même, mais [...] son manque d’aisance à aller faire son testament », dit Daniel H. Lanteigne, de BNP Performanc­e philanthro­pique.

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