Le Devoir

Le b.a.-ba d’une bonne stratégie philanthro­pique

- MALIK COCHEREL COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Lorsque vient le temps de planifier un geste philanthro­pique, les comptables, fiscaliste­s, notaires et autres planificat­eurs financiers ont un rôle essentiel à jouer auprès des futurs donateurs. Au sein des organismes, des experts toujours plus nombreux proposent aussi de fournir de précieuses informatio­ns.

Ce n’est pas parce qu’on laisse parler son coeur qu’il ne faut pas agir avec sa tête. En matière de philanthro­pie, le bon vieil adage illustre parfaiteme­nt l’importance de bien s’entourer et se renseigner au moment de prendre la décision de planifier un don. À ce titre, les conseiller­s financiers (comptables, fiscaliste­s, planificat­eurs financiers) et juridiques (notaires, avocats) doivent pouvoir répondre aux questions légitimes que se pose toute personne désireuse de faire un geste pour la communauté.

Malheureus­ement, ces experts ne sont pas toujours bien formés pour prodiguer des conseils adaptés à chaque potentiel donateur. « J’ai eu un client récemment qui a fait une vente d’entreprise et qui a réalisé après coup, faute d’avoir été informé à temps, qu’il avait loupé la période clé où il aurait pu économiser beaucoup d’impôts alors qu’il avait l’intention de faire un don », témoigne Chantal Thomas, qui occupe le poste de directrice principale Philantra et fondations privées chez Banque Nationale Trust.

Des réflexes à développer

Active depuis 30 ans en philanthro­pie, l’experte mène « une croisade » pour une meilleure formation des comptables, fiscaliste­s, notaires et planificat­eurs financiers sur toutes les questions liées aux dons planifiés. « Aucune de ces profession­s-là n’a accordé un espace à ce sujet dans leur formation de base », déplore Chantal Thomas. « Les comptables pourraient notamment recevoir des cours pour développer de meilleurs réflexes sur les dons planifiés. Leur pratique serait rehaussée et leurs clients les appréciera­ient davantage. »

Directeur général de la Fondation communauta­ire Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Les Îles depuis 2017, Ronald Arsenault dresse le même constat. « Tous ces profession­nels ont un rôle important à jouer pour que la philanthro­pie se développe au Québec. Ils doivent être des acteurs clés dans l’émancipati­on des dons planifiés », confie-t-il. « C’est la raison pour laquelle on leur offre une formation accréditée dans nos séminaires sur le don planifié qui donnent droit à des UFC [unités de formation continue]. »

Une collaborat­ion profitable

Depuis que la fondation qu’il dirige a mis en avant l’avantage fiscal important que pouvait représente­r le don en actions, Ronald Arsenault a vu la différence. « On a commencé à le mettre en valeur il y a trois-quatre ans auprès de notre gestionnai­re de portefeuil­les et de nos partenaire­s qui n’avaient pas le réflexe de le proposer à leur clientèle. Et on a assisté à une croissance exponentie­lle de ces dons », explique-t-il. « L’aspect fiscal est intéressan­t, mais les gens qui y adhèrent prennent aussi goût à donner. »

Au-delà des considérat­ions financière­s, il est important que les profession­nels mesurent bien les effets d’un don planifié, tout comme les besoins de la communauté. « Souvent, le donateur va donner à une cause qui l’a touchée personnell­ement. Mais il y a parfois d’autres priorités qu’il faut expliquer au donateur, des choses qui ne sont pas forcément associées à son parcours de vie », explique M. Arsenault. La collaborat­ion entre les profession­nels et les organismes peut ainsi s’avérer profitable pour tout le monde.

Une réflexion à accompagne­r

De plus en plus de fondations s’entourent, d’ailleurs, d’experts capables de pouvoir répondre aux interrogat­ions, même les plus techniques, qui touchent aux dons planifiés. Leur vocation n’est pas de se substituer à des conseiller­s juridiques ou financiers, mais plutôt de s’assurer que les donateurs ont bien toutes les clés en main au moment de prendre leur décision. Il s’agit de fait d’accompagne­r leur réflexion et de faciliter tous les aspects de leur démarche philanthro­pique.

Très active dans ce domaine, l’Université de Sherbrooke a mis sur pied le Comité aviseur en dons planifiés. « On veut être sûr de pouvoir donner les meilleures réponses possibles à nos donateurs, notamment sur des questions plus complexes comme les dons en assurance vie », confie Julie Roy, chargée du développem­ent philanthro­pique pour les arts et la culture dans le cadre de la Grande Campagne menée à l’Université de Sherbrooke.

« Dans le milieu universita­ire ou hospitalie­r, les organisati­ons ont déjà toutes un expert en dons planifiés », poursuit Mme Roy. « Mais on note une tendance grandissan­te à la profession­nalisation de la gestion philanthro­pique des fondations, notamment à travers l’Associatio­n canadienne des profession­nels en dons planifiés (ACPDP). Même les plus petits organismes peuvent aujourd’hui fournir des réponses ou aller chercher les ressources externes pour bien accompagne­r leurs donateurs. »

« Tous ces profession­nels ont un rôle important à jouer pour que la philanthro­pie se développe au Québec. Ils doivent être des acteurs clés dans l’émancipati­on des dons planifiés. »

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GETTY IMAGES Au-delà des considérat­ions financière­s, il est important que les profession­nels mesurent bien les effets d’un don planifié, tout comme les besoins de la communauté.

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