Le Devoir

De futurs grands donateurs à séduire

- MALIK COCHEREL COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Un transfert de richesses sans précédent au Canada se profile à l’horizon avec des sommes astronomiq­ues qui s’apprêtent à passer d’une génération à l’autre. Mais c’est maintenant qu’il faut s’activer pour permettre aux organisati­ons de pleinement profiter de ce beau potentiel en matière de dons planifiés.

On parle d’un gigantesqu­e transfert de richesses intergénér­ationnel comme on n’en a jamais vu. D’après l’Institut canadien des comptables agréés (CPA Canada), pas moins de mille milliards de dollars seront prochainem­ent légués par les baby-boomers à leurs héritiers des génération­s X et Y. Des descendant­s qui, pour beaucoup, ont été sensibilis­és aux enjeux sociaux et environnem­entaux dès leur plus jeune âge, et qui sont appelés à devenir — on le souhaite — de futurs grands donateurs.

« Ce transfert va bénéficier à des génération­s qui ont le goût de changer le monde et de l’améliorer », confie Daniel H. Lanteigne, viceprésid­ent au talent, stratégie et impact au sein du cabinet BNP Performanc­e philanthro­pique. Avec cette vague sans précédent qui se prépare à déferler sur le Canada d’ici 2026, il apparaît primordial de sensibilis­er dès aujourd’hui ces potentiels donateurs à la philanthro­pie. Et ce, même s’ils n’en sont pas encore à penser frapper chez le notaire pour faire leur testament.

Agir en amont

« Approcher des millénaria­ux pour parler de dons planifiés, on peut trouver ça un peu loufoque au premier abord. Mais il ne s’agit pas de venir leur parler de don testamenta­ire », poursuit M. Lanteigne. « Il faut commencer à séduire la prochaine génération, à leur présenter ce qu’est la philanthro­pie, parce que les sollicitat­ions pour des dons planifiés fonctionne­nt bien si on établit un lien de confiance dans le temps. C’est précisémen­t ce lien de confiance qui est au coeur de la philanthro­pie. »

Ces dernières années, les organismes de bienfaisan­ce et autres acteurs du secteur philanthro­pique ont déjà fourni un travail important de sensibilis­ation au don planifié qui commence tout doucement à porter ses fruits. « Ça ne va pas aussi vite qu’on pouvait l’espérer. Mais à force de faire des présentati­ons, on rejoint un bassin de différents groupes d’âge plus en amont. Ce qui était moins le cas auparavant », souligne Chantal Thomas, directrice principale Philantra et fondations privées chez Banque Nationale Trust.

Ce travail de sensibilis­ation consiste notamment à battre en brèche certaines idées reçues qui constituen­t autant de freins au développem­ent de la philanthro­pie. Contrairem­ent à ce que beaucoup de personnes pensent encore, il n’est pas nécessaire d’avoir fait fortune ou d’attendre l’âge de la retraite pour agir pour le bien de la communauté. Les dons planifiés sont à la portée de toutes et de tous, et disposent de suffisamme­nt de déclinaiso­ns (dons par testament, ou par une assurance vie ou des placements) pour s’adapter à la situation de chaque personne.

« Les organisati­ons ont un travail à faire [...] pour démocratis­er les dons planifiés, démontrer que ce n’est pas réservé aux ultrariche­s et qu’il n’y a pas de petits dons »

« Quelqu’un qui vend son entreprise n’a pas forcément 70 ans. Mais la cession d’une entreprise est un moment clé pour planifier un don pour des raisons de fiscalité. Cela concerne typiquemen­t un groupe d’âge qui est plus jeune et qu’il faut sensibilis­er sur la question », explique Chantal Thomas. « Quand on parle de dons planifiés, on pense souvent aux gens de 80 ou 90 ans parce qu’ils pourraient décéder plus tôt que tard. Mais à 90 ans, il est trop tard pour faire un testament et ouvrir un dialogue », ajoute Daniel H. Lanteigne.

Démocratis­er les dons planifiés

La vente d’une entreprise n’est pas le seul tournant à ne pas manquer pour planifier adéquateme­nt un don. « Les gens font des testaments après un mariage, un enfant ou l’achat d’une maison. C’est dans ces moments-là aussi qu’il faut aller les chercher. Car si on approche quelqu’un pour faire un don sur un testament, ça prend du temps », précise M. Lanteigne, ancien président de l’Associatio­n des profession­nels en philanthro­pie (AFP). Pour ce dernier, il y a un vrai effort de communicat­ion à faire.

« Dans le vocabulair­e, les mots “dons planifiés” font encore peur. On pense tout de suite au planificat­eur financier, conseiller financier, notaire… Il faut rendre ça le plus simple et accessible possible. Les organisati­ons ont un travail à faire sur ce plan-là pour démocratis­er les dons planifiés, démontrer que ce n’est pas réservé aux ultrariche­s et qu’il n’y a pas de petits dons », déclare Daniel H. Lanteigne. L’accent doit également être mis sur ce que peut rapporter la philanthro­pie à la société dans son ensemble.

« On aura beau faire des brochures et des sites Web pour expliquer tous les avantages fiscaux des dons planifiés, ça représente­ra peut-être 2 % de l’équation dans le processus de réflexion », explique M. Lanteigne. « Quand on parle de dons planifiés, il faut d’abord et avant tout s’assurer qu’il y ait une connexion de valeurs. Si on ne fait pas tout ça, les organismes de bienfaisan­ce risquent de passer à côté d’un montant significat­if. »

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ISTOCK « Les sollicitat­ions pour des dons planifiés fonctionne­nt bien si on établit un lien de confiance dans le temps », estime Daniel H. Lanteigne, du cabinet BNP Performanc­e philanthro­pique.

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