Des campagnes sur les réseaux sociaux
En quelques années, les plateformes de dons en ligne et les cagnottes lancées dans les médias sociaux se sont multipliées. Les missions des organisations caritatives y gagnent en visibilité, tout en faisant face à davantage de concurrence pour attirer l’attention des gens. Leur utilisation fait en tout cas partie intégrante des nouvelles stratégies pour mesurer l’engagement suscité par une cause.
Selon Julien Pierre, professeur au Département de communication à l’Université de Sherbrooke, un changement majeur est survenu dans le rapport entre les donateurs et les organisations caritatives depuis que les médiaux sociaux sont entrés en ligne de compte. « Les mécanismes philanthropiques sont globalement toujours les mêmes : ce sont des personnes ou des organisations qui ont suffisamment de revenus pour s’engager dans un don. Par contre, les marques, les organisations, y compris les organisations informelles, vont profiter des médias sociaux pour gagner en visibilité autour de leur mission. Et ce, davantage que pour engendrer des fonds », explique-t-il.
En ce sens, il croit donc qu’on peut parler de microphilanthropie. « On aura des microfinancements, des microdons, dans de petites campagnes en ligne qui sont produites chaque fois et qui vont toucher plus de monde, souligne-t-il. Cela s’inscrit dans la fragmentation des stratégies de communication qu’on connaît aujourd’hui. »
Il y a ainsi de petites initiatives ici et là, mais il existe aussi, parallèlement, de plus grandes campagnes qui relèvent davantage de relations publiques et au cours desquelles des influenceurs sont ciblés. « Non pas des influenceurs de médias sociaux, mais des gens au sein de leur communauté », précise M. Pierre. Aujourd’hui, les programmes de collectes de fonds des organisations à but non lucratif intègrent les deux stratégies. Ils combinent des dons individuels moindres, notamment par le biais des médias sociaux, et un nombre plus limité de sommes majeures provenant de personnes influentes, souvent lors d’événements plus importants et hors ligne.
Entre visibilité virale et engagement financier
Pour les organisations caritatives, il faut établir des stratégies, car ces campagnes éclairs peuvent se faire à moindre coût afin d’engager la communauté. Mais elles doivent également rester pertinentes, pour ne pas se fondre dans la masse de campagnes qui les précèdent. « Les organisations doivent veiller à la viralité et à la circulation de leur mission sur ces plateformes. Cela montre aussi qu’il y a un public et ça légitime le tout auprès de futurs donateurs pour ensuite demander des sommes plus importantes », précise M. Pierre. « Elles disent : “Regardez, on a 500 000 ou 1 million de personnes qui nous encouragent, donc, en vous ralliant à notre cause, vous pouvez rejoindre ce public” », illustre-t-il.
Pour les chargés de communication, comme Emilie White de la Fondation McConnell, qui soutient des organisations qui oeuvrent à la résilience des communautés, la réconciliation avec les communautés autochtones et les changements climatiques, les médias sociaux servent à mesurer le taux d’engagement et le succès d’une initiative. « En juin 2023, par exemple, on a annoncé un transfert de capitaux à des organisations dirigées par des Autochtones. C’est donc une somme de 30 millions de dollars, en commençant avec un transfert de capitaux de 10 millions de dollars l’année dernière au Fonds de résilience des peuples autochtones. Il y a eu une réelle résonance, Fondations philanthropiques Canada et d’autres collaborateurs du milieu avaient relayé la nouvelle et on a pu voir que ça avait eu un impact. Il faudrait que plus de fondations fassent ce genre d’initiative », dit-elle. Même si, à proprement parler, le partage sur les médias sociaux n’a pas gonflé la cagnotte déjà fixée par le biais d’un fonds de dotation, cela a fait en sorte d’amener une visibilité à la cause et d’attirer de futurs donateurs.
De même, la Fondation publie régulièrement les nouvelles de ses partenaires pour amplifier leur voix et générer de l’enthousiasme sur les réseaux sociaux. En effet, qui dit engouement et intérêt dit aussi futurs donateurs, petits ou grands. Cela permet de mettre des causes en avant auprès d’un large public et de voir le taux d’engagement. « On fait des rapports trimestriels, on regarde combien de personnes nous suivent sur nos différentes plateformes », souligne Mme White. Le nombre de partages et de mentions J’aime sert notamment à quantifier le taux d’engagement de la communauté pour une cause. Pour elle, il ne s’agit donc pas d’une stratégie instantanée visant à amasser rapidement des fonds, mais plutôt d’une vision à long terme.