Un partage des acquis pour des interventions adaptées
Comment mieux former les intervenants en travail social et augmenter leur rétention sur le marché du travail ? Comment repenser des interventions en protection de la jeunesse dans d’autres contextes culturels ? Un premier colloque en travail social en contexte de protection tentera d’apporter des pistes de réflexion et de réponse à ce type de questions et aux défis entourant le domaine dans la province.
À l’Université du Québec à Chicoutimi, la professeure titulaire en travail social Eve Pouliot a troqué la formule du cours magistral pour une approche pédagogique basée sur le récit. Les étudiants entrent en contact avec des personnages fictifs dont les histoires évoluent et se croisent tout au long de la session. Ces histoires sont basées sur des cas réels. Pour chaque étude de cas, les étudiants doivent travailler en équipe pour analyser la situation et établir un plan d’intervention.
« À travers l’histoire de ces personnages, on voit les concepts théoriques, explique Mme Pouliot. Chaque cours, on part avec une étude de cas. On est dans le concret. Ça suscite la motivation des étudiants et ça leur fait vivre des émotions. Ça favorise l’apprentissage. »
De même, pour aborder l’histoire de la profession, Eve Pouliot utilise l’exemple d’Aurore, l’enfant martyre, pour déterminer de quelles façons ce même cas aurait été traité par les autorités à différentes périodes de l’histoire de la province. « La protection de la jeunesse, ce n’est pas un contexte
facile pour les étudiants, observe Eve Pouliot. On est là pour les accompagner à réfléchir, à développer des réflexes et une pensée critique. »
De la même façon, un laboratoire immersif a été développé au sein du baccalauréat en travail social à l’Université du Québec à Rimouski. Les étudiants se sont mis dans la peau d’intervenants du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ)
pour agir dans des mises en situation avec des parents dont les rôles étaient joués par des comédiens professionnels. L’activité s’est déroulée en collaboration avec divers partenaires du milieu, dont les Centres intégrés de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent et de Chaudière-Appalaches et la DPJ.
Du côté de l’Université du Québec à Montréal, la professeure invitée,
spécialiste de l’intervention en services de protection de la jeunesse au Québec à l’École de travail social, Nathalie Plante, convoque dans ses cours des conférenciers ou des parents ayant un enfant avec un handicap sévère pour qu’ils viennent parler de leur expérience.
Ces différentes approches font partie des initiatives pédagogiques qui seront mises en avant lors du colloque Penser les enjeux de la recherche et de l’enseignement liés au travail social en contextes de protection : réflexions critiques, théoriques, éthiques et méthodologiques. Ce dernier aura lieu le lundi 13 mai en mode hybride dans le cadre du congrès de l’Acfas.
Décloisonner la discipline
« Il y a une grande pénurie de personnel et des défis de rétention », constate Nathalie Plante, qui est coresponsable de l’événement. Selon cette dernière, les établissements d’enseignement s’adaptent à la situation en mettant en avant des techniques d’apprentissage plus expérientielles et en fournissant des outils aux futurs intervenants pour mieux prendre soin d’eux-mêmes.
« [Au sein des universités], il y a un changement de cap, une grande réflexion qui a lieu en ce moment sur la manière de former les intervenants. Je crois qu’un colloque va venir améliorer ces initiatives, en faisant un partage des acquis », dit Mme Plante.
« La protection de la jeunesse, ce n’est pas un contexte facile pour les étudiants. On est là pour les accompagner à réfléchir, à développer des réflexes et une pensée critique. »
Le colloque est divisé en deux blocs. Avant d’aborder les initiatives pédagogiques, il sera d’abord question des enjeux éthiques entourant le domaine ainsi que des avancées en recherche. L’une des conférences portera notamment sur l’expérience vécue dans la communauté attikamek d’Opitciwan, en Mauricie, qui a le plein contrôle de ses services de protection de l’enfance depuis 2022. D’autres présentations porteront, par exemple, sur le décrochage scolaire ou l’intervention en contexte de pauvreté.
« Le but du colloque, c’est d’aller développer une mise en commun dans des secteurs qui ne communiquent pas tant que ça, poursuit Mme Plante. On aimerait qu’il y ait une métaréflexion qui en émerge pour [éventuellement] prendre des décisions [politiques] qui sont les plus adéquates. »