Des initiatives autochtones pour améliorer santé et services sociaux
De la santé à la petite enfance, des initiatives autochtones se multiplient dans divers domaines. Documentées par la science, elles seront mises en lumière lors du colloque Mino Pimatiziwin : politiques publiques et mieux-être des populations autochtones
Au début des années 2000, les Anichinabés de Val-d’Or allaient rarement chez le médecin. En dernier recours, ils se rendaient à l’urgence, se souvient Édith Cloutier, directrice générale du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or depuis 35 ans. Il suffit de penser aux pensionnats autochtones ou, plus récemment, aux allégations d’abus par des policiers à Val-d’Or en 2015 et à la mort de Joyce Echaquan dans un hôpital de Joliette en 2020. Bref, la méfiance envers les institutions canadiennes est toujours bien présente, au détriment, bien souvent, de la santé.
« Il y a des écarts en matière de santé physique et mentale, de taux de diabète, de suicide, qui sont là depuis des décennies, observe Mme Cloutier. Malgré la disponibilité des services, les Autochtones étaient invisibles. »
Comme les 122 centres d’amitié autochtones au pays, celui de Val-d’Or vise à améliorer la qualité de vie et à être un pôle culturel pour les 60 % des membres des Premières Nations et du peuple inuit résidant en ville au Québec. Dans la municipalité minière, le centre d’amitié a notamment mis sur pied un centre de la petite enfance, construit des logements
sociaux, offert un programme d’insertion au marché au travail et un service juridique communautaire autochtone. Trouver une solution au manque d’accès aux services de la santé allait donc de soi pour l’établissement. Il y a une quinzaine d’années, il a créé l’initiative Mino Pimatisi8in, dont le nom Anishinaabemowin signifie « garder son équilibre ».
Avec quelques enveloppes budgétaires, une clinique de santé a ouvert ses portes grâce à « l’emprunt » de personnel médical — une infirmière, un travailleur social et une médecin — au réseau de la santé québécois, raconte Mme Cloutier. « On est dans la mise en place, par et pour les Autochtones, de services qui répondent à leurs besoins et qui sont culturellement sécurisants », explique-t-elle.
« C’est un travail de longue haleine, mais qui donne des résultats, affirme Mme Cloutier. On aborde la santé et le mieux-être dans sa globalité, avec le mental, le spirituel, le physique, dans une démarche de sécurisation culturelle et une visée transformatrice. »
Les soins offerts à la clinique s’imbriquent donc dans une vision plus holistique de l’humain, où santé physique et mentale, médecine conventionnelle et traditionnelle s’entremêlent. Ainsi, au centre d’amitié, il est aussi possible de faire des cérémonies traditionnelles, des ressourcements en forêt, des interventions de groupe par le biais de cercles de parole ou de recevoir des conseils pour une médecine traditionnelle à base de plantes.
Une équipe de chercheuses du Réseau DIALOG (Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones) se penche actuellement sur les données amassées au cours des dernières années. Et ce, pour documenter la réduction des écarts, en matière de santé, entre les populations autochtones et non autochtones. Ce qui est certain, c’est que les Premières Nations ne sont plus invisibles au sein de cette clinique. La formule fait aussi des émules ailleurs dans la province, avec des ouvertures d’établissements similaires dans des villes comme Montréal, Joliette, Trois-Rivières et La Tuque.
La science, une clé pour de meilleures politiques
Outre la clinique de santé à Val-d’Or, diverses initiatives autochtones seront présentées lors du colloque. L’événement aura lieu les 13 et 14 mai en mode virtuel au congrès de l’Acfas. Un tel colloque est mis sur pied par le Réseau DIALOG. Plusieurs chercheurs et chercheuses donneront un aperçu de leurs travaux réalisés en collaboration avec des centres d’amitié et des organisations autochtones un peu partout sur le sol québécois, de Lac-Simon à Uashat mak Maniutenam. Les projets explorent des pistes de solution pour la violence conjugale, la recherche-action participative en partenariat avec des proches aidants des Premières Nations ou encore la gouvernance quant aux services de soutien à l’enfance.
Ce partage de connaissances lors du congrès permet notamment à diverses communautés d’être au fait de ce qui se passe ailleurs sur le territoire, explique Carole Lévesque, professeure titulaire à l’Institut national de la recherche scientifique et coresponsable du colloque. Cette dernière espère que l’événement contribuera à déboulonner des mythes tenaces. Par exemple, la plupart des membres des Premières Nations et du peuple inuit ne vivent pas dans des réserves reculées, mais en ville. Les communautés, loin d’être passives, sont extrêmement dynamiques dans la mise en place d’actions et de solutions face aux défis contemporains. Pour Mme Lévesque, les projets scientifiques, qui se greffent à des initiatives existantes, permettent également de construire des ponts qui pourront améliorer les politiques publiques.
« Les services offerts aux Québécois en général ne répondent pas nécessairement aux attentes, aux modes de pensée autochtones, ditelle. De nouveaux corpus d’informations seraient donc voués à nourrir des politiques publiques destinées aux populations autochtones, mais aussi définies par ces dernières. »
« On est dans la mise en place, par et pour les Autochtones, de services qui répondent à leurs besoins et qui sont culturellement sécurisants »