Renforcer l’écosystème québécois des revues savantes francophones
Le congrès de l’Acfas permettra de dévoiler quatre recommandations touchant l’ensemble des acteurs de l’édition scientifique
Quels gestes doit-on poser pour fortifier l’édition savante québécoise ? « Il faut commencer par reconnaître la valeur des revues savantes dans le circuit de la recherche scientifique, avance Anne-Marie Fortier, professeure à l’Université Laval et directrice de la revue scientifique Études littéraires. D’une part, les revues savantes ont le rôle de certifier, et ce, de façon indépendante, la valeur scientifique des articles qui sont publiés. D’autre part, elles agissent en tant que diffuseuses du savoir auprès d’autres chercheurs — ce qui sert à relancer la recherche — et parfois même auprès du grand public et des décideurs. »
Ce souhait de mieux se faire valoir est le résultat d’un symposium organisé en novembre 2023 par Érudit, la plateforme québécoise d’agrégation des revues savantes francophones, en collaboration avec l’Acfas, qui a réuni une quarantaine de revues savantes québécoises. « En 2023, nous avons célébré notre 25e anniversaire, explique Tanja Niemann, directrice générale d’Érudit. Plutôt que de seulement fêter l’événement, nous avons voulu souligner la contribution essentielle des revues savantes à la recherche scientifique. Et en cette époque de profondes mutations dans l’édition scientifique, avec le numérique et le libre accès, quoi de mieux que de créer un espace commun où les responsables des revues pourraient échanger entre pairs ? »
Des recommandations concrètes
D’où l’idée de ce symposium, qui a permis d’accoucher de quatre recommandations principales touchant l’ensemble des acteurs de l’édition scientifique, soit les instances publiques et les organismes subventionnaires, les universités et les institutions scientifiques, les bibliothèques et les infrastructures numériques, et, bien sûr, les revues savantes ellesmêmes. C’est Anne-Marie Fortier qui aura le plaisir de dévoiler publiquement ces recommandations lors de l’activité Vive les revues savantes, soutenue par Érudit, lors du prochain congrès de l’Acfas.
« La première recommandation s’adresse principalement aux organismes subventionnaires, à qui l’on demande d’indexer le financement selon l’inflation, précise Mme Fortier, et de le pérenniser en l’étendant sur cinq ans plutôt que trois ans, comme c’est le cas présentement. Cela permettrait aux revues de mieux planifier leur parcours. »
La seconde recommandation s’adresse aux universités et aux institutions, à qui l’on demande de mieux harmoniser le soutien qu’elles apportent aux revues savantes issues de leurs départements et facultés. Présentement, le soutien varie selon l’institution. « Il faut mieux reconnaître la tâche qu’accomplit le chercheur lorsqu’il assume la responsabilité éditoriale d’une revue savante, poursuit AnneMarie Fortier. Il doit s’assurer de la validité scientifique des articles que la revue publie, mais aussi travailler à la révision des textes, guider les jeunes auteurs, sans compter qu’il doit maîtriser l’ensemble des outils nécessaires à la publication d’une revue. Une mesure de reconnaissance pourrait être un dégrèvement d’enseignement. »
Les bibliothèques et les infrastructures numériques possèdent en leur sein des expertises — par exemple, certaines bibliothèques ont des bibliothécaires spécialisés dans la publication scientifique — qui pourraient grandement profiter aux équipes éditoriales des revues savantes. On recommande donc de bonifier et d’harmoniser ces expertises et de les offrir aux équipes éditoriales.
La dernière recommandation s’adresse aux revues savantes elles-mêmes. « Étant donné leur nature, qui les rattache à une discipline, les revues savantes sont souvent atomisées, souligne Anne-Marie Fortier. Et malgré l’excellent travail d’Érudit comme agrégateur, il serait souhaitable que les revues savantes s’organisent en communauté. Pareil regroupement permettrait non seulement d’échanger entre pairs, mais aussi de faire la promotion de l’édition savante au Québec. »
« Et en cette époque de profondes mutations dans l’édition scientifique, avec le numérique et le libre accès, quoi de mieux que de créer un espace commun où les responsables des revues pourraient échanger entre pairs »
Pour la suite des choses
À quoi doit-on s’attendre une fois ces recommandations dévoilées ? « Ce que nous espérons, avance Tanja Niemann, c’est que ces recommandations servent à créer un alignement entre les différents acteurs de l’édition scientifique québécoise. Cet alignement est nécessaire si l’on veut développer une vision commune. »
Et selon elle, le temps est propice pour une telle avancée. « Pendant des années, à l’international, l’édition scientifique la plus valorisée, par défaut, était celle en anglais, poursuit-elle. Mais depuis un certain temps, on se rend compte de l’importance de publier dans la langue de sa nation, car ça permet souvent de saisir les particularités propres à chaque communauté. Le tout à l’anglais s’estompe, ce qui, au Québec, ouvre la voie à la valorisation de l’édition scientifique francophone. »