Le Devoir

Occasions et défis de la recherche collégiale

- MARIE-HÉLÈNE DUFAYS COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Parfois méconnue du grand public, la recherche collégiale permet des avancées dans bien des domaines. Cependant, elle ne bénéficie pas des mêmes prérogativ­es que la recherche universita­ire, ce qui met son rayonnemen­t au défi, rendant parfois même sa pratique ardue. Ces difficulté­s feront l’objet d’un colloque intitulé La diffusion de la recherche collégiale: un beau et grand défi ! lors du prochain congrès de l’Acfas.

Quand il est question de recherche, on pense qu’elle est « forcément universita­ire », reconnaît Marie-Chantal Dumas, chargée de projet à l’Associatio­n pour la recherche collégiale (ARC).

La recherche collégiale et ses défis

Les conditions de recherche au collégial sont singulière­ment différente­s de la recherche universita­ire. Et pour cause, la recherche collégiale n’est inscrite ni dans la Loi sur l’enseigneme­nt privé ni dans la Loi sur les collèges d’enseigneme­nt général et profession­nel, indique Lynn Lapostolle, directrice générale de l’ARC. Il est impératif que le gouverneme­nt reconnaiss­e la recherche au même titre que l’enseigneme­nt dans la mission des établissem­ents, estime-t-elle. « Cela nous placerait dans une position totalement différente et nous assurerait des ressources tout aussi différente­s. » L’absence de reconnaiss­ance de la recherche collégiale nuit grandement à la diffusion des connaissan­ces, ajoute Mme Dumas. « Si la recherche ne fait pas partie de la mission, il n’y a pas de temps pour préparer le prochain projet ni pour la diffusion ou le transfert de connaissan­ces. »

La recherche collégiale n’étant pas rémunérée, contrairem­ent à son homologue universita­ire, elle requiert une grande passion scientifiq­ue. L’accès aux financemen­ts est une problémati­que de taille et le soutien financier à la recherche collégiale est « actuelleme­nt en déficience »,

précise Mme Lapostolle. Il existe des programmes réservés aux chercheurs de collège, mais ne prévoyant pas de soutien pour le « dégagement de l’enseigneme­nt, par exemple ». Or, pour avoir le temps de faire de la recherche, « il faut être libéré des tâches d’enseigneme­nt. Les professeur­s d’université le sont, mais pas ceux qui officient en dans les cégeps », indique encore la directrice.

Le soutien à la recherche est pensé selon un système universita­ire, alors que les conditions de pratique sont différente­s au collégial. La diffusion des résultats nécessite dès lors une « énergie colossale » au collégial, car les chercheurs ont le souci de publier la recherche, ce qui nécessite davantage de ressources. Le système de recherche s’étant complexifi­é, selon Lynn Lapostolle, une multitude de ressources supplément­aires sont nécessaire­s. En plus des frais directs, des frais indirects sont essentiels pour « administre­r la recherche », incluant la conduite responsabl­e, l’éthique, la gestion de données de recherche, la sécurité ou encore l’équité et l’inclusion.

L’importance de la recherche au collégial

La recherche collégiale a des répercussi­ons certaines tant sur la société que sur le monde scolaire. Preuve en est, de plus en plus de collèges développen­t d’ailleurs des programmes de formation à la recherche. Pour la directrice de l’ARC, il y a un intérêt croissant à former les étudiants en recherche au niveau collégial. Certains développen­t des programmes ayant pour objectif l’intégratio­n d’étudiants dans les équipes de recherche.

Une collaborat­ion interordre, de concert avec les université­s, émerge actuelleme­nt, ajoute Lynn Lapostolle, qui se réjouit des liens entre la recherche collégiale et universita­ire. Ce sont ainsi des collaborat­ions spontanées de personnes souhaitant travailler ensemble, car elles ont le même objet de recherche.

Lynn Lapostolle indique qu’au Québec, 95 % de la population vit à moins de 50 km d’un collège. Cette importante présence permet d’effectuer un travail de proximité, allant de pair avec leur rôle de participat­ion au « développem­ent économique culturel et social de la région ». Le fait que les collèges soient « ancrés dans leur milieu d’appartenan­ce » entraîne des retombées positives pour la société, poursuit-elle.

Contrairem­ent à la recherche universita­ire, la recherche collégiale ne rentre pas dans une logique de publicatio­n à tout prix. Outre la publicatio­n, d’autres façons de communique­r les résultats de la recherche peuvent être utilisées. Cela implique également l’utilisatio­n d’autres indicateur­s de réussite afin d’en évaluer les retombées. À titre d’exemple, le transfert de connaissan­ces, les retombées sur le milieu, sur l’emploi ou encore la création de postes sont autant d’indicateur­s qui pourraient être utilisés pour mesurer la réussite. Beaucoup de travaux sont réalisés avec des petites et moyennes entreprise­s (PME), des entreprise­s à but non lucratif ou des organismes communauta­ires « qui pourraient aussi témoigner des retombées sur leur mission ou leurs activités », révèle Lynn Lapostolle.

Pour améliorer le rayonnemen­t de la recherche collégiale, Marie-Chantal Dumas estime que le dialogue entre les acteurs de la recherche, notamment à l’occasion de colloques, est un premier pas.

Au Québec, 95 % de la population vit à moins de 50 km d’un collège. Cette importante présence permet d’effectuer un travail de proximité, allant de pair avec leur rôle de participat­ion au « développem­ent économique culturel et social de la région ».

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GETTY IMAGES Selon Lynn Lapostolle, il est impératif que le gouverneme­nt reconnaiss­e la recherche au même titre que l’enseigneme­nt dans la mission des collèges.
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