Le Devoir

Si j’avais un marteau…

Michael McDowell, auteur de la saga Blackwater, s’amuse ferme dans ce roman d’horreur. C’est contagieux.

- SONIA SARFATI COLLABORAT­RICE LE DEVOIR

« Si j’avais un marteau, je cognerais le jour, je cognerais la nuit, j’y mettrais tout mon coeur », chantait Claude François dans les années 1960. Katie Slape aurait pu entonner le même air, un siècle plus tôt. Mais au lieu de « bâtir une ferme, une grange et une barrière », le personnage de Michael McDowell ferait éclater des crânes, des visages. Et des vies. En y mettant tout son coeur.

« Katie contient certains de mes meurtres les plus effroyable­s. C’est sans doute mon livre le plus cruel. C’était très amusant à écrire », a un jour déclaré le romancier américain. On le croit.

Décédé en 1999 à 49 ans, celui qui a participé à l’écriture des scénarios de Beetlejuic­e et de Nightmare Before Christmas a récemment été découvert par le lectorat francophon­e grâce aux éditions Monsieur Toussaint Louverture en France et Alto ici. Il y a d’abord eu, en 2022, l’épique fresque en six tomes Blackwater et, l’an dernier, le prenant Les aiguilles d’or.

Sans se répéter, le romancier mêle à dose variable le macabre et le surnaturel à des intrigues historique­s. Dans Katie, il ajoute l’humour et, surtout, l’allant vertigineu­x propre au feuilleton. Le roman est, en ce sens, machiavéli­que : le terme « pageturner » ne suffit pas à décrire la vitesse à laquelle on a envie (besoin ?) d’en tourner les pages. Sans en sauter aucune. Bon, peut-être quelques lignes, ici et là, particuliè­rement explicites sur les effets du maniement du marteau ci-dessus mentionné.

En 1871, dans une bourgade du New Jersey, la jeune Philomena Drax (sur)vit avec sa mère. Cette dernière, couturière, tire l’aiguille. Ce qui ne les empêche pas de tirer aussi le diable par la queue. Jusqu’à ce qu’elles reçoivent une lettre provenant du grand-père de la première, père de la seconde. Il est riche. Il est

Sans se répéter, le romancier mêle à dose variable le macabre et le surnaturel à des intrigues historique­s. Dans Katie, il ajoute l’humour et, surtout, l’allant vertigineu­x propre au feuilleton. Le roman est, en ce sens, machiavéli­que : le terme « page-turner » ne suffit pas à décrire la vitesse à laquelle on a envie (besoin ?) d’en tourner les pages.

mourant. Si elles le sauvent des griffes de la famille d’escrocs, les Slape, qui a élu domicile chez lui, le magot est à elles. Philo fonce. Mais l’aïeul succombera peu après, victime d’un meurtre particuliè­rement sadique. Katie peut tuer autrement qu’avec un marteau…

Pourvue d’un père aussi idiot que rapace et d’une belle-mère machiavéli­que, la jeune fille mal embouchée est un monstre aux cheveux d’un feu digne de l’enfer où elle finira un jour (espère-t-on). Et elle parvient toujours à ses fins parce qu’elle possède un don de voyance. Elle pose les yeux sur quelqu’un et elle sait tout de lui. Ça en fait une adversaire quasi impossible à déjouer, à laquelle se coltinera la pauvre Philo. Que la naïveté conduira à commettre bévue après bévue.

Le malheur lui tombe en effet dessus à répétition. De préférence à la fin d’un chapitre. Il y en a beaucoup, ils sont très courts. La tentation est forte d’aller au suivant. Le rythme est feuilleton­esque. Les personnage­s et les situations aussi. On est moins ici dans la précision historique et psychologi­que que dans Les aiguilles d’or, mais quel plaisir (même pas coupable) dans cette virée victorienn­e !

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1/2 Michael McDowell, traduit par Jean Szlamowicz, Alto, Québec, 2024, 504 pages
Katie 1/2 Michael McDowell, traduit par Jean Szlamowicz, Alto, Québec, 2024, 504 pages
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GETTY IMAGES

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