Le Droit Affaires

EN MODE AMICAL

- Par Isabelle Brisebois / Collaborat­ion spéciale

Plus qu’un simple salon de coiffure, Victor Victor est aussi une affaire d’amitié entre Sonia Provost et Isabelle Desloges-Young.

L’UNE COMMENCE UNE PHRASE, l’autre la termine. Souvent elles s’exclament à l’unisson, soudées par un regard complice, celui qui découle d’une longue amitié. De cette relation entre

Sonia Provost et Isabelle Desloges-Young est né Victor Victor, un salon de coiffure qui s’impose aujourd’hui comme un incontourn­able à Gatineau.

En 2018, deux ans après l’ouverture de Victor Victor, Sonia et Isabelle remportent au gala de la Chambre de commerce de Gatineau un prix Excelor dans la catégorie « PME de l’année – 1 à 15 employés ». Une récompense qui vient souligner les fruits d’une réflexion qui a duré 10 ans avant que les jeunes trentenair­es décident de se lancer en affaires. « Peur de l’inconnu, peur de ne pas réussir, de renchérir Isabelle. Et on n’était pas assez matures pour s’embarquer dans une telle aventure. »

L’ultimatum d’Isabelle

Les années passent, les coiffeuses peaufinent leur savoir-faire et en arrivent à se forger une solide réputation dans la région. À l’automne

2015, Isabelle, en congé de maternité, pense à réorienter sa carrière ou, du moins, à provoquer le changement.

« Nous n’étions plus heureuses au salon où nous travaillio­ns, souligne Isabelle. On ne progressai­t plus. J’ai dit à Sonia que je n’y remettais plus les pieds. Ou bien on partait en affaires, ou bien on ne travaillai­t plus jamais ensemble. Un ultimatum, quoi. »

ISABELLE ET MOI, ON A PRESQUE TOUJOURS TRAVAILLÉ ENSEMBLE DANS DES SALONS, SE RAPPELLE SONIA. EN 2008, ON A SUIVI LE COURS DE LANCEMENT D’ENTREPRISE À COMPÉTENCE­S OUTAOUAIS. ON RÊVAIT D’AVOIR NOTRE PROPRE ENTREPRISE. ENSUITE, ON A VISITÉ DES LOCAUX ET LÀ, ON A EU PEUR. »

Accompagné­es par le Centre de formation profession­nelle Compétence­s Outaouais, elles montent un plan d’affaires en sachant très bien que les institutio­ns bancaires ne financent pas les salons de coiffure.

« Ce secteur d’activité est saturé, surtout en Outaouais, explique Sonia.

Il y a un salon de coiffure à chaque kilomètre environ. En trois ans, trois salons sur cinq feront faillite. En cinq ans, quatre sur cinq. La concurrenc­e est féroce. »

Néanmoins, elles se présentent à une première banque et elles essuient un refus. La deuxième – coup de théâtre ! – les accepte. Elles s’empressent donc de visiter un local lumineux et coûteux, situé au 455, boulevard de la Gappe, pour lequel elles craquent immédiatem­ent. Un endroit de rêve, de tous les possibles.

« Et là, s’exclame vigoureuse­ment Isabelle, je m’aperçois que le compte est vide, que l’argent n’a pas été déposé. Je téléphone à la banque et l’agente me dit qu’il y a eu erreur et que le prêt n’a pas été approuvé. Et pourtant, elle nous avait dit qu’on pouvait sabrer le champagne ! »

En mode panique, certes, mais en mode solution surtout, elles signent le bail en leurs noms, obtiennent un prêt de 45 000 $ de Futurentre­preneur pour acheter l’inventaire et un second de 100 000 $ de la propriétai­re du local pour entamer les améliorati­ons locatives.

« Avant d’ouvrir en avril 2016, il restait 100 $ dans le compte, se rappelle Sonia en riant. Il y avait encore de la neige et on devait acheter des pantoufles pour les clients. Disons qu’on a tout pris, jusqu’au dernier sou. Mais dès la première journée, ce fut un succès retentissa­nt. On était quatre coiffeurs et on affichait complet. »

L’amitié par-dessus tout

Ce succès est dû en partie par la forte présence de Victor Victor sur les réseaux sociaux. « Je publiais sur Facebook et Instagram des images des travaux de constructi­on ou, encore, je présentais les coiffeurs, fait valoir Sonia. On a créé un engouement qui a contribué à nous faire connaître. »

Après six mois d’opération, leur chiffre d’affaires dépassait déjà les prévisions financière­s. Aujourd’hui, le salon compte dix employés. Les coiffeurs reçoivent plus de trois formations par année et sont réputés pour leur talent et leur expertise.

« En Outaouais, le salaire moyen d’un coiffeur est de 28 000 $ par année, précise Isabelle. Ici, on est fières de dire qu’il gagne entre 32 000 $ et 60 000 $. Un nouveau client peut attendre jusqu’à trois mois avant d’obtenir un rendez-vous. »

« On choisit nos coiffeurs en fonction de leur attitude, surtout. On cherche des vedettes en devenir que nous allons pouvoir propulser en les encadrant, ajoute Sonia. On veut qu’ils adhèrent à nos valeurs, soit le bonheur au boulot, le travail d’équipe, la formation, l’avancement et le virage écologique. »

Jusqu’à maintenant, le chemin n’est pavé que de réussites pour les deux femmes d’affaires. Qu’en est-il alors de l’avenir ? « On a soif de revivre les émotions de l’ouverture, dit Sonia. Tout le monde nous pousse à foncer, que ce soit notre comptable Julie, notre coach

Luc, notre notaire, nos clients. Trois plans sont possibles : la franchise, l’expansion du local ou ouvrir ailleurs à Gatineau. »

« Nous avons l’argent pour agrandir ici, mais le problème est de trouver de la main-d’oeuvre qualifiée qui répond à nos standards, lance Isabelle. Certains salons font même signer des contrats de non-concurrenc­e à leurs coiffeurs, à savoir que pendant deux ans, ils ne peuvent pas travailler dans un périmètre déterminé. »

« Victor Victor, c’est un casse-tête où chaque morceau s’imbrique parfaiteme­nt l’un dans l’autre, explique Sonia. On a peur de briser cette harmonie en faisant le saut. Et à travers tout ça, c’est notre amitié, à Isabelle et moi, qui compte plus que tout. »

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Isabelle Desloges-Young
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Isabelle Desloges-Young et Sonia Provost, copropriét­aires du salon de coiffure Victor Victor.

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