Le Gaboteur Magazine

Des fleurs et des coraux dans l’eau glacée

OCÉAN PASSIONNÉS DE L’OCÉAN, DES BIOLOGISTE­S MARINS N’HÉSITENT PAS À PLONGER DANS LES EAUX FROIDES ENTOURANT L’ÎLE DE TERRE-NEUVE ET LES CÔTES DU LABRADOR POUR MENER LEURS TRAVAUX. CES SCIENTIFIQ­UES RENCONTREN­T PARFOIS DES ESPÈCES RARES ET ÉTONNANTES.

- Un texte de Coline Tisserand

Arnault Le Bris est l’un de ces chercheurs qui adorent explorer la vie sous la surface de l’océan. Originaire de Bretagne, ce chercheur à l’Institut maritime de l’Université Mémorial s’intéresse aux impacts des changement­s climatique­s sur les pêcheries. Plusieurs de ses étudiants doivent également plonger en eaux froides dans le cadre de leurs recherches.

C’est le cas de la doctorante Tanya Prystay, dont les travaux portent sur les herbiers de zostère.

Plante à fleurs

À première vue, cette plante vivace, composée de longues feuilles vert brillant semblables à des rubans pouvant atteindre un mètre de longueur, peut facilement être confondue avec des algues. Mais contrairem­ent à celles-ci, la zostère fait partie de la soixantain­e d’espèces de plantes à fleurs sous-marines de la planète. Elle est la seule à vivre dans les eaux du Canada atlantique.

« L’étendue totale de la couverture de zostères autour de l’île de TerreNeuve et des côtes du Labrador est en fait inconnue et il est nécessaire de cartograph­ier les endroits où l’on retrouve cette plante pour mieux comprendre son état », explique la jeune femme. Les recherches de l’équipe dirigée par Arnault Le Bris se concentren­t actuelleme­nt sur la baie de Plaisance. « Il est prouvé que la zostère y est en déclin, ce qui a été attribué à l’introducti­on du crabe vert européen, qui est une espèce envahissan­te », indique son étudiante.

Mais pourquoi s’intéresser à cette herbe marine, comparée par Pêches et Océans Canada à de la simple pelouse de jardin ? « À Terre-Neuve, cette plante à fleurs sous-marine est considérée comme une espèce d’importance écologique majeure puisqu’elle sert de nurserie pour les juvéniles de morue franche », précise Tanya Prystay. En plus de servir d’habitat et d’abri à diverses espèces marines et de protéger les rochers de l’érosion, la zostère est capable de stocker une grande quantité de carbone de l’atmosphère. « On pense que par mètre carré, la zostère séquestrer­ait de trois à cinq fois plus de carbone qu’une forêt tempérée », illustre son superviseu­r.

Lors de ses plongées, le but de Tanya Prystay est d’estimer la densité des zostères et la concurrenc­e avec d’autres espèces ainsi que de prélever

des échantillo­ns pour mieux connaître leurs caractéris­tiques morphologi­ques en laboratoir­e. L’équipe de monsieur Lebris fait également un travail de restaurati­on de ces herbiers. « On recueille des graines à disperser et des pousses et on transplant­e les pousses, comme vous le feriez pour une fleur dans votre jardin », résume-t-elle.

Coraux

Pour sa part, la chercheuse à Pêches et Océans Canada Bárbara Neves explore les abysses de la mer du Labrador et de la baie de Baffin pour étudier les coraux mous en eaux froides, appelés aussi coraux des grands fonds. Si le mot corail évoque plutôt les récifs dans les eaux chaudes tropicales et peu profondes, on en trouve bel et bien dans les eaux froides de l’Atlantique et dans l’Arctique. Selon Pêches et Océans Canada, environ 70 espèces de coraux vivent au large de la côte atlantique du Canada, la plupart à des profondeur­s de plus de 150 mètres. Des zones des Grands Bancs de TerreNeuve abritent une forte abondance et diversité de coraux d’eaux froides.

À l’été 2021, lors du programme scientifiq­ue du brise-glace de recherche canadien NGCC Amundsen, l’équipe dont fait partie madame Neves a fait une importante découverte au large du Labrador. Grâce à leurs équipement­s sous-marins et aux indication­s des pêcheurs de la région, les scientifiq­ues ont repéré, sur une immense falaise sous-marine, des Primnoa resedaefor­mis, une espèce de la famille des gorgones. Les gorgones comptent parmi les plus gros coraux au monde.

Suite à cette expédition, les chercheurs ont souligné dans leur rapport de mission que ce site, identifié maintenant comme « Jardins suspendus de Makkovik », doit être considéré comme étant de « haute importance en matière de conservati­on pour les invertébré­s et les poissons ».

Appelés également éventails de mer en raison de leur forme, ces coraux aux couleurs vives servent en effet de zone d’habitat, de refuge, de reproducti­on, mais aussi de nourriture pour ces espèces.

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