Immersion en immersion
Plus de 10 000 élèves étudient actuellement en immersion française dans des écoles du district scolaire anglophone, le Newfoundland and Labrador English School District. Plus d’un millier d’autres suivent le programme de français intensif destiné aux élèves de 6e année. En visite dans les écoles secondaires Gonzaga, à Saint-Jean, et Holy Spirit, à Conception Bay South, nous avons rencontré huit de ces élèves pour connaître leur vision de la francophonie, leurs défis pour pratiquer le français au quotidien et leur évaluation des programmes d’immersion. Le Gaboteur vous convie à son tour à faire un moment d’immersion… en immersion. 11 mai, 9 h. La directrice des programmes de français de Gonzaga, Cynthia Manning, nous dirige vers une salle où sont déjà réunis Benjamin Wall, Brooke Riggs, Dana Pormento et Katelyn Mayo. « Bonne rencontre », nous dit madame Manning, avant de quitter la salle. Elle ne reviendra qu'une fois l'heure d'entrevue écoulée.
Scénario similaire à l'école Holy Spirit, où nous accueillent à 11 h les élèves Jakiera Rideout, Luke Battcock, Megan Kieley et Hailey Owens. Là encore, la directrice des programmes de français, Margaret Vincent, s'éclipse pour les échanges.
La confiance règne, avec raison.
Le français au coeur de leur parcours
Qu'ils souhaitent plus tard devenir médecin, ingénieur ou avocat ..., une chose est sûre pour tous, ils continueront de prendre des cours en français ou de français. L'importance culturelle et historique du français au Canada, les opportunités et les portes ouvertes par leur connaissance de cette langue sont parmi les arguments qu'ils invoquent pour voir le français dans leur avenir. « J'aime cette langue! », disent-ils presque à l'unisson. « Le français fait partie de ma vie depuis la maternelle. C'est devenu une habitude », rappellent aussi ces jeunes qui, comme Benjamin et Brooke, sont en immersion depuis l'âge de cinq ans.
La qualité de leur français est impressionnante et ils sont tout à fait capables de tenir une conversation d'une heure avec nous, sans aucun problème. La fierté qu'ils démontrent de parler le français et l'importance de cette langue pour eux sont attachantes.
La francophonie
Avec le pourcentage de francophones de langue maternelle le plus faible au Canada, ainsi que leur dispersion géographique, il n'est pas toujours évident de pratiquer son français à TerreNeuve-et-Labrador, à moins de l'étudier à l'école, de participer à des activités d'organismes francophones ou d'avoir des amis dont c'est la langue maternelle.
Bien qu'il soit primordial de pratiquer une langue en dehors de l'école pour l'apprendre de manière optimale, aucun des huit élèves rencontrés en entrevue n'a l'occasion de parler le français au quotidien en dehors des heures de classe.
À l'unanimité, ils confient en toute franchise que la francophonie, pour eux, existe au Canada et ailleurs dans le monde mais très peu, sinon pas du tout, à Terre-Neuve-et-Labrador. C'est en réalité lors de séjours hors de la province, que ce soit au Québec, au Nouveau-Brunswick, à Saint-Pierre ou en France, que ces élèves ont eu des opportunités pour se lancer et pour converser avec des gens dont le français est la langue maternelle.
L’immersion : des bémols
C'est à Gongaza que nous avons eu plus de temps pour creuser l'évaluation de l'immersion. Benjamin, Brooke, Katelyn et Dana sont unanimes : il y a des changements à faire pour améliorer l'apprentissage du français.
À leurs yeux, l'immersion dès la maternelle est un élément clé pour apprendre le mieux possible la langue. « On reconnaît très facilement qui a fait l'immersion précoce (à partir de la maternelle) et qui ne l'a pas faite. On peut même savoir de quelle école viennent les élèves à partir des fautes qu'ils font », précisent Brooke Riggs et Katelyn Mayo. « Par exemple, certains élèves en immersion, en 12e année, disent encore 'je suis faim' au lieu de 'j'ai faim' ou 'je suis 15 ans' au lieu de 'j'ai 15 ans'», expliquent-elles. Malgré l'offre de différents cours en langue française dans les programmes d'immersion, elles déplorent que l'enseignement de la grammaire française ne soit pas systématique. Elles aimeraient aussi plus de cours de français au secondaire.
En contrepartie, ces élèves pensent que les cours de mathématiques devraient se donner uniquement en anglais tout au long de leur parcours scolaire en immersion car le changement de langue d'une année à l'autre peut rendre difficile l'apprentissage de la matière.
« Quand nous sommes arrivés à Terre-Neuve, ma soeur est entrée dans l'immersion tardive et elle a étudié les mathématiques en français pendant deux ans avant d'arriver au secondaire et de les continuer en anglais. Ça lui pose beaucoup de difficultés car c'est une matière déjà compliquée et en plus, elle n'arrive pas à faire le lien entre les termes de maths en français et en anglais », précise pour sa part Dana Pormenta.