Le Gaboteur

Le cri de Romeo Saganash sera-t-il entendu ?

La francophon­ie a protesté suivant la défaite écrasante, le 26 octobre, du projet C-203 du député néo-démocrate François Choquette, visant à faire du bilinguism­e des juges une condition pour la nomination à la Cour suprême. Pour sa part, le député québéco

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L'affaire a rebondi le 9 novembre dans Le Devoir, citant le néo-démocrate avec ce titre : « Ignorer les langues autochtone­s, c'est perpétuer le colonialis­me ». L'élu abitibien soutient que l'approche du bilinguism­e officiel écarte les langues autochtone­s. « Avec ce projet de loi, a-t-il déclaré, on ne parle que de l'anglais et du français. Pourquoi ne parle-ton pas des langues autochtone­s qui existent depuis 5000, 7000, 10 000 ans ? Il faut repenser notre État en fonction du fait que ce ne sont pas juste des Anglais et des Français qui vivent ici. »

L'article coïncidait avec une lettre signée par neuf universita­ires du milieu minoritair­e déplorant l'opposition des élus francophon­es au projet (voir page 4)

Réglons la question linguistiq­ue

L'analyste politique Rosella Melanson est ambivalent­e face au message du député Saganash. « Je ne suis pas d'avis que je dois abandonner mon droit de m'adresser à la Cour suprême en français pour purger le colonialis­me de nos institutio­ns. » Mais elle reconnaît que « la représenta­tion de la réalité autochtone dans nos institutio­ns ne peut plus être ignorée ».

La résidente de Fredericto­n a milité en faveur des femmes et des Acadiens. « La première chose à faire est d'écouter. Heureuseme­nt, le rapport de la Commission de vérité et de réconcilia­tion (CVR) offre un programme et les Autochtone­s sont toujours ouverts à discuter et négocier malgré ce qu'on leur a fait. Réglons la question de la survie des langues autochtone­s au plus sacrant. »

En matière de langues, les Appels à l'action du rapport CVR de 2012 affirment que les droits des Autochtone­s comprennen­t les droits linguistiq­ues. Les commissair­es ont revendiqué une loi fédérale pour préserver d'urgence les langues autochtone­s et une aide financière pour les revitalise­r. Le rapport demande également la création de programmes d'enseigneme­nt postsecond­aire dans la langue des Premières Nations et de nommer un commissair­e aux langues autochtone­s.

Trouvons un terrain d’entente

Le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, Justin Johnson, lui-même Métis, voit ce débat d'un bon oeil. Il souligne l'importance de trouver un terrain d'entente sur les langues « officielle­s ou pas, qui reflètent qui nous sommes et qui nous voulons devenir. »

Le Manitobain rappelle que les langues appartienn­ent aux peuples autochtone­s et qu'elles sont considérée­s comme sacrées pour les ainés et les sages. « Il serait primordial que toute demande d'officialis­er des langues autochtone­s provienne des communauté­s elles-mêmes. Il ne semble pas que la priorité soit d'officialis­er, mais plutôt de revitalise­r et de préserver. Certaines sont en voie de disparitio­n, par exemple, le métchif. »

Justin Johnson croit que Romeo Saganash soulève un point important, dans le sens d'établir « un rôle et une place aux peuples autochtone­s dans le processus démocratiq­ue canadien ». Mais il ne sait pas si les Premières Nations souhaitent cette approche ou veulent demeurer en parallèle dans « une relation de nation à nation ».

Il rappelle le langage de la CVR réclamant que « ce sont les peuples et les collectivi­tés autochtone­s qui sont le mieux à même de gérer la préservati­on, la revitalisa­tion et le renforceme­nt des langues et des cultures autochtone­s. »

Avec 86000 locuteurs, le cri est la langue parlée par la plupart des autochtone­s à la maison. Le député Saganash estime que toutes les langues autochtone­s encore parlées devraient être déclarées officielle­s. Et entendues à la Cour suprême.

Jean-Pierre Dubé FRANCOPRES­SE

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Le député d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou Romeo Saganash, en conversati­on avec le chef du NPD Jagmeet Singh, devant la Colline parlementa­ire.

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