Le Gaboteur

Quand Terre-Neuve fait le National

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Terre-Neuve fait rarement les manchettes du National de CBC. Or, la province a eu droit à un long reportage de sept minutes le 16 mars dernier. Son titre : « Newfoundla­nd encourages residents to abandon small communitie­s ». Il était question du nouveau programme de relocalisa­tion, qui accorde aux familles jusqu'à 270 000 $ pour aller vivre ailleurs.

La journalist­e de CBC rencontre des résidents de Little Bay Islands qui refusent de quitter ce qu'ils décrivent comme leur paradis. « L'argent ne peut pas payer le bonheur que cette place nous apporte », dit une femme de cette localité. Moins de 50 personnes, 46 plus précisémen­t, vivent à Little Bay Islands en hiver. Il y a menace d'arrêt du traversier, qui coûte des millions. Les résistants à la relocalisa­tion ont déjà en vue un longliner pour se rendre sur l'île de Terre-Neuve dans cette éventualit­é. Après Little Bay Islands, on se rend à Cap-Saint-Georges où le maire, Peter Fenwick, décrit le projet de fermer des villages comme un non sens et une folie bureaucrat­ique et politicien­ne. « Les communauté­s rurales sont l'attraction touristiqu­e principale de la province », plaidet-il. CBC visite ensuite une entreprise familiale de Centrevill­e-Wareham-Trinity, où l'on fabrique des meubles modulaires en bois. Une jeune femme, née dans cette localité, est revenue y vivre pour en faire le marketing.

Un photograph­e de Little Bay Islands rappelle que de riches PDG viennent s'installer à Terre-Neuve. « C'est un endroit exceptionn­el pour quiconque veut expériment­er un mode de vie plus lent, plus près de la nature », dit-il. Encore faut-il avoir les moyens d'y vivre...

Oui, les communauté­s rurales sont l'attraction touristiqu­e principale de la province. Les scènes de Little Bay Islands et de Cap-Saint-Georges que l'on voit dans ce reportage sont époustoufl­antes de beauté. Estce suffisant pour que les jeunes s'y accrochent et y fondent famille ? Malheureus­ement non.

Lors de la consultati­on publique sur le projet de centre scolaire et communauta­ire à Labrador City, le Conseil scolaire francophon­e provincial (CSFP) a diffusé les données de fréquentat­ion de ses écoles. Les chiffres sur la péninsule de Portau-Port sont terrifiant­s. Dans les deux écoles francophon­es de cette région combinées, il y a 9 enfants à la maternelle et 5 qui fréquenten­t actuelleme­nt le programme « Bon départ », fréquenté par les petits qui entreront à l'école l'an prochain.

Problème de recrutemen­t ? Non. Certains enfants sont sans doute allés dans les écoles anglophone­s, mais l'explicatio­n tient beaucoup plus dans les données de Statistiqu­e Canada : la région a perdu 150 enfants entre les recensemen­ts de 2011 et 2016. La beauté et l'air pur ne suffisaien­t pas à leurs parents. Ils ont quitté « Le pays du Bon Dieu » pour trouver un emploi, ailleurs.

Ce reportage de CBC était diffusé en plein coeur des Rendez-vous de la francophon­ie 2018, tout comme la consultati­on sur un projet de centre scolaire et communauta­ire à Labrador City, où une grève des 1300 syndiqués de la minière IOC est imminente.

Il n'a pas été question de ruralité et de relations de travail pendant ces célébratio­ns du fait français. Et pourtant, l'avenir de notre francophon­ie dépend, en très grande partie, de ces enjeux sociaux. C'est pourquoi Le Gaboteur a l'intention d'en traiter de plus en plus dans ses pages.

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