Le Gaboteur

Le legs musical bilingue d’Anita Best et de Sandy Morris

Sur leur premier album conjoint, trois des 16 chansons sont en français

- Élizabeth-Anne Malischews­ki

Le Ye Old Inn à Quidi Vidi était plein à craquer le jeudi 5 avril : la chanteuse Anita Best, qui a consacré sa vie à la perpétuati­on des chansons traditionn­elles de Terre-Neuve, et le talentueux guitariste Sandy Morris, également grand arrangeur musical, y lançaient leur tout nouveau disque compact, intitulé Some Songs

(Quelques chansons).

Pourquoi le Ye Old Inn, ce lieu à nul autre pareil où les touristes débarquent par dizaines pendant la période estivale ? C'est qu'à leurs débuts, dans les années 1970, c'était l'endroit où Anita Best, Sandy Morris et leurs ami.e.s se réunissaie­nt. C'est également au Ye Old Inn qu'a été lancé un des premiers albums du groupe pionnier du trad-rock Figgy Duff, dont ils faisaient tous les deux partie. Ses membres ont joué un rôle important dans la renaissanc­e de la culture terre-neuvienne pendant les années 1970 et 1980.

Anita Best et Sandy Morris se connaissen­t depuis l'âge de 15 ans. Après Figgy Duff, la chanteuse et le guitariste ont régulièrem­ent partagé la scène, ensemble ou avec d'autres artistes ou en duo. Malgré cette collaborat­ion musicale de longue date, Some Songs est le premier enregistre­ment de leur duo.

Quelques chansons…

Some Songs regroupe 16 chansons qui constituen­t un échantillo­n de leur immense répertoire commun. On y retrouve, par exemple, des pièces de compositeu­rs terre-neuviens de différente­s époques, tels Peter Leonard et Jack Withers, qui signaient des chansons originales dans les années 1930 et 1940.

Anita Best et Sandy Morris ont aussi choisi deux pièces du regretté Ron Hynes, les magnifique­s Saviour et Atlantic Blue ainsi qu'une chanson co-écrite avec Connie Hynes, I Never Met a Liar I Didn’t Like. Le « Man of a Thousand Songs » (L'homme aux 1000 chansons), avait, comme eux, débuté sa carrière dans les années 1970 et Sandy Morris a été son complice au sein d'un autre groupe culte de l'époque, The Wonderfull Grand Band.

Dans leur interpréta­tion de ces chansons, ni la guitare de Sandy Morris, ni la voix d'Anita Best n'ont préséance : Some Songs est la signature d'un duo complice et respectueu­x.

Chansons françaises

Some Songs s'ouvre sur Vive la rose, cette chanson traditionn­elle française composée au 18e siècle qui est devenue célèbre dans la province grâce à son interpréta­tion par le Franco-Terre-Neuvien Émile Benoit. Cette pièce, tout comme deux autres chansons en français de l'album, Sur la route de Dijon (aussi du 18e siècle) et Dans les prisons de Londres (du 17e siècle), fait partie de leur répertoire depuis belle lurette.

« Je ne parle pas français, mais j'adore jouer de la guitare en français », a un jour confié Sandy Morris au Gaboteur. Sur l'album, il apporte de la nouveauté à la tradition par ses arrangemen­ts musicaux et par sa maîtrise de différents styles de guitare.

Anita Best, pour sa part, a des connexions à la langue française et aux francophon­es de la péninsule de Port-au-Port depuis bien longtemps. En simultané à sa carrière artistique, madame Best a fait un baccalauré­at en français et en allemand à l'Université Memorial et elle a ensuite enseigné le français. Elle a aussi perfection­né sa connaissan­ce de la langue par des formations à l'Université de Trois-Rivières, au Québec.

Pendant ses nombreux séjours sur la côte ouest, dans les années 1970 et 1980, elle est devenue amie avec Émile Benoît, Marguerite Tasse, Blanche Ozon, Cornelius Rouzes et Bernard Félix, Plus tard, elle a travaillé aux archives du Départemen­t de folklore à l'Université Memorial à Saint-Jean avec Geraldine Barter, de La Grand'Terre et Gerald Thomas, le fondateur du Centre d'études franco-terre-neuviennes de MUN.

À cette époque, elle adorait écouter les enregistre­ments de chansons et d'histoires de la tradition franco-terre-neuvienne, et elle en a appris plusieurs.

Plus récemment, Anita Best a partagé de très nombreuses chansons de ce répertoire franco-terre-neuvien ainsi que d'auteurs québécois comme Gilles Vigneault sur la scène de l'Espace franco du Festival Folk de Terre-Neuve-et-Labrador.

Autres collaborat­ions

L'accordéoni­ste Aaron Collins s'est joint au duo lors de l'enregistre­ment de ces trois chansons en français. « Sandy et moi entendions de l'accordéon dans nos têtes en pensant à ces pièces », a raconté Anita Best.

Sept autres artistes se sont également joints au duo pour apporter des touches contempora­ines aux chansons de la tradition terre-neuvienne. Parmi ce groupe, Pamela Morgan et Erin Best chantent également en français et ont déjà occupé la scène de la tente francophon­e du Festival folk. Par contre, l'addition des autres instrument­s est discrète, mettant ainsi en évidence le jeu entre la voix et la guitare.

Ainsi, toutes les pièces de Some Songs démontrent une tension créatrice entre, d'une part, les paroles, leur lyrisme ainsi que la voix douce d'Anita Best et, d'autre part, le tempo enlevant et les riffs entraînant­s à la guitare de Sandy Morris. Leur interpréta­tion de Cliffs of Baccalieu en offre un bel exemple.

Quelles soient écrites il y a des siècles ou plus récemment, l'interpréta­tion par Best et Morris de ces « quelques chansons » introduit toujours un brin de nouveauté que l'on découvre avec ravissemen­t.

 ?? Photo : Alick Tsui ??
Photo : Alick Tsui
 ?? Photo : Gaël Fleissner/Archives Le Gaboteur ?? Le duo Anita Best et Sandy Morris en prestation dans l’Espace franco lors du Festival folk de Terre-Neuve-et-Labrador en 2017.
Photo : Gaël Fleissner/Archives Le Gaboteur Le duo Anita Best et Sandy Morris en prestation dans l’Espace franco lors du Festival folk de Terre-Neuve-et-Labrador en 2017.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada