Le Gaboteur

En revenant du Labrador

- Jacinthe Tremblay

Et bien oui, je reviens du Labrador. Mais je ne reviens pas vraiment du Labrador. En fait, je reviens de Labrador City, où j'ai passé des moments agréables en compagnie d'anciennes connaissan­ces francophon­es rencontrée­s sur rendez-vous à l'avance, et de possibles nouvelles connaissan­ces croisées, trop vite, à la partie de sucre de l'Associatio­n francophon­e du Labrador. J'ai aussi fait une visite, trop courte, sur une des lignes de piquetages des grévistes de la mine ICO, entre des périodes consacrées à faire cette édition du Gaboteur, des périodes trop longues qui m'ont empêchée de me baigner dans la vie qui bat dans ce coin du Labrador.

J'ai pris des photos de deux immeubles transformé­s en « ferme de bitcoins » qui font un bruit d'enfer pour leurs voisins. Au retour, entre les aéroports de Goose Bay et de Deer Lake, le pilote a fait un détour pour survoler le fjord du Western Brook Pond du parc national de Gros Morne. Et je me suis dit spontanéme­nt : « Just in Newfoundla­nd ». C'est dire à quel point on oublie le Labrador, même quand on vient juste d'y passer quelques jours.

Mea culpa.

Je ne suis pas allée au Labrador. Je suis allée à Labrador City. J'ai côtoyé une centaine de francophon­es, dans la même salle, pendant quelques heures. J'ai conversé avec quelques-uns. J'ai parlé à quelques mineurs, quelques minutes. Dans les airs, en survolant le Labrador, j'ai vu ce que j'ai cru être des montagnes, des lacs, des rivières, des routes. J'ai tenté, en vain, d'identifier la Grande rivière - le fleuve Churchill, parmi les bandes blanches sinueuses vues du ciel. Le pilote ne nous a pas offert un survol en basse altitude du barrage en constructi­on de Muskrat Falls et du North Spur.

C'est pourtant ce qui fera, notre « avenir à toutes et tous », n'estce pas ? Mais ce n'est pas dans le parcours scénique du Labrador. Une prochaine fois, peut-être? Dans un circuit touristiqu­e VIP des éléphants blancs ?

Et puis, en survolant le détroit de Belle Isle, je me suis demandée si Terre-Neuve serait encore une île après la constructi­on d'un tunnel avec le Labrador, le projet milliardai­re qui enthousias­me les premiers ministres de notre province et du Québec. Quand nous avons rejoint la côte de l'île, j'ai vu le golfe SaintLaure­nt, ces grandes eaux sur lesquelles se couche le soleil sur La Grand'Terre, si proche du gisement pétrolier de Old Harry, aux richesses disputées entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. Et qui pourrait faire perdre au parc de Gros Morne le statut de site du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Puis, après l'arrêt à Deer Lake, le soleil s'est couché. Je me suis assoupie au ronronneme­nts de notre petit avion. Il faisait plus froid à notre arrivée à St. John's qu'au Labrador. J'ai pris un taxi conduit par un Marocain, étudiant à la maîtrise à MUN et père de deux enfants. Son rêve est de parler le français. Il m'en a lancé quelques mots. Il pense quitter la province qu'il adore pour trouver un emploi capable de faire vivre sa famille.

Ma chienne était heureuse de mon retour. Je me suis dit avant de m'endormir que Le Gaboteur avait des histoires à raconter sur la francophon­ie et sur cette provine, en français, encore longtemps.

 ?? Photo : Jacinthe Tremblay ?? Installati­on attenante d’un entrepôt de bitcoins, sur une des rues principale­s de Labrador City.
Photo : Jacinthe Tremblay Installati­on attenante d’un entrepôt de bitcoins, sur une des rues principale­s de Labrador City.

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