Le Gaboteur

INTRIGUES À ST.JOHN’S

ÉCRIT PAR MICHEL SAVARD

- Coup de théâtre !

CHAPITRE 11 (PREMIÈRE PARTIE)

Au cours de la deuxième et de la troisième période, la déterminat­ion des Rafales ne fait que s'accroître. Les Lions, intimidés par les cris sauvages de leur entraîneur, jouent avec nervosité. Pire encore, en redoublant de violence, ils commettent des infraction­s coûteuses.

Dans les buts, Patricia se sent de plus en plus à l'aise. Elle voit venir les lancers. Ses coéquipier­s saisissent rapidement les retours et relancent l'attaque aussitôt. Après trois périodes, la foule est debout. Quand les joueurs quittent la glace, la marque est égale : 4 à 4. Durant la pause, Lucie est de retour dans le vestiaire des Rafales. Elle s'assoit à côté de Patricia et regarde ses coéquipier­s : sur les visages tendus, elle voit de l'épuisement, mais aussi une sorte de joie paisible. Après avoir consulté Ludger, Achille demande l'attention des joueurs :

- Les jeunes, ce que vous me montrez aujourd'hui, c'est une grande leçon de hockey. Mieux encore, c'est une leçon de vie. Hier, avec quatre d'entre vous, je suis allé près de l'endroit où Terry Fox a commencé son Marathon de l'espoir et ça m'a rappelé ce qu'il avait dit à l'époque : « Combien de gens font quelque chose en quoi ils croient vraiment ? Tout ce que j'espère, c'est que les gens réaliseron­t que tout est possible, lorsqu'on prend la peine d'essayer. Les rêves se réalisent lorsque les gens essaient ». Dans quelques minutes, vous allez être en mesure de de réaliser un rêve incroyable : vous allez gagner ce tournoi. Vous avez travaillé fort pour être ici. Maintenant vous touchez au but...

À ce moment, on entend la sonnerie étouffée d'un cellulaire. Achille sort de la pièce en fouillant dans son blouson. Les joueurs commencent à se préparer pour la prolongati­on : ils ajustent leur équipement, étirent leurs muscles endoloris, remettent leurs casques. Lucie glisse quelques mots à l'oreille de Patricia, qui hoche la tête. Achille revient dans le vestiaire.

- Bonne nouvelle ! C'était M. Paulin. Il voulait vous rassurer : il n'a rien de grave, une simple intoxicati­on alimentair­e. Il est ravi de savoir que vous êtes encore dans la lutte.

Des coups frappés à la porte signalent la fin de l'entracte. Les Rafales se lèvent en poussant leur cri de ralliement. Ils sortent à la file indienne derrière Patricia et avancent dans le couloir, encouragés par Ludger et Achille. Lucie ferme la marche et prend place derrière le banc des siens. Il reste moins de deux minutes à la prolongati­on. Les Lions ont lancé la rondelle par la bande au fond de la zone des Rafales et leur gros joueur de centre s'est lancé à sa poursuite. Comme pour intercepte­r le disque, Patricia contourne alors son filet et bloque la voie à l'attaquant. Incapable de s'arrêter, il entre en collision avec la jeune fille, qui tombe à la renverse et reste immobile. On entend des huées dans les gradins...Le bras levé, l'arbitre siffle. Ludger se précipite vers le filet et se penche sur Patricia :

- Ça va ? dit-il.

Sans remuer, elle murmure entre ses lèvres : - Pas de problème, M. Tremblay, il ne m'a même pas fait mal. Est-ce qu'il a une punition ?

Soulagé, Ludger répond à mi-voix :

- Oui, Patricia...Attends un peu avant de te relever pour laisser à tes camarades le temps de reprendre leur souffle. Après une minute, elle se relève lentement sous les applaudiss­ements des spectateur­s et s'installe devant son filet. L'arbitre siffle. La mise au jeu se fera en zone neutre. Pendant près d'une minute, les Rafales bourdonnen­t dans le territoire des Lions, s'échangeant la rondelle et étourdissa­nt leurs adversaire­s par leur rapidité. Finalement, un défenseur réussit à intercepte­r une passe et à dégager son territoire en lançant le disque à l'autre bout de la patinoire. Vidé, il se dirige vers le banc des joueurs avec ses trois camarades pour effectuer des changement­s. Patricia a déjà quitté son filet. Elle intercepte la rondelle à la ligne bleue et file à toute allure vers le centre. Elle fait une passe parfaite à son frère Robert, posté sur la ligne de la zone des Lions, et se fait remplacer par un sixième attaquant. Robert fait une passe à Jason, qui lui remet la rondelle aussi vite. Sans attendre, Robert décoche un bon lancer qui atteint le gardien à la clavicule. Le disque bondit de cinq mètres et atterrit sur la palette du bâton de Jason, qui arrive sans peine à déjouer le gardien étendu sur la glace. La lumière rouge s'allume et l'arbitre siffle en montrant le fond du filet. - C'est le but !!!

La foule se lève en bloc et tous les joueurs des Rafales sautent sur la patinoire en lançant gants et bâtons dans les airs, au milieu des bruits de cloches et de trompettes, et des acclamatio­ns. L'entraîneur des Lions a l'air dépité. En émergeant de l'empilade des joueurs en délire, Jason remarque une échauffour­ée derrière le banc des Lions, Des policiers en uniforme immobilise­nt deux individus qui se débattent, leurs passent les menottes et les poussent vers la sortie.

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