Le Gaboteur

La Commission scolaire de langue française prête à poursuivre la province

- Jacinthe Laforest LA VOIX ACADIENNE

La Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard (CSLF) a déposé le 20 avril dernier une mise en demeure enjoignant la province de cesser de payer des enseignant­s avec des fonds fédéraux. À défaut de réponse adéquate d’ici le 19 juillet, elle portera le dossier devant les tribunaux.

Depuis plusieurs années déjà, la CSLF fait savoir, à mots plus ou moins couverts, que le gouverneme­nt provincial se sert des fonds du Programme des langues officielle­s dans l'enseigneme­nt (PLOE) du gouverneme­nt fédéral pour payer des salaires d'enseignant­s.

« Depuis 2013, nous avons fait toutes les démarches possibles pour que la situation change, en vain. C'est pourquoi, ce matin, nous avons mis en demeure la province, et plus précisémen­t le ministère de l'Éducation, du Développem­ent préscolair­e et de la Culture, pour qu'il cesse de payer des enseignant­s avec les fonds du fédéral », a déclaré Émile Galant, président de la Commission, qui a aussi signé la mise en demeure à titre individuel, comme parent et grand-parent ayant droit.

Selon la mise en demeure, le ministère « viole l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et frustre sa pleine mise en oeuvre ».

La CSLF en est arrivée à cette conclusion pour trois raisons : 1- Le ministère ne consulte pas adéquateme­nt la CSLF pour déterminer les besoins de la communauté acadienne et francophon­e en matière d'éducation. Cette façon de faire serait, selon la CSLF, contraire à l'article 23 qui garantit la gestion scolaire, ce qui comprend les dépenses des fonds prévus pour l'instructio­n en français;

2- Le ministère se sert des fonds fédéraux dédiés à l'éducation en français pour réduire ses coûts de fonctionne­ment régulier et payer les salaires de 13,75 enseignant­s, plutôt que de les affecter aux coûts véritablem­ent supplément­aires de l'enseigneme­nt dans la langue de la minorité. La CSLF estime que cela crée, pour elle, un manque à gagner d'au moins un million de dollars par année ;

3- Le gouverneme­nt provincial ne respecte pas la clause 4,3 de l'Entente fédérale-provincial­e en matière d'enseigneme­nt de langue française. Selon cette clause, la province devrait fournir une « contributi­on financière équivalent­e ou supérieure à celle du Canada pour la réalisatio­n de son plan d'action », ce qu'elle ne fait pas, allègue la CSLF.

La mise en demeure déposée le 20 avril donne à la province 90 jours pour donner satisfacti­on à la CSLF sur ces trois points. Si elle ne répond pas de façon adéquate d'ici le 19 juillet, la Cour suprême de l'Île sera saisie du dossier.

Jurisprude­nce

Pour étoffer son action en justice, la Commission scolaire s'est adjoint les services de Maître Mark Power, un des jeunes avocats les plus sollicités pour des questions de droits scolaires au Canada.

Selon lui, le cas de la CSLF et des deux parents signataire­s (Emile Gallant, déjà mentionné, et Janine Gallant, mère de deux enfants qui vont à l'école Évangéline) est très solide et, en plus, il profite d'une jurisprude­nce accumulée depuis presque 30 ans sur l'article 23. « L'écart entre la jurisprude­nce établie en Cour suprême du Canada, unanime, et la réalité, est énorme. Alors oui, les chances sont bonnes », a précisé l'avocat.

Selon Maître Power, l'action de la CSLF tombe à pic. « C'est important d'agir maintenant, car l'Entente fédérale-provincial­e 2013-2018 sur l'éducation en français a pris fin le 31 mars dernier. La province est sur le point de s'en aller à Ottawa pour négocier une nouvelle entente. On veut une meilleure entente que la précédente et pour cela, la CSLF doit être à la table. C'est pour cela que c'était important d'agir maintenant », précise l'avocat.

Ce dernier a aussi suggéré que la présente action en justice pourrait être une première étape qui pourrait permettre à la CSLF de récupérer les sommes dont elle estime avoir été lésée depuis cinq ans.

La Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard et la Société Saint-Thomas-d'Aquin, deux organismes partenaire­s de la CSLF dans la réalisatio­n de son double mandat, ont tous deux apporté leur appui à l'action en justice de la CSLF.

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Photo : La Voix acadienne Émile Galant est président de la CSLF et un des signataire­s de la mise en demeure.

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