Le Gaboteur

INTRIGUES À ST.JOHN’S

ÉCRIT PAR MICHEL SAVARD

- Tout s’explique

CHAPITRE 12

- C'est ça, papa, bonne soirée...On se voit

demain après-midi.

Jason raccroche, soulagé.

- Papa était content, dit-il à Achille qui arrive avec deux tasses de chocolat chaud. Il m'a demandé de te remercier et de te dire qu'il était très fier de toi.

Jason se sent très fatigué. La journée a été fertile en émotions. Il repasse dans sa tête les événements de la journée. Immédiatem­ent après la partie, il y a eu la cérémonie de la remise des médailles. Puis, l'invitation surprise à la partie des Maple Leafs de St. John's, qui disputaien­t en soirée le troisième match de la demi-finale. Avant la partie, l'annonceur maison a invité les Rafales en uniforme au milieu de la patinoire où les attendait le champion compteur des Leafs, Donald MacLean, pour la remise d'une plaque souvenir. C'est Roland qui l'a acceptée au nom de l'équipe. Les deux gardiens de St. John's, Mikael Tellqvist et Mike Minard, les ont ensuite rejoints pour remettre leurs bâtons à Lucie et à Patricia. Enfin, Jason, marqueur du but vainqueur en prolongati­on, a eu l'honneur de procéder à la mise au jeu officielle, et MacLean lui a remis la rondelle du match en souvenir. Jason revoit soudain l'agitation derrière le banc des Lions après la partie. Il demande à son oncle : - Que s'est-il passé exactement derrière le

banc des Lions après le match ?

- Je crois que tu as droit à quelques explicatio­ns, répond Achille. Tu t'es vite douté que je ne suis pas vraiment photograph­e...En réalité, je travaille pour le Service canadien du renseignem­ent de sécurité. Les hommes que tu as vus à Halifax et que tu as reconnus plus tard au centre commercial, je les connaissai­s : Harry Cloppins, qui portait la barbe pour ne pas être reconnu, était recherché par la police du pays pour escroqueri­e ; il était accompagné de son fidèle lieutenant, Jean Leblanc. Ce sont les auteurs du vol des bâtons. Ils sont aussi entrés par effraction dans le vestiaire des Rafales, mais ils ont été surpris par Ludger et l'ont assommé. Avant la partie d'aujourd'hui, ils ont réussi à verser une solide dose de laxatif dans la bouteille d'eau de l'entraîneur.

- Je ne comprends pas, mon oncle. pourquoi ces bandits voulaient-ils nous empêcher de remporter un tournoi de hockey ? - C'est aussi ce qui m'a intrigué. Au centre commercial, je les ai suivis jusqu'à la pharmacie, et je les ai vus acheter un laxatif. Je n'y ai rien vu de suspect. Toutefois, je me demandais ce qu'ils pouvaient bien faire à St. John's, alors que tu les avais vus en Nouvelle-Écosse deux jours plus tôt ! J'ai donc décidé de les faire suivre plutôt que de les arrêter tout de suite.

Jason est sous le choc :

- Et jusqu'où cette filature a-t-elle mené ? - Crois-le ou non, jusqu'au stade Mile One ! Ces deux lascars semblaient être des mordus du hockey. De fait, ils assistaien­t à tous les matchs des Lions de Newcastle. J'ai alors senti qu'on brûlait. - Je sais, je sais ! Ils avaient parié gros

contre nous !

- Cette idée m'a effleuré l'esprit un moment. Mais la solution est encore plus simple : j'ai demandé à vérifier la liste des joueurs de cette équipe et ...j'ai découvert que le centre étoile était Tony Cloppins, le fils de Harry Cloppins. Tu sais que certains parents sont prêts à n'importe quoi pour que leurs rejetons gagnent. Toutefois, il était impossible d'arrêter les coupables sans une preuve irréfutabl­e.

- Comment avez-vous trouvé cette preuve ? - Les bâtons ont été retrouvés à l'aéroport de Halifax. Les deux types qui les ont laissés en consigne ont été identifiés par des employés de l'aéroport. On a eu la confirmati­on cet après-midi, durant la partie. Quelques policiers en civil se sont mêlés à la foule et ont arrêté les lascars après le match sans créer trop d'émoi parmi les spectateur­s. Harry Cloppins s'est laissé cueillir comme un fruit mûr... Je crois qu'il était plus enragé par la défaite des Lions que par son arrestatio­n ! J'ai hâte de raconter ça aux copains, à !

Tu n'auras pas long à attendre. Vous l'avion demain midi. En attendant, il est l'heure de te mettre au lit. Moi, j'ai un rapport à rédiger. Dartmouth reprenez

Durant la pause, Lucie est de retour dans le vestiaire des Rafales. Elle s'assoit à côté de Patricia et regarde ses coéquipier­s : sur les visages tendus, elle voit de l'épuisement, mais aussi une sorte de joie paisible. Après avoir consulté Ludger, Achille demande l'attention des joueurs :

- Les jeunes, ce que vous me montrez aujourd'hui, c'est une grande leçon de hockey. Mieux encore, c'est une leçon de vie. Hier, avec quatre d'entre vous, je suis allé près de l'endroit où Terry Fox a commencé son Marathon de l'espoir et ça m'a rappelé ce qu'il avait dit à l'époque :

Avant de s'endormir, Jason contemple les eaux calmes du port de St. John's où se reflètent les lumières de la ville. Pendant quelques jours, il aura vécu au rythme de cette île au coeur de l'Atlantique. Au moment où il va s'endormir, un énorme porte-conteneurs passe sous sa fenêtre avec un ronflement sourd.

EPILOGUE

Une semaine a passé.

- Lucie, tu as reçu un colis de Terre-Neuveet-Labrador, lui annonce sa mère.

- Je me demande bien de qui ça peut venir, dit la jeune fille.

À l'autre bout de la ville, un petit paquet exactement semblable est arrivé pour Patricia. À l'intérieur, elle découvre une chaînette en or au bout de laquelle pend une grosse canine d'ours. Un court message accompagne ce présent extraordin­aire : « Aux deux gardiennes de but des Rafales, en souvenir de l'aventure qui les unira pour toujours. » Et c'est signé : « Achille Thibodeau ».

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